eJournals lendemains 34/134-135

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Narr Verlag Tübingen
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2009
34134-135

Des hommes et des lieux

2009
Amina Azza Bekkat
ldm34134-1350117
117 Amina Azza Bekkat Des hommes et des lieux Dans une plaza de toros, le soleil est la place des pauvres. Roger Grenier Les récentes rencontres organisées en Algérie autour de Camus, Oran (2005), 1 Alger (2006) 2 montrent bien que le pays retrouve désormais sans complexe et sans rancœur, cet écrivain longtemps tenu à l’écart pour des raisons que l’on pourrait qualifier d’idéologiques si le terme ne semblait désormais désuet. Le débat est bien connu: Camus épris de la terre d’Algérie qu’il a su chanter mieux que quiconque, fils comblé de ce pays qui lui donna ses plus belles émotions, n’a pas su, n’a pas pu s’engager aux côtés de ceux auprès de qui il vivait pourtant dans le quartier pauvre de Belcourt, alors que la Guerre de Libération demandait le concours de tous. Et la formule décisive tronquée selon certains, je crois à la justice mais je défendrai ma mère avant la justice, 3 semblait un raccourci de ce malentendu qui s’est installé entre lui et ceux qu’il appelait les Arabes, réservant aux femmes le terme de mauresques. Tout semble avoir été dit à ce sujet et même plus encore puisque le livre d’Edward Said, Culture et impérialisme, 4 devait relancer le débat en soulignant en des termes incisifs, l’absence des Arabes dans La Peste comme si l’auteur avait pu de cette façon réaliser le rêve secret de sa communauté, évacuer les Arabes de ces lieux. Nous nous proposons d’étudier rapidement comment la terre d’Algérie, les villes et les hommes qui les peuplent, sont représentés dans les œuvres de Camus. Nous passerons en revue les œuvres poétiques comme Noces à Tipasa et Djemila pour en venir à La peste, L’étranger, L’exil et le royaume et enfin au Premier homme. L’éternel été J’ai grandi dans la mer et la pauvreté m’a été fastueuse, puis j’ai perdu la mer, tous les luxes alors m’ont paru gris, la misère intolérable.5 (1, 880) Cette phrase, si souvent citée, placée au fronton de La mer au plus près nous donne la clef de son attachement pour les paysages qui l’ont vu naître. Camus aura toute sa vie la nostalgie de l’enchantement qui le saisissait lorsqu’enfant, il fuyait l’exiguïté de son pauvre logis et la férule de sa grand-mère pour courir sur les plages et plonger nu dans la mer avec ses compagnons de jeux. Le premier homme, récit autobiographique, laissé inachevé par la mort de l’auteur, raconte ces moments privilégiés: En quelques secondes, ils étaient nus, l’instant d’après dans l’eau, nageant vigoureusement et maladroitement, s’exclamant, bavant et recrachant, se défiant à des plongeons ou à qui resterait le plus longtemps sous l’eau. La mer était douce, tiède, le so- 118 leil léger maintenant sur les têtes mouillées, et la gloire de la lumière emplissait ces jeunes corps d’une joie qui les faisait crier sans arrêt. Ils régnaient sur la vie et sur la mer, et ce que le monde pouvait donner de plus fastueux, ils le recevaient et en usaient sans mesure, comme des seigneurs assurés de leurs richesses irremplaçables.6 Meursault emprisonné après le meurtre de l’Arabe retrouve un court instant, alors qu’il est transporté vers sa prison, l’odeur et la couleur d’un soir d’été et les bruits familiers d’une ville qu’il aime (I, 1194) et on repense à l’enfant Jacques Cormery, (Albert Camus? ) assis sur une chaise branlante et levant le nez vers le ciel pour mieux apprécier la douceur du soir. Meursault dans sa geôle, est sensible aux changements de climat et près de la mort, il retrouve l’apaisement donné par la nature: Des bruits de campagne montaient jusqu’à moi. Des odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse paix de cet été endormi entrait en moi comme une marée (1, 1211). Dans tous ces textes, le rapport à l’environnement et surtout à la nature est essentiel. L’auteur célèbre en termes poétiques les épousailles avec la mer. Le lyrisme de Camus s’exprime plus librement dans le texte de Noces et dans la nouvelle La femme infidèle. Il me faut être nu et puis plonger dans la mer, encore tout parfumé des essences de la terre, laver celles-ci dans celle-là, et nouer sur ma peau l’étreinte pour laquelle soupirent lèvres à lèvres depuis si longtemps la mer et le ciel. [...] Je comprends ici ce que l’on appelle gloire le droit d’aimer sans mesure7 (1, 57) L’image de la possession amoureuse résume l’émoi éprouvé par le narrateur. Janine, l’héroïne de la Femme infidèle, épouse déçue par un mari qu’elle juge banal, retrouve dans la nature une sensation de plénitude et de bonheur Alors avec une douceur insupportable, l’eau de la nuit commença d’emplir Janine submergea le froid, monta peu à peu du centre obscur de son être et déborda en flots ininterrompus jusqu’à sa bouche pleine de gémissements. (2, 1575) La jouissance de cette communion avec la nature et toutes ses nourritures terrestres s’exprime en termes charnels et les gémissements de plaisir que laisse échapper Janine ne laissent aucun doute sur la nature de ce bonheur. Cette constante dans les textes de Camus marque bien cette appartenance physique à cette terre d’Afrique souvent imprévisible dont il vante la beauté et la douceur. Elle témoigne aussi de ce lyrisme proprement camusien qui parut à certains après Noces comme l’expression d’une sensibilité excessive due à la maladie et à la jeunesse, ce que la parution du Premier homme en 1994 devait démentir. 8 Il apparaissait alors comme une constante de l’écriture de Camus. Ce lyrisme me paraît essentiellement solitaire, oublieux des autres. 9 Il pourrait être vu comme réparateur dans la mesure où ce serait une façon d’échapper à la destruction et à la folie du monde. Il n’est pas fortuit que dans Le premier homme des événements dramatiques comme les morts des deux Français sauvagement assassinés, introduisent une sorte de réflexion sur la possession du sol et la légitimité de ces actions san- 119 glantes. Le père servait à la guerre contre les Marocains (66). 10 M. Levesque, l’instituteur qui était avec lui alors, raconte la scène au fils, avide de toute information sur le disparu. Cormery, d’ordinaire si réservé avait été pris d’une sorte de folie alors que l’instituteur tentait de comprendre ces actes. Toujours dans Le premier homme, un attentat secoue la rue que sa mère observe toujours de sa fenêtre. Dans la confusion qui suit, parmi les cris de souffrance et de colère, la seule pensée de Jacques va vers sa mère et il ne peut supporter ce visage d’agonisante qu’elle a soudain (76). C’est que la mort rôde et que des changements irréversibles s’annoncent. Le seul remède, la seule consolation, c’est alors cette fusion heureuse et panthéiste avec une terre qu’on ne possède que dans cette étreinte charnelle et solitaire. Face à une histoire qui, de quelque côté qu’on regarde, leur apparaît comme destruction et folie, face à un devenir historique qui ne leur semble occupé qu’à transformer le monde [...] ces poètes (lyriques) font en quelque sorte le pari de maintenir coûte que coûte le lien avec l’originel, avec la force immémoriale du monde, Camus dirait la nature. S’ils se détournent de l’histoire, ce n’est pas pour s’isoler dans le langage ou se perdre dans les abîmes de la subjectivité, mais pour mieux faire entendre la voix de ce qui dans le monde échappe au temps linéaire historique, et peut redonner un sens à notre vie en lui indiquant un centre [...] ordre qui correspond à ce que les grecs appelaient le cosmos.11 Les bouleversements qui commençaient d’affecter le pays et les hommes sont en quelque sorte estompés par cette effusion lyrique. Et le fils, Jacques Cormery, revenant de son voyage en France, dans sa quête du père, se laisse aller à ces réflexions mélancoliques sur le mouvement des générations qui passent sans laisser de traces: Des foules entières étaient venues ici depuis plus d’un siècle, avaient labouré, creusé des sillons, de plus en plus profonds en certains endroits, en certains autres de plus en plus tremblés jusqu’à ce qu’une terre légère les recouvre et la région retournait alors aux végétations sauvages et ils avaient procréé puis disparu. Et ainsi de leurs fils. Et les fils et les petits-fils de ceux-ci s’étaient trouvés sur cette terre comme lui-même s’y était trouvé, sans passé, sans morale, sans leçon sans religion mais heureux de l’être et de l’être dans la lumière, angoissés devant la nuit et la mort.12 Constat amer pour cet homme sans père dans un pays où le vent de sable efface les traces et où les dalles illisibles des tombes renvoient les hommes à l’anonymat, à l’immense foule des disparus. Comment ne pas penser alors à cette communauté qui semblait déjà condamnée à quitter un sol qu’elle avait cru lui appartenir? Alger dans L’étranger La ville d’Alger „fonctionne à la fois comme décor banal et comme référence spatiale centrale.“ 13 écrit Christiane Achour dans Albert Camus et l’Algérie. Le lieu du drame ne se situe pas dans la ville elle-même mais près de la mer. Quelques indications de lieu montrent bien qu’il s’agit pourtant d’Alger. Mais cette représentation est symbolique comme pour mieux signifier la tragédie solaire qui va s’y jouer. 120 Les habitants sont surtout des Espagnols ou des Européens. Les Arabes sont peu décrits à part ceux qui sont au centre du drame et qui ne sont retenus que par leur indifférence. Peut-être parce que, comme l’ont écrit des critiques bienveillants pour Camus, ils se confondent avec les autres, les Européens, ceux que l’on appelle „les Pieds noirs“ et parce que l’auteur, malgré tout ce qui a été dit, ne fait aucune différence entre les hommes… S’il n’y pas d’Arabes dans les rues, il y en a en prison et ce sont eux qui accueillent Meursault dans la cellule et qui s’étonnent de sa présence en ces lieux. Est-ce parce que c’est rare de voir des Européens en prison? Ils l’aident à préparer sa couche. La maîtresse de Raymond est elle aussi arabe. Les Arabes ne parlent pas ou bien ils chuchotent comme dans le parloir de la prison où ils se comprennent à mivoix. Ils rient en voyant entrer Meursault et puis ils ne disent plus rien. Cependant, cette incommunicabilité entre Meursault et les Arabes peut être étendue aussi aux Parisiens, ceux qui viennent d’ailleurs, Masson ou le gardien de l’asile de Marengo. Ainsi, Alger bien que servant de toile de fond n’est pas vraiment présent dans l’étranger. Après avoir connu dans son enfance le quartier pauvre, Belcourt, Camus apprit à visiter les endroits plus cossus où son vêtement de pauvre détonnait, honte qu’il parvint à surmonter. Il parcourut inlassablement toute la ville, les ruelles de la Casbah à l’architecture si particulière et s’émerveillait de retrouver, à chaque détour, comme une offrande, la mer. C’est le dos tourné à la mer que la ville d’Oran s’est construite et à travers tous ses écrits qui la représentent, Camus montre qu’il la trouve laide. Oran dans La Peste „La douceur d’Alger est plutôt italienne. L’éclat cruel d’Oran a quelque chose d’espagnol“ écrit Camus en 1947 dans le Petit guide pour des villes sans passé. Sans doute est-ce pour cette raison que la ville d’Oran sert de cadre à cette tragédie qu’est La Peste: une épidémie qui ressemble aux malédictions du passé et qui enferme tous ceux qui vivent ce drame sans espoir de fuite. Dès 1936 et la chute de le République espagnole, l’Espagne devient le symbole de ce qui est nié en l’homme. On peut alors avancer une hypothèse qui appelle certainement un débat. L’Espagne est une entité méditerranéenne qui révèle une part du pays natal de l’œuvre camusienne, fait accéder à la parole une part du monde camusien, en même temps qu’elle devient la référence forte à laquelle s’ordonne tout engagement quand la chair et la dignité sont menacées ou sacrifiée.14 Et s’il est vrai que, comme le note Edward Said, 15 les Arabes dont on parle peu meurent eux aussi de la peste dans la foule anonyme des victimes (Comment en serait-il autrement? ), les comparses du récit sont surtout des Espagnols reconnaissables à leurs noms ou à leurs traditions et qui vont constituer le fond du tableau. Arrêtons-nous un instant sur un portrait étrange croqué en quelques lignes qui pourrait être une scène de genre dans un style assez pitoyable mais révélateur. Le sens n’en apparaît pas clairement. L’épidémie de peste en est à ses débuts. Quel- 121 ques indices pourtant, signes avant - coureurs comme dans toutes les catastrophes, annoncent un changement brutal, une tragédie, un chaos. C’est d’abord la disparition des chats qui désormais poursuivent les rats morts que l’on trouve un peu partout. Tous les jours, un petit vieux apparaissait sur le balcon de l’autre côté de la rue. Il déchirait des bouts de papier, leurres faciles sur lesquels les chats se jetaient. Les chats attirés par les papiers levaient les yeux et alors le petit vieux crachait sur eux (2, 1237). Cette scène est introduite de façon assez artificielle dans le récit, placée entre l’histoire du joueur d’orphéon Camps et une description du caractère commercial d’Oran. Tarrou qui observe la scène est décontenancé et il note dans son journal que les chats ont disparu, occupés à courir derrière les rats, alors, le petit vieux est moins bien peigné, moins vigoureux, comme s’il avait perdu sa raison d’être et il crache dans le vide. Cette description est assez étrange comme est étrange l’adverbe favorablement qui marque un intérêt bienveillant de la part de Tarrou pour ce vieillard au comportement pour le moins curieux. Il s’agit si l’on en juge d’après ses vêtements d’un Européen, espagnol peut-être. Il témoigne dans son désarroi des changements que l’épidémie va causer. Les autres personnages présentés en arrière plan sont aussi des Espagnols comme le premier malade que visite le docteur. C’est un homme au visage dur et raviné. Il loge dans une chambre très modeste et souffre d’asthme. (2, 1224) Les deux jeunes gens qui doivent aider Tarrou à fuir sont, eux aussi, des Espagnols décrits de façon assez classique, bruns les cheveux noirs, les dents blanches. Les noms Gonzalès, Garcia connotent la même origine comme le restaurant. (2, 1345). Les traditions du peuple sont aussi respectées: ainsi, le soir, les habitants sortent leurs chaises devant la porte pour prendre le frais, coutume typiquement ibérique. Il y a curieusement une inversion des signes et si les Espagnols ont eu une place importante en Oranie, il n’en est pas moins vrai que souvent leurs conditions économiques assez pauvres leur faisait côtoyer leurs frères de misère en ce temps, les Arabes: en choisissant ces hommes on pourrait dire que Camus décrit ce qu’il connaît le mieux., contrairement aux Arabes qu’il a méconnus faute de savoir leur langue, faute de s’intéresser aussi à leur culture. N’est ce pas pour reprendre les termes de Frank Planielle, parce que c’est la référence forte, lorsque la chair et la dignité sont menacées. On pourrait alors dire que les difficultés d’une enfance vécue dans la pauvreté et le dénuement ramènent à cet espace et à cette communauté qu’il connaît bien puisqu’il s’agit de la sienne, tous ces événements douloureux. Et pourtant toutes les notations indiquent qu’il s’agit bien de la ville d’Oran. Les références sont précises, les lions, la place d’Armes, le dédale des ruelles, tout signifie l’enfermement et la condamnation. Aujourd’hui Il nous semble toujours revenir à des débats stériles et des arguments vains et on n’a jamais autant écrit sur l’œuvre de Camus. Jean Daniel s’en étonne dans son 122 dernier livre. Avec Camus. 16 Il revient sur ce qui a étonné nombre de critiques: l’absence des Arabes dans la Peste, le meurtre d’un Arabe dans l’étranger. Pour lui, on ne peut rien comprendre aux sentiments algériens de Camus si l’on néglige deux choses. D’une part la pauvreté 17 et d‘autre part la terreur. 18 Le fils d’une femme de ménage infirme, héritier condamné d’une lignée d’analphabètes, élevé dans un quartier de miséreux, ne peut se considérer comme lié à l’oppression coloniale, victime lui aussi de conditions difficiles de subsistance, de survie devrions-nous dire. La terreur, ce sont les événements de la guerre de libération qui commençait et le faisaient craindre pour la vie de sa mère, si démunie dans son isolement. Le livre paru à titre posthume et qui devait révéler à beaucoup le véritable sens de son œuvre, Le premier homme fait dire à Jacques Cormery, on est faits pour s’entendre, aussi bêtes et brutes que nous, mais le même sang d’homme. Homme moral dans un monde immoral pour reprendre l’expression d’Edward Said, 19 il était porté vers tous les hommes, tous sans exception. Mais au moment de les représenter il serait allé vers ceux qu’il connaissait le mieux, par fidélité à sa communauté et aussi par peut-être par honnêteté intellectuelle. La même opinion se trouve dans la communication de François Chavanes au colloque d’Alger en 2006. Il cite un texte situé dans les annexes du Premier homme: Rendez La terre. Donnez toute la terre aux pauvres, à ceux qui n’ont rien et qui sont si pauvres qu’ils n’ont jamais désiré avoir et posséder à ceux qui sont comme elle dans ce pays à l’immense troupe des misérables, la plupart arabes et quelques-uns français et qui vivent ou survivent ici par obstination et endurance.20 Qu’on y voie un désir compréhensible de réparer l’injustice coloniale ou plus simplement une humble prière pour que s’atténuent les différences entre les hommes, ce texte nous interpelle car il révèle un Camus, si proche de la mort qu’il portait déjà en lui, non plus révolté mais humble et suppliant. Nul doute que cette enfance privée d’un père pour le guider, près de deux femmes que la vie malmenait, ne l’ait profondément marqué. Son rapport à la terre d’Algérie dans ce qu’il avait de plus fusionnel et à ses hommes les plus humbles, ceux qui souffraient à ses côtés, en a été profondément marqué. Ce sont ces souffrances qui apparaissent dans ses œuvres. Le quartier pauvre marque son inspiration. Après la honte qu’il ressent parfois de cette enfance misérable, vient avec la maturité comme un remords et le sentiment que c’est dans ce dénuement, auprès de sa mère, qu’il a touché le plus sûrement le vrai sens de la vie. 21 Peut-être est-ce le moment de revenir à cet autre aspect de l’œuvre de Camus, les articles de journaux, de revenir à son engagement d’homme, pour se rappeler que mieux que quiconque il a témoigné pour les Arabes et les Kabyles dans Misères de la Kabylie? 1 Actes non encore publiés. 2 Albert Camus et les lettres algériennes, l’espace de l’interdiscours, Tipasa-Alger, Avril 2006, coordonnatrice Afifa Bererhi, Blida, Editions du Tell, 2007. 123 3 Selon Jean Daniel la véritable réponse serait: „En ce moment on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère.“ In: Jean Daniel, Avec Camus, Comment résister à l’air du temps, Paris, Gallimard, 2006, 140. Ce que peut comprendre un Méditerranéen et plus encore un musulman, ne trouve-t-on pas dans Le Coran, „Le paradis est sous les pieds des mères.“ 4 Edward Said, Culture et impérialisme, Paris, Fayard, Le Monde diplomatique, 2000, 248-268. 5 Toutes les références à l’œuvre de Camus à l’exception du Premier homme renvoient à l’édition de la Pléiade, 1965. Tome 1, les Essais, Tome 2, Théâtre, récits, nouvelles. 6 Albert Camus, Le premier homme, Paris, Gallimard, 1994, 54. 7 Cette phrase inspirée de saint Augustin, la mesure d’aimer est d’aimer sans mesure figure sur une stèle qui se trouve à Tipasa face à la mer. Cette stèle a été gravée par Louis Benisti. Camus connaissait bien Augustin, autre fils de cette terre, à qui il consacra son Diplôme d’études supérieures. Il reconnaissait en lui malgré la distance des siècles, un mélange bien africain d’excès et de prudence, de force et de faiblesses, qui rendent ses grandeurs fraternelles. (Lettre à Mgr Duval, archevêque d’Alger, 26 septembre 1953). 8 Cf. Avant propos aux actes du colloque Camus et le lyrisme, 31 mai-1 er juin 1996, Paris, Sedes, 1997. 9 Contrairement à l’opinion de Pierre Grouix qui y voit un retour vers les autres, in: Sens du monde, sens des autres, lyrisme humain et altérité dans Le premier homme, in: Camus et le lyrisme, op. cit., 183-196. 10 N’y-a-t-il pas ici dans la bouche de Levesque une sorte de plaidoyer pour les humiliés que sont les colonisés, plaidoyer que l’on pourrait attribuer à Camus? 11 Hervé Ferrage, Lyrisme et Histoire, in: Camus et le lyrisme, op. cit., 9-18, 15. 12 Le premier homme, 178-179. 13 Christiane Chaulet Achour, Albert Camus et l’Algérie, Alger, Barzakh, 2004, 67. 14 Franck Planeille, Les Méditerranées d’Albert Camus, in: Albert Camus et l’Espagne, Paris, Edisud, 2005, 11-17, 14. 15 E. Said, op. cit., 248-268. 16 Jean Daniel, Avec Camus. 17 On doit cependant préciser que pour pauvre qu’il ait été, Camus aurait pu paraître aisé aux Arabes qui peuplaient les bidonvilles ou les campagnes et dont le dénuement était effrayant. Il suffit de lire Misère de La Kabylie pour juger de la situation désespérée des populations autochtones. On pourrait aussi reprendre L’incendie ou bien Le métier à tisser de Mohammed Dib pour retrouver des descriptions de souffrances infinies, muettes et dignes. Et que dire des œuvres de Mouloud Feraoun qui décrivent les mêmes privations, la pauvreté dans ce qu’elle a de plus désespéré. 18 Ibid., 68. 19 E. Said, op. cit. 20 François Chavanes, Le dernier écrit de Camus sur l’avenir de l’Algérie, colloque Tipasa, Alger, Blida, Editions du Tell, 2006. 21 Cf. Agnès Spicquel, Le jeune Camus et le quartier pauvre, in: Albert Camus et les lettres algériennes, op. cit., 27-34. Resümee: Amina Azza Bekkat, Von Menschen und Orten. Man wundert sich immer, dass Camus, der zum algerischen Boden eine körperliche Bindung beibehalten hat, die er in vielen sehr bekannten Texten lyrisch ausdrückt, zu denen, die in seiner Nähe lebten und für ihre Freiheit kämpften, den Arabern, keine Stellung bezog. Diese kommen in seinen Texten nicht oder nur als belanglose Komparsen vor. In Algier befinden sie sich hauptsächlich in Gefängnissen, in Oran sieht man sie kaum. Aber wie kann man diesem zerrissenen Menschen, der so viel Mitgefühl für die einfachen Leute hatte, vorwerfen, seine Landsleute vorgezogen zu haben?