eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 38/75

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2011
3875

Nathalie Freidel: La Conquéte de l’intime. Public et privé dans la Correspondance de Madame de Sévigné. Paris: Champion, 2009. 728 p

2011
Paola Placella Sommella
PFSCL XXXIX, 75 (2011) Nathalie Freidel : La Conquête de l’intime. Public et privé dans la Correspondance de Madame de Sévigné. Paris: Champion, 2009. 728 p. Cette étude de grande envergure sur Mme de Sévigné reprend des thèmes analysés par les plus importants spécialistes de l’épistolière, depuis les études fondamentales de Roger Duchêne, à qui on doit la dernière édition de la Correspondance chez La Pléiade avec son incontournable appareil de notes explicatives, aux études de Bernard Bray qui a ouvert le débat entre public et privé dans les lettres de la marquise. Tout en reprenant donc la thématique du public / privé, Mme Freidel insère le discours épistolaire de Mme de Sévigné dans le cadre politique, social, mondain, littéraire et religieux de son époque. Le volume est organisé en quatre parties de trois ou quatre chapitres chacune qui s’appuient sur une solide connaissance des essais critiques écrits par les spécialistes de chaque secteur sur chaque sujet. Ainsi, par exemple, la première partie, La ligne de fracture du public et du privé au XVII e siècle, qui traite le sujet dans le cadre de l’absolutisme de Louis XIV, de la religion d’Etat, de la situation particulière de l’écrivain et de la transformation de la littérature épistolaire, se rapporte, entre autres, aux études bien connues de M. Fumaroli, de N. Elias, de J.-M. Apostolidès, de B. Beugnot, de Ph. Sellier, de P. Bénichou, de H. Merlin, de J. Mesnard, de P. Dumonceaux, d’A. Viala, d’E. Bury, de B. Bray, d’I. Landy-Houillon, de L. Versini, de J. Rousset, et, bien sûr, de tous les spécialistes de Mme de Sévigné depuis R. Duchêne à S. Guénoun, F. Nies, M.-O. Sweetser, C. Montfort Howard… et de tant d’autres encore cités en note ou dans la très riche bibliographie. A ce propos il aurait été très utile d’élargir l’index des noms qui ne comprend que les noms des personnes citées dans les Lettres ou des écrivains du XVII e siècle (mais alors pourquoi citer Sainte-Beuve ? ). Dommage aussi pour la coupe syllabique que l’ordinateur fait souvent à son gré… Chaque partie - II e : Espace public, espace privé, III e : Individu et société à travers la Correspondance, IV e : Ecrire l’intime - suit le même schéma : les lettres de Mme de Sévigné sont examinées à travers un panorama complet de son siècle et tous les aspects de la vie de la marquise sont soumis à une analyse approfondie dans une continuelle dialectique entre le public et le privé, entre la nécessité, pour la marquise, de préserver la sphère intime à l’intérieur de la sphère publique à laquelle elle participe. Ainsi apparaissent les rapports d’amitié, auxquels la marquise reste fidèle même lorsque ses amis tombent en disgrâce, dans les lettres échangées avec son cousin Bussy Rabutin, en défaveur auprès du Roi et écarté de la cour, dans celles qui rapportent les phases du procès contre le surintendant Foucquet - à qui elle fait allusion en disant « notre cher et malheureux ami » - dont le pouvoir et PFSCL XXXVIII, 75 (2011) 48 la magnificence avaient irrité le Roi ou enfin dans celles sur M. de Pomponne, ministre aux Affaires étrangères et Secrétaire d’Etat, à qui le Roi avait ôté sa charge sur de fausses accusations lancées par Colbert. Ainsi apparaissent les rapports familiaux avec ses amies de toujours, sa cousine Mme de Coulanges, Mme de Chaulnes, Mme de Lavardin chez qui elle se rend très souvent et où parfois elle reste à dîner « en Bavardin », selon son amusante définition, la duchesse du Lude, les amis cultivés avec qui elle discute de littérature, Ménage, Mme de La Fayette, La Rochefoucauld, Corbinelli. Les lettres témoignent de la connaissance des œuvres des Anciens, des Italiens - la lecture de l’Aminta du Tasse et du Pastor fido de G. B. Guarini est conseillée aussi à ses nièces - et les citations tirées des romans à clef de ses contemporains, des Scudéry en particulier, deviennent autant de messages en code pour camoufler des nouvelles transmises à sa fille sous le voile du secret, comme lorsqu’il s’agit d’un commérage concernant, par exemple, les amours du Roi ou pour ne pas risquer de se compromettre comme il lui était arrivé quand ses lettres, d’ailleurs innocentes, avaient été trouvées parmi d’autres qui ne l’étaient pas, dans la cassette où Foucquet les avait conservées. A ces clins d’œil complices s’ajoute son goût des devinettes, des néologismes, des hyperboles, des jeux de mots. Les lettres nous parlent de sa situation mondaine dans le cadre de la cour, de la différence entre la vie en ville et à la campagne, de ses difficultés économiques, de la religion, de son esprit brillant, du lien étroit avec sa fille, de l’angoisse de la séparation dont elles deviennent le témoignage et le moyen de la maîtriser. Il en ressort un tableau complet tant de la vie de Mme de Sévigné que de son siècle. Il y a cependant un sujet qui n’est ici qu’effleuré et qui méritait, à mon avis, une plus grande attention. Même si Mme Freidel reconnaît « l’importance cruciale accordée par la société du XVII e siècle au code vestimentaire », elle ne souligne qu’en passant l’intérêt que Mme de Sévigné portait à la mode. Au sein d’une cour si attentive aux variations de l’habillement et des coiffures, témoignages de la marque de la classe sociale privilégiée qui dicte le style et le comportement, la mode est le signe distinctif qui en identifie les membres. Paris et la cour sont les foyers où s’élabore le dernier cri. Mme de Grignan, partie vivre en Provence où son mari avait été nommé lieutenant général, doit être au courant des dernières nouveautés, dans ce domaine aussi, pour tenir son rôle et pour ne pas risquer de ressembler aux dames provençales « aux coiffures glissantes de pommades ». Les indications détaillées sur les robes et les coiffures à la mode sont fournies par sa mère qui lui fait même parvenir des poupées habillées et coiffées selon le dernier cri. L’échange de plusieurs lettres, résultat de consultations approfondies entre la marquise et son amie Mme de La Troche - la fidèle « Trochanire » - témoigne non seulement de l’intérêt pour la nouvelle coiffure à la coupe Comptes rendus 48 dégradée, que la marquise désigne d’abord comme « hurluberlu » et qu’elle ridiculise avec un néologisme, « hurlupée », créé peut-être à partir d’une crase entre hure et huppé, mais aussi du fait qu’une fois adoptée par la reine et par Mme de Montespan elle la trouve charmante au point de conseiller chaudement à sa fille aussi de l’essayer : « cela est jeune et joli ; cela est peigné, quelquefois un peu tapé, bouclé, chiffonné, taponné ». La mode « idole de la cour », selon la définition du Dictionnaire de Somaize, règne souveraine et Mme de Sévigné en enregistre toutes les nouveautés, comme, par exemple, celle qu’elle annonce dans une lettre de 1676 : « Avez-vous ouï parler des transparents ? Ce sont des habits entiers des plus beaux brocarts d’or et d’azur qu’on puisse voir, et par-dessus, des robes noires transparentes, ou de belle dentelle d’Angleterre, ou de chenilles veloutées sur un tissu, [...] cela compose un transparent, qui est un habit noir, et un habit tout d’or, ou d’argent, ou de couleur […]. Et voilà la mode ». Le succès de ce vêtement est consacré par M. de Langlée, arbiter elegantiarum de l’époque, qui fait cadeau à Mme de Montespan d’une robe « d’or sur or, rebrodé d’or, rebordé d’or, et par-dessus un or frisé, […] qui fait la plus divine étoffe qui ait jamais été imaginée », offerte à la favorite du roi alors à l’apogée de son influence. C’est le triomphe de l’élégance de la cour où se reflètent la magnificence et le pouvoir du Roi Soleil. Mais dans la Correspondance derrière la magnificence de l’habillement se cachent des remarques d’ordre social, comme par exemple lorsque Mme de Sévigné fait allusion au trousseau exhibé par la très riche fille du ministre Louvois qui va se marier avec François de La Rochefoucauld, duc de La Roche-Guyon : « On va voir, comme l’opéra, les habits de Mlle de Louvois ; il n’y a point d’étoffe dorée qui soit moindre que de vingt louis l’aune ». Et si elle se laisse prendre par le côté romanesque du mariage de Mlle de Blois, fille de Louis XIV et de Mlle de la Vallière, avec Louis Armand I de Bourbon, Prince de Conti et neveu du Grand Condé, - « ils s’aiment comme dans les romans » -, elle observe à la fin : « Vous pouvez penser comme ce mariage, et la manière dont le Roi le fait, donnent de plaisir en certain lieu », en faisant allusion à l’espoir que Mme de Montespan en conçoit pour ses propres filles. Espoir qui se réalisera quand l’une d’elles, Mlle de Nantes, épousera Louis III de Bourbon et une autre Philippe d’Orléans, le futur Régent. Par ailleurs, Mme Freidel analyse très bien, au-delà du lien affectif, l’enjeu « d’ordre communicationnel » de la lettre de Mme de Sévigné. Héritage de la vie de cour où chacun, agissant sous le regard des autres, est obligé de surveiller ses sentiments en s’interdisant de les étaler, la lettre obéit à ce même impératif. Tout en faisant partie de la sphère privée, la lettre peut risquer de tomber, et son expéditrice aussi, « aux mains de tout le monde » (crainte que la marquise avait, on le sait, déjà manifestée) et de PFSCL XXXVIII, 75 (2011) 48 révéler alors les secrets les plus intimes. Parfois même à son destinateur privilégié, sa fille, Mme de Sévigné dissimule sa profonde angoisse, telle celle qui l’étreint par exemple à l’occasion d’un voyage périlleux que la comtesse entreprend, encore convalescente. Angoisse qu’elle laisse au contraire transparaître tout entière dans un billet adressé à son ami Guitaut où la marquise le supplie d’aller à la rencontre de sa fille avec un brancard et sans lui parler surtout de son intervention. Si la marquise renonce souvent à prendre des précautions lorsqu’elle rapporte des nouvelles parisiennes, elle emploie alors des chiffres, des codes, des citations littéraires connues des deux seules correspondantes, tout un système de références qui rend le contenu des lettres obscur aux non-initiés et plus étroit le lien qui les unit. Elle rapporte des « fagots », des « lanternes » et des « folies » dans un jeu de dit et de non dit, d’allusions voilées, de trucages onomastiques que sa fille s’amusera à deviner. Dans un siècle où la représentation est la règle du comportement et où le genre épistolaire obéit à un système de conventions littéraires, Mme de Sévigné a su donc créer un nouveau rapport dialogique qui réussit à ne pas renoncer à l’intimité du privé tout en respectant les codes de la société mondaine. Paola Placella Sommella James F. Gaines : Molière and Paradox. Skepticism and Theater in the Early Modern Age. Tübingen: Narr, 2010 (Biblio 17, 189). 151 p. “Follow the paradox”, Will Moore exhorted students, as a major, if not the royal road into the heart of Molière’s plays (“Molière: The Comic Paradox”). James Gaines’s new study on Molière and paradox is based mainly on a half-dozen previously published articles (1992-2003), but expands on them in scope and depth. It involves a wide-ranging reconsideration of Molière’s œuvre from the perspective of skepticism as formulated by Sextus Empiricus (ca. 160-210 CE) and later followers up to Gassendi and La Mothe le Vayer. At a very minimum, the study takes up the considerations presented in Robert McBride’s study Molière’s Sceptical Vision: A Study in Paradox (1977) by aiming, as the book cover states, to update Molière studies with the ‘major philosophical research of the past twenty years’ on skepticism. The study begins by defending the linking of Molière’s work and philosophy, a defense one might have thought unnecessary. After a very brief review of Sextus Empiricus’s thought (a bit too brief, perhaps, for an area