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2018
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De la démocratie électorale à la démocratie constitutionnelle

2018
Dominique Rousseau
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25 Dossier Dominique Rousseau De la démocratie électorale à la démocratie constitutionnelle 1 Présenter une réflexion sur la situation politique et constitutionnelle française entre les deux tours de l’élection présidentielle française et avant les élections législatives qui doivent se dérouler le 11 et le 18 juin 2017 est, évidemment, une entreprise risquée! L’hypothèse est celle d’un moment historique qualifié de ‚crise‘. Crise du modèle républicain? Oui. Crise de la Cinquième République en particulier - pas seulement du modèle républicain, mais aussi de la forme qu’a prise la République depuis 1958? Oui. Et plus globalement crise de la forme démocratique de nos sociétés politiques. Pour l’analyser cette triple crise, je voudrais vous proposer trois directions: la première interroge le contexte général dans lequel cette crise intervient. La seconde piste invite à s’interroger sur la nature de cette crise. La troisième consiste à se demander quel horizon cette crise peut avoir. Le contexte, la nature, l’horizon: voilà trois thèmes que l’on peut privilégier pour réfléchir sur la situation française. Un monde en crise? Sur le contexte. Il s’agit d’abord de définir les termes du sujet quand on parle de crise de la démocratie. Qu’est-ce qu’une crise? Quand on dit „crise politique en France“, quelle est la signification du mot ‚crise‘? J’en évoquerai brièvement trois ou quatre pour sélectionner finalement celle que je retiens comme la plus pertinente. La première définition qu’on peut retenir de la crise, c’est, dans une certaine tradition marxiste, une donnée permanente. Pour ceux qui se réfèrent à ce courant de pensée, les sociétés capitalistes sont toujours en crise. Donc la crise est l’état permanent des sociétés capitalistes. La seconde définition se réfère au moment où il y a une chute, comme par exemple la chute de l’empire romain, la chute des grands empires de l’Amérique précolombienne, comme l’empire aztèque. Ici, la crise se définit comme moment final d’une civilisation, d’une cité, d’une société. La troisième définition, c’est un moment qui est désagréable, difficile, mais d’où on repart. La crise est alors comprise comme une simple parenthèse, comme une situation qui n’est que momentanée, dans une évolution beaucoup plus longue. La quatrième définition, c’est la crise au sens que lui donnait Antonio Gramsci, et c’est celle que je vais retenir. C’est le passage de l’ancien monde au nouveau monde. Gramsci écrit: La crise est le moment où l’ancien ordre du monde s’estompe et où le nouveau doit s’imposer en dépit de toutes les résistances et de toutes les contradictions. Cette phase de transition est justement marquée par de nombreuses erreurs et de nombreux tourments […]. Le vieux 26 Dossier monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres (Gramsci 1996: III, 283). Donc, la crise, c’est un moment de transformation, un moment de basculement, de mutation, d’un monde - le vieux - qui s’en va, avant que n’arrive un nouveau monde. Il n’est pas anodin de retenir cette définition plutôt que les autres. Vous avez rappelé que je conteste le bricolage institutionnel ou le rafistolage institutionnel alors que certains y sont favorables. Pour ceux-là, la crise n’est qu’une parenthèse, que l’on peut aisément refermer par quelques artifices pour repartir de l’avant et comme avant. Pour ce qui me concerne, j’adopte la définition selon laquelle la crise est un moment particulier où on abandonne un monde pour aller vers un autre qu’on ne connaît pas encore; le moment même de crise, c’est ce moment de transition d’un monde à l’autre. Voilà ce que je privilégie comme définition de la crise. Si je retiens cette définition, je peux constater pour me rassurer que cette situation de transition d’un monde à l’autre est arrivée souvent dans l’histoire de l’humanité, que ce soit dans le domaine politique ou dans le domaine artistique ou même dans le domaine littéraire. On pourrait prendre l’exemple de la bataille d’Hernani, en 1830, où Victor Hugo dit que c’est la lutte entre l’ancien monde, la règle des trois unités, et le nouveau monde, avec les nouvelles règles du théâtre romantique où l’on peut tuer sur la scène - et faire ce qu’on ne fait pas habituellement dans le théâtre classique. On est donc bien passé dans ce domaine théâtral au premier tiers du XIX e siècle, d’un monde à l’autre. Si l’on prend, maintenant, l’exemple de la Renaissance, ce moment particulier est celui où l’on va découvrir que la terre est ronde, où l’on va découvrir que la terre ne se limite pas à l’Europe mais que des peuples existent de l’autre côté de l’Atlantique, où l’on va découvrir l’imprimerie… On imagine donc l’importance de l’évolution intellectuelle, la rupture qu’elle introduit, avec dans sa tête l’image de la terre plate et d’un seul coup s’approprier l’idée nouvelle de la rotondité de la terre. Ce type de révolution, ce type de rupture - passer d’un monde à l’autre - s’est déjà produit dans l’histoire de l’humanité. On pourrait considérer une période plus récente qui est 1789, la Révolution française, où l’on passe de l’Ancien Régime au Nouveau Régime. Par conséquent, ces moments de crise, tels que je les définis, c’est-à-dire le passage d’un monde à l’autre, ne constituent pas une nouveauté. Ils se sont souvent produits dans l’histoire. Les périodes de crise ne sont pas des périodes où nous devons avoir peur, ce sont des périodes où, précisément, les sociétés se réinterrogent sur leur imaginaire, leur poésie, leurs images, leurs représentations, leurs manières de vivre et ne se représentent plus le monde comme il était de tradition de se le représenter. Je crois qu’aujourd’hui on se trouve dans une situation proche de celle que j’évoquais en donnant l’exemple de la Renaissance. Est-ce qu’Internet n’est pas l’équivalent de Gutenberg? Quand Gutenberg invente l’imprimerie, cette invention produit une révolte. Pourquoi? Parce que cela veut dire que tout le monde va pouvoir accéder à la lecture alors qu’elle était jusque-là réservée aux moines copistes. Là, d’un seul coup, avec l’écriture et l’invention de l’imprimerie, le livre se diffuse, le livre dont s’emparent Luther et Calvin pour propager la Réforme. Et avec Internet, on observe la même 27 Dossier chose. D’une certaine manière, les échanges entre les personnes, bien au-delà des frontières, s’accroissent de façon hyperbolique. Et voilà posé le problème de la souveraineté de l’État-nation par rapport au numérique. Nous avons également une situation analogue que celle de la mondialisation. Nous découvrons l’économie-monde comme Christophe Colomb l’a découverte à son époque. On découvre aussi, avec tout ce que vous connaissez, ce qu’on appelle l’humanisme augmenté, l’homme augmenté. Or, à l’époque de la Renaissance, il y a eu une nouvelle définition de l’homme avec toutes les découvertes, par exemple, d’Ambroise Paré sur la chirurgie, sur l’anatomie, et des découvertes médicales et scientifiques ont complètement révolutionné la manière dont les individus se représentaient eux-mêmes. Nous vivons désormais avec la possibilité de nous connecter et émerge quelque chose qui était inimaginable il y a quelque temps, à savoir l’homme augmenté. Donc, nous sommes dans ce moment historique particulier et c’est dans ce moment-là que les démocraties, les sociétés s’interrogent sur leur mode d’organisation politique. Il y a, pour employer des vieilles formules, un mode de production de la vie, il y a un mode de production de la vie personnelle, professionnelle, sociale, et ce mode de production de notre vie est aujourd’hui révolutionné. La façon aujourd'hui de composer une famille n'est plus la même que dans le monde ancien auquel se réfère Gramsci: il y a des familles homosexuelles, monoparentales, la manière de faire des enfants n’est plus la même, la manière de travailler n’est pas la même. Nous sommes passés d’une société solide, faite par des corps qui transmettaient en héritage, à des sociétés fluides, c’est-à-dire des sociétés où les individus deviennent autonomes ou relativement indépendants des corps qui les ont constitués. Société fluide de la vie personnelle - cycle mariage - divorce - remariage; famille composée - décomposée - recomposée. Et cette fluidité de la vie personnelle se retrouve évidemment dans la vie politique: fluidité de l’électorat, difficulté, par exemple, aujourd’hui, pour les sondeurs, de capter des intentions de vote. Autrefois, c’était une opération facile car on votait à gauche de père en fils, à droite de père en fils. Il y avait un héritage, on héritait du métier de son père, on héritait de la maison et on héritait de ses références culturelles, et on héritait de la manière dont il votait! Aujourd’hui, ces façons d’être s’achèvent, certes pas entièrement, mais les enfants, les jeunes se détachent en quelque sorte des corps qui les ont constitués. Et les sondeurs et les partis politiques n’arrivent plus à cerner le corps électoral avec cette fluidité quand les électeurs disent hésiter entre Philippe Poutou (candidat du Nouveau Parti anticapitaliste - NPA ) et… Marie Le Pen (candidate du Front national). 2 Comment les partis politiques peuvent-ils élaborer des programmes puisque les pensées des électeurs eux-mêmes sont fluides? Donc, la crise de la forme dans laquelle la politique s’organise est directement liée à ce moment historique dans lequel nous nous trouvons et qui est, de mon point de vue, le passage structurel d’un ancien monde vers un nouveau monde. Sur le plan politique, pour le dire d’un mot, on a donc aujourd’hui une société qui évolue rapidement, fluide, vivante et on a une forme d’organisation politique qui est 28 Dossier immobile, qui est faite par des institutions qui ont été inventées au XIX e siècle: le parlement, le gouvernement, toutes notions qui datent du XIX e siècle. Et cette organisation est verticale: le président est au-dessus, le parlement en-dessous. Or, dans le même temps, on a une société qui devient de plus en plus horizontale, et donc une raison de la crise du politique est ce décalage croissant entre une organisation politique verticale figée et une société horizontale et fluide. Cela ne peut donc pas être sans conséquence sur le mode de représentation du politique. Aujourd’hui, les citoyens ne se représentent pas aujourd’hui le président de la République française de la même manière qu’ils se le représentaient à l’époque du général de Gaulle. La crise de la démocratie, du modèle républicain français s’inscrit plus généralement dans un moment général de crise de mutation globale de tous les secteurs de la société. C’est ce qu’on appelle, dans d’autres domaines, le changement de paradigme. On pourrait prendre les références sur les révolutions scientifiques: il y a un paradigme qui change, il y a des mouvements qui se créent au sein de la communauté des scientifiques, pour que ce qui était jusqu’alors admis ne le soit plus parce qu’il y a de nouvelles découvertes, etc… On change de paradigme, autrement dit, on change le principe qui jusqu’alors était globalement partagé par la société et qui nous faisait vivre ensemble. Le principe s’écroule et Durkheim nommait cette période particulière ‚période d’anomie‘, c’est-à-dire une période où le lien social se dissout parce que le lien politique, ce qui faisait tenir les gens ensemble, est tombé et que les gens n’y croient plus. Et il employait les mêmes formules de désastre que celles que l’on emploie lorsqu’on finit par découvrir que le père Noël n’existe pas… C’est le principe qui fait tenir le père Noël et quand on n’y croit pas, tout s’effondre soudainement. Il faut alors réinventer une autre figure. La crise du politique est donc un moment particulier de transition. Le passage d’un monde à l’autre En prenant comme référence un historien comme Fernand Braudel, la nature de la crise politique en France a une dimension électorale, une dimension institutionnelle, une dimension philosophique. Elle a d’abord une dimension électorale très nette. Car tous les représentants politiques du vieux monde ont été éliminés d’abord par le biais des élections primaires au sein des partis politiques. Pour distinguer leurs candidats à la présidence, les partis politiques français ont imaginé que la sélection des candidats devrait se faire par les citoyens eux-mêmes. On a donc demandé aux électeurs de droite de choisir leur candidat. On a donc demandé aux électeurs de gauche de choisir leur candidat. Ils l’ont fait. Ils ont éliminé Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, et Alain Juppé, ancien Premier ministre, pour retenir François Fillon, ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy. A gauche, ils ont éliminé Manuel Valls, ancien Premier ministre, pour retenir Benoît Hamon, un député socialiste qui pendant toute la législature en cours avait contesté la politique du président François Hollande. Donc, les électeurs ont désigné comme candidat des personnalités politiques qui n’étaient pas 29 Dossier directement des chefs des partis. On a éliminé ainsi des représentants du vieux monde par les primaires. Mais il y a pire car lors du premier tour de l’élection présidentielle, les représentants des partis traditionnels ont été éliminés. François Fillon, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon ont été éliminés. Ne restent donc pour le second tour que deux personnalités qui ont émergé dans les années récentes: Emmanuel Macron - un an de vie politique - et Marine Le Pen qui n’a jamais participé à un gouvernement. Autrement dit, la crise politique en France se manifeste par le fait que les représentants des partis traditionnels qui faisaient fonctionner la démocratie depuis 1958 se trouvent, pour la première fois, éliminés de la compétition présidentielle. 3 La France a connu également des situations analogues - mais non similaires - lors d’élections présidentielles puisque, en 1969, le parti socialiste a été éliminé dès le premier tour, 4 puis en 2002, quand Lionel Jospin, Premier ministre de la cohabitation, a été éliminé au premier tour de l’élection présidentielle. 5 C’est donc la dimension électorale de la crise qui a conduit à éliminer les partis traditionnels - pour laisser en présence effectivement deux personnalités politiques qui posent de manière caricaturale le problème de l’ancien monde. D’un côté, Marine Le Pen prend des positions de l’ancien monde en voulant revenir au franc ou encore en faisant de la discipline dans les lycées ou du port de l’uniforme dans les écoles un élément de son programme politique. De l’autre côté, Emmanuel Macron essaie d’imaginer ce que pourrait être le nouveau monde. Autrement dit, les électeurs sont devant un vrai choix, entre un candidat qui met en avant la pensée du grenier et veut retrouver le passé, et un autre qui veut voir la pensée du jardin et se situer au dehors pour créer une dynamique nouvelle. C’est un débat profond qui n’existait pas auparavant entre la droite et la gauche, car l’une et l’autre étaient d’accord sur le fond. À présent, deux candidats s’opposent sur leur vison de l’avenir: il y a donc bien une dimension électorale de la crise. Les partis politiques qui ont fait fonctionner la démocratie sont morts: le Parti socialiste est mort, les Républicains également. La seconde dimension est une dimension institutionnelle qui se marque d’abord par le fait que la constitution de 1958 comporte deux constitutions en une, et c’est ce qui est très difficile à comprendre également pour les étudiants français et les journalistes. Nous avons en France deux constitutions en une. On a la constitution de 1958 qui est comme la vôtre en Allemagne. C’est une constitution parlementaire puisque l’article 5 stipule que le Président de la République „assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État“ quand les articles 20 et 21 stipulent que „[l]e gouvernement détermine et conduit la politique de la nation“ et que „le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement“. ‚Détermine‘ veut dire que c’est lui qui la définit, et non le président. Le Premier ministre est responsable devant l’Assemblée nationale. Il est en contact quotidien avec les députés et les députés peuvent déposer une motion de censure pour renverser le gouvernement s’ils ne sont pas d’accord avec sa politique. En retour cependant, l’exécutif dispose du pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale. Donc nous avons une 30 Dossier structure parlementaire. Mais nous avons aussi une superstructure présidentielle puisqu’il y a eu en 1962 une révision de la constitution qui a décidé que le président de la République serait élu désormais au suffrage universel direct. 6 Je veux dire par là que par rapport à la République fédérale d’Allemagne ou à l’Italie, et par rapport à l’Espagne et au Royaume-Uni qui sont des monarchies, vous n’avez en Allemagne qu’une seule institution qui est issue du suffrage universel, à savoir le Bundestag. La France, pour sa part, en a deux: l’Assemblée nationale et le président de la République. Or, ces deux institutions ont une égale légitimité électorale et, par conséquent, toutes les deux sont fondées à revendiquer l’exercice du pouvoir puisqu’elles viennent toutes deux du peuple. En France, on ne sait donc pas qui dirige le pays: tantôt c’est le président, tantôt c’est le Premier ministre. Et cette incertitude est indépendante des couleurs politiques parce qu’un président de la République - et c’est un des enjeux de dimanche prochain - qui n’a pas de majorité au parlement est un président qui n’a pas de pouvoir. Pourquoi? Parce que nous avons une structure parlementaire. Quand François Mitterrand est élu président de la République en 1981, il a en face de lui une assemblée législative élue en 1978 et qui est à droite. La première décision que prend François Mitterrand le 11 mai 1981 est de dissoudre l’Assemblée nationale. En somme, que dit-il? „Vous m’avez élu président mais je ne peux pas appliquer mes 110 propositions si je n’ai pas à l’Assemblée nationale une majorité de députés socialistes. Donc je dissous l’assemblée et je vous demande de confirmer votre vote“. Les Français ont confirmé leur vote et François Mitterrand a pu appliquer son programme. À l’inverse, quand Jacques Chirac, élu en 1995, dissout en 1997 l’Assemblée nationale, les Français élisent une majorité de gauche: Lionel Jospin devient Premier ministre. Or, qui dirige véritablement le pays de 1997 à 2002: Jospin. Le président de la République, Jacques Chirac, est contre le Pacte civil de solidarité ( PACS ): le Premier ministre fait adopter le PACS. 7 Jacques Chirac est contre la réforme des 35 heures: Lionel Jospin passe outre et faut voter la loi relative à la réduction du temps de travail. 8 Autrement dit, nous avons une ambivalence, une ambiguïté constitutionnelle qui est un élément de la crise politique française. On voit d’ailleurs bien, aujourd’hui, que l’élection présidentielle n’est qu’un des moments de cette crise. La vraie décision politique interviendra en fait lors des élections législatives des 11 et 18 juin. Jean- Luc Mélenchon, qui a fondé le mouvement La France insoumise, dans une interview récente a souligné l’importance de ce vote capital, pour porter à l’Assemblée nationale une majorité de députés de son mouvement afin de lui permettre de gouverner, quel que soit le président de la République que les Français auraient élu. Celui qui a la majorité à l’Assemblée nationale est celui qui gouvernera véritablement le pays: ce fut le cas de Lionel Jospin, avec le soutien de socialistes, de 1997 à 2002. On a donc un élément de la crise de la démocratie en France qui tient à cette ambiguïté, à cette ambivalence, à cette équivoque constitutionnelle, qui tient à cette double légitimité électorale qui vient perturber la perception ou la représentation que les Français ont de leur système politique. Qui gouverne en Allemagne? Le chancelier ou la chancelière, avec le Bundestag. Qui gouverne en France? Cela dépend. 31 Dossier Qui a pris la décision sur la double nationalité: Manuel Valls, Premier ministre, ou François Hollande, président de la République? Qui l’a imposé à l’autre? On ne le sait pas trop. Et par conséquent, vous avez de la part du peuple, de la part des citoyens français une incertitude sur le lieu exact du pouvoir institutionnel. Il faut ajouter à cela, dans la dimension institutionnelle de la crise, l’extraordinaire faiblesse des contre-pouvoirs en France. En se référant de façon schématique aux fondamentaux de Montesquieu, la liberté politique d’un pays tient à l’équilibre des pouvoirs. La faculté de statuer, la faculté d’empêcher, c’est ce qui fait la liberté politique d’un pays. Or, où est la liberté d’empêcher en France? Où? La justice? L’article 64 de la constitution dit: „Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire“. Pauvre Montesquieu! Imaginez que dans la constitution, le président de la République soit le garant du pouvoir législatif. Les gens diraient: ce n’est pas possible, mais là, la constitution dit que le président de la République est garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Mais comment la justice peut-elle exercer son contre-pouvoir lorsque le président de la République, chef de l’exécutif, est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, et que certains membres de la magistrature, notamment, le parquet, sont nommés par le ministre de la Justice, qui appartient au gouvernement, donc au pouvoir exécutif? La Cour européenne des droits de l’homme a d’ailleurs fait remarquer, à plusieurs reprises, que la nomination des membres du parquet rendait difficile de faire reconnaître les membres du parquet comme faisant partie de l’autorité judiciaire! On peut aussi illustrer cette défaillance sinon l’absence de contre-pouvoirs avec le Conseil constitutionnel qui est chargé de contrôler la constitutionnalité des lois, c’est-à-dire de vérifier que les lois votées par les représentants du peuple respectent le cadre de la constitution, et notamment la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le droit d’aller et venir, la liberté d’expression, les lois de 1946 sur le droit de grève, le droit de la santé, etc. Mais comment par qui est composé le Conseil constitutionnel? Par le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat qui nomment respectivement les neuf juges du Conseil constitutionnel. De surcroît, aucun texte n’exige des membres nommés une expérience en matière juridique, une compétence en matière juridique. Le président actuel du Conseil constitutionnel - mettons de côté la personnalité - est Laurent Fabius. Il est nommé par François Hollande président du Conseil constitutionnel le 19 février 2016… alors qu’il était encore ministre des Affaires étrangères et du Développement international le 11 février de la même année. Il y a donc bien en France une crise de la démocratie. Comment peut-il y avoir un équilibre des pouvoirs et, par conséquent, des libertés politiques lorsqu’on a d’un côté une ambiguïté, une équivoque constitutionnelle quant à la répartition des pouvoirs et d’un autre une faiblesse des contre-pouvoirs habituellement reconnus selon Montesquieu. Ce qui est censé équilibrer les pouvoirs, c’est la Justice, judiciaire ou constitutionnelle, qui se trouve dans un état de soumission ou de difficile indépendance par rapport au pouvoir exécutif. La France 32 Dossier a ainsi au Conseil constitutionnel actuellement deux anciens Premiers ministres (Lionel Jospin et Laurent Fabius) et quatre anciens présidents de la République, membres de droit et à vie du Conseil constitutionnel: Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande. On se plaît souvent à dire que la France est le pays des droits de l’homme… Robert Badinter, qui fut ministre de la Justice, garde des Sceaux puis président du Conseil constitutionnel rectifie cette assertion: la France est peut-être le pays de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et il n’est pas sûr que ce soit le pays des droits de l’homme! Dans tous les cas, avec la manière dont sont organisées les institutions, nous évoluons dans le cadre d’une concentration des pouvoirs et en même temps d’une indétermination des pouvoirs qui est un accélérateur de la crise politique. Donc une dimension électorale: des partis anciens qui s’effondrent; une dimension institutionnelle: l’équivoque et l’absence on la faiblesse des contre-pouvoirs. Mais cette crise a aussi une dimension philosophique. Je veux dire par là que la démocratie française - mais pas qu’elle - repose sur un principe qui est le principe de la représentation. Un principe qui a été formulé par l’abbé Sieyès en 1787-1788 dans un opuscule qui a pour titre: Qu’est-ce que le Tiers Etat? (Sieyès 1970). Et Sieyès a formulé un principe très simple et qui est le principe sur lequel on vit jusqu’à présent. Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire euxmêmes la loi; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants (Sieyès 1989: 1019sq.). Sieyès soutient ainsi qu’il n’y a pas de volonté autonome du peuple. Nous ne sommes donc pas, depuis 1789, dans un régime démocratique. Nous sommes dans un régime représentatif et Sieyès dit clairement en 1789: la France n’est pas une démocratie. Elle ne doit pas l’être, car ce n’est pas le peuple qui va diriger mais ses représentants. Or, puisque nous sommes dans un régime représentatif, l’idée que nous employons tous de ‚démocratie représentative‘ est un oxymore. C’est un contresens puisque cela veut dire précisément que le pouvoir n’est pas dans le peuple, mais qu’il est donné aux représentants. On fonctionne donc depuis la Révolution française sur la forme représentative. Et c’est ce qu’un auteur comme Raymond Carré de Malberg démontre en écrivant dans La loi, expression de la volonté générale (Carré de Malberg 1984) puis dans ses Considérations théoriques sur la question de la combinaison du referendum avec le parlementarisme (Carré de Malberg 1931) que finalement le parlement a absorbé la nation. Ce n’est plus la nation qui est souveraine mais bien le parlement. Il y a donc une monopolisation de la souveraineté par les représentants. Il ne peut y avoir de peuple que dans sa représentation: le peuple lui-même n’a pas d’existence réelle. Or, il me semble que c’est pré- 33 Dossier cisément aujourd’hui ce principe représentatif qui est en train d’être fragilisé et auquel les gens ne croient plus. Ils veulent parler, penser, agir en dehors de leurs représentants. En dehors de leurs représentants, ai-je dit; on pourrait ajouter: voire contre leurs représentants. Mais le monde qui pense que le peuple aurait besoin d’un tuteur - et c’est Rousseau qui pense que le peuple seul est incapable de voir et qu’il lui faut l’éclairer - est en train de s’achever aujourd’hui. Le vieux monde, c’est celui où le peuple était considéré comme inapte à prendre lui-même les décisions qui intéressent la vie de la cité, les règles de la vie commune. C’est ce principe qui est aujourd’hui remis en cause à travers l’instrument qui fait vivre ce principe, c’est-àdire le suffrage universel. Est-ce que la démocratie reste toujours définie par l’instrument, à savoir le vote, dès lors que ce vote conduit à désigner des représentants qui vont s’accaparer le pouvoir? Je vais soumettre à votre réflexion un exemple sur une question précise: quel est le pays le plus démocratique? La Croatie, la France ou le Brésil? - En 2013, la Croatie tient un débat sur le mariage pour tous. Une pétition circule qui reçoit 750 000 signatures et dans la constitution croate, il est dit que lorsqu’une pétition reçoit 750 000 signatures, il faut un référendum. En l’occurrence, pour ou contre le mariage homosexuel? Et le peuple s’exprime contre le mariage homosexuel. - En 2013, en France, on débat de ce sujet et la Manif pour tous demande un référendum. La constitution ne le permet pas et c’est donc le parlement qui vote et qui dit oui au mariage pour tous. - La même année au Brésil, arrive devant la Cour suprême du Brésil l’affaire d’un maire qui avait refusé de marier deux hommes. Et la Cour suprême casse la décision du maire et oblige le maire à marier les deux hommes au motif que le maire, par son refus, avait porté atteinte au principe d’égalité en faisant une discrimination en raison du sexe. Quel est le pays le plus démocratique? La Croatie parce que le peuple s’est exprimé directement et a dit non? Quel est le pays le moins démocratique? Le Brésil parce que ce sont des juges irresponsables, non élus qui ont dit oui au mariage homosexuel? Autrement dit, est-ce que le vote reste bien le marqueur des régimes démocratiques? Et c’est précisément là un élément de la crise de la démocratie. Jusqu’à présent nous avons fonctionné sur la forme représentative et avec cet instrument de la représentation qu’est le vote. Or aujourd’hui, il y a un doute, une interrogation sur la capacité de l’élection, la capacité du suffrage universel à construire une décision démocratique, à élaborer un système démocratique. Le problème c’est… Gramsci: sans doute l’ancien monde fonctionnait-il avec la forme représentative, avec le suffrage universel, mais qu’en est-il du nouveau monde, avec quel instrument va-t-il fonctionner? Si les électeurs potentiels s’abstiennent, si les gens ne votent plus, s’ils considèrent qu’on peut être mieux citoyen en participant à Nuit debout, 9 à la ZAD de Notre-Dame des Landes, 10 qu’en votant, quel va être le principe qui va émerger? Nous sommes précisément dans ce moment où nous passons d’un principe à l’autre. 34 Dossier Un nouveau monde D’où la dernière question que j’aimerais développer. Elle a une dimension philosophique par la remise en cause du principe de Sieyès. Quel est l’horizon? Quel est le nouveau monde que l’on peut penser et construire? Ce nouveau monde n’est pas évident à cerner parce que, dans un moment de crise, où s’effrite et s’effondre la forme ancienne de la démocratie représentative, il y a une interrogation générale qui peut engendrer des processus imprévisibles ou des régimes politiques autoritaires. D’où le fait que certains se raccrochent à la pensée du grenier, au franc… Tout est possible, c’est-à-dire qu’elle peut porter au pouvoir Recep Tayyip Erdogan en Turquie, Viktor Orban en Hongrie, Andrzej Duda en Pologne. Tout est possible: dans cette conjoncture, la France de Marine Le Pen n’est pas impensable. Dans un moment de crise, les citoyens sont à la recherche d’un nouveau principe sur lequel faire redémarrer le nouveau monde. Et on voit bien aujourd’hui dans les pays que je viens de citer, Erdogan s’attaque au droit, aux juges constitutionnels. Qui Erdogan met-il en prison? Les juges et les universitaires. À qui s’attaque Viktor Orban en Hongrie, sinon aux journalistes et au Tribunal constitutionnel. 11 Il en est de même en Pologne. 12 Mais regardons en France les propositions de François Fillon: remise en cause de la Cour européenne des droits de l’homme… Mais regardons le Royaume-Uni, la mère des parlements: depuis deux ans, il refuse d’appliquer un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme parce qu’elle a condamné la Grande-Bretagne pour avoir voté une loi qui retire aux prisonniers le droit de vote. 13 Autrement dit, le moment présent est un moment où cela peut partir dans tous les sens. Avec Orban on se trouve dans la ‚démocratie illibérale‘, autrement dit dans une dictature. Le parti d’extrême droite des Pays-Bas s’appelle ‚Parti pour la liberté‘. 14 Comment les gens peuvent-ils s’y reconnaître? Il y a un vrai problème sur les mots. Pour ce qui me concerne, je cherche à trouver un horizon qui reste dans la problématique démocratique et que j’ai formalisé par l’idée de ‚démocratie continue‘ pour l’opposer à ‚démocratie représentative‘. Ce n’est pas en effet pour moi la démocratie qui est en crise, mais c’est la forme représentative de la démocratie. Cette démocratie continue, telle que je la pense, repose sur deux éléments qui sont liés. Ce qui fait la cohérence de la démocratie continue, c’est que le métier de citoyen, l’action de citoyen doit continuer entre deux moments électoraux. La démocratie ne s’arrête pas au moment du vote, elle doit continuer entre deux moments électoraux. D’où deux questions: 1° Quelle est la légitimité de cette continuité? 2° Quels sont les instruments de cette continuité? La légitimité de cette continuité n’est pas donnée par l’élection mais par le droit, par la constitution. Pourquoi la constitution? Parce que la constitution est le texte qui construit le peuple de la démocratie continue. Et ceci pour deux raisons. D’abord parce que par lui-même, le peuple n’existe pas, il n’est pas une donnée naturelle. Le peuple n’est pas une donnée ethnique, le peuple 35 Dossier est une construction, un artefact. La question est donc de savoir comment se construit le peuple. Je pense que le peuple se construit par la constitution. C’est en écrivant la constitution, c’est par le processus constituant, que des gens qui n’ont aucun lien entre eux prennent conscience précisément des communs qu’ils partagent. En France, l’année importante, ce n’est pas d’abord 1789, mais 1787 et 1788, c’est-à-dire les années de la rédaction des cahiers de doléances, où l’on discute partout et où les gens prennent conscience et reconnaissent qu’ils ont les mêmes communs. La constitution, elle, est ce qui construit le peuple en posant - chose extraordinaire - l’égalité entre les citoyens: „Tous les hommes naissent égaux et demeurent libres et égaux en droit“. Ce qui est dans la réalité faux. C’est le droit qui les fait devenir égaux. Si l’on reste au niveau social, on ne voit que des inégalités culturelles, sociales et économiques. Or, le droit a cette capacité de dire: „je vous fais citoyens égaux“. Le droit construit et la constitution construit cette égalité. Aussi, j’attire votre attention sur la question suivante: si ce n’est pas le droit qui construit le peuple, c’est quoi? La religion: le peuple juif? musulman? chrétien - protestant, catholique? athée? Le sexe: le peuple homosexuel, hétérosexuel, transsexuel? La race: noire, jaune ou blanche? Le droit seul construit l’universalité/ l’universabilité possible des citoyens. Ce qu’il y a d’intéressant dans la constitution, c’est qu’elle donne ce qu’un philosophe italien, Giorgio Agamben, appelle „la double identité du peuple“ (Agamben 1995), c’est-à-dire que dans la constitution, on trouve le peuple avec un grand P mais aussi avec un petit p, c’est-à-dire nous, les citoyens concrets. La constitution dit en résumé „tout travailleur, tout étudiant, la femme, chacun, toute personne a droit à la présomption d’innocence“. Il s’agit bien de la personne, pas d’un concept. Autrement dit, il faut revenir à un article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789: „La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être égale pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse“. Finalement, la conception de la démocratie continue est totalement inscrite dans cet article 6 de la Déclaration. Dans cet article, on souligne bien que les citoyens participent „personnellement ou par leurs représentants“ à la fabrication de la loi. Or depuis 1789, on a oublié „personnellement“ et on retient „leurs représentants“. La démocratie continue, c’est finalement donner vie à ce qui est déjà dans le texte: „personnellement“ se réfère au ‚citoyen réel‘, à sa personnalité civique, dans un village, dans une ville, dans une entreprise, dans une université,… Autrement dit, la légitimité du peuple de la démocratie continue, c’est un peuple construit par la constitution, qui elle-même construit une double identité du peuple et les droits subjectifs des citoyens deviennent „le code de l’agir communicationnel de l’espace public“. C’est la légitimité de la démocratie continue qui se fait non plus par l’élection, mais par la constitution. Quels sont les instruments symboliques de cette démocratie continue? Si je reste sur cette idée de la reconnaissance de la légitimité pour le citoyen de parler, de 36 Dossier vouloir et d’agir, contrairement à Sieyès, personnellement, directement, en dehors des moments électoraux, il y a au moins deux instruments qui devraient être reconnus dans la constitution: le premier, c’est le statut de lanceur d’alerte civique. Les lanceurs d’alerte sont des citoyens qui, dans l’exercice de leur métier, se rendent compte qu’il y a des disfonctionnements, des conflits d’intérêt, des zones ou des manœuvres obscures. Et ces citoyens-là alertent, ils le disent publiquement dans l’espace public. Et le disant dans l’espace public, les politiques sont obligés de s’en servir. On peut observer en France que la plupart des problèmes ont été mis sur la table non pas par les députés, non pas par les journalistes, mais par des lanceurs d’alerte: l’affaire du Mediator, de la banque HSBC , des prothèses mammaires, de la viande de cheval dans les hamburgers, etc… Ces lanceurs d’alerte exercent leur métier de citoyen en dehors des élections et provoquent ainsi une animation de l’espace public. Or, c’est dans l’espace public que se forme, de mon point de vue, la norme dans la forme continue de la démocratie. Il s’agit donc de reconnaître un statut constitutionnel aux lanceurs d’alerte civique dans la mesure où le métier de citoyen ne s’exerce pas seulement par l’acte de vote, mais aussi en portant dans l’espace public les disfonctionnements de nos institutions et de nos entreprises. Le second instrument, c’est de reconnaître dans la constitution ce que j’appelle des assemblées délibératives de citoyens. Ce serait l’obligation faite aux députés de réunir dans leur circonscription l’ensemble des électeurs et de provoquer dans ces assemblées délibératives un débat, un échange sur tous les projets et propositions de lois, avant que ces projets ne soient débattus à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, on vote et après les députés font les lois et on ne sait pas trop comment cela se passe. Il s’agirait en quelque sorte de réarmer les citoyens, de remettre le citoyen dans le processus de fabrication de la loi, en obligeant constitutionnellement les représentants à venir débattre avec les électeurs dans des assemblées - où toutes les opinions pourraient être entendues - faire débattre les projets, les propositions de loi qui actuellement sont débattues au Conseil d’État. Elles font partout l’objet de débats sauf devant les citoyens qui vont pourtant, eux, devoir appliquer les lois. Ce sont quelques-uns des instruments qui symbolisent la démocratie continue. La démocratie continue ou la démocratie ‚illibérale‘, tel est l’enjeu constitutionnel, politique, philosophique du monde qui vient. Agamben, Giorgio, „La double identité du peuple“, in: Libération, 11 février 1995. Bourdieu, Pierre, „La vertu civile“, in: Le Monde, 16 septembre 1988. Carré de Malberg, Raymond, „Considérations théoriques sur la question de la combinaison du referendum avec le parlementarisme“, in: Revue du Droit Public, 1931, 225-244. —, La loi, expression de la volonté générale, Paris, Economica (coll. Classiques), 1984. Dewey, John, Écrits politiques, ed. Jean-Pierre Cornetti / Joëlle Zask, Paris, Gallimard, 2017. Finley, Moses I., L’invention de la politique, Paris, Flammarion, 1985. Gramsci, Antonio, Carnets de prison, Paris, Gallimard, 1996 [1916]. 37 Dossier Rousseau, Dominique (ed.), La Démocratie continue, préface de Georges Vedel, Paris, L.G.D.J / Bruxelles, Bruylant, 1995. Sieyès, Emmanuel, Qu’est-ce que le Tiers État? , ed. Roberto Zapperi, Genève, Droz, 1970. —, „Discours sur la question du veto royal, fait le 7 septembre 1789 devant l’Assemblée nationale constituante“, in: Orateurs de la Révolution française, ed. François Furet, Paris, Gallimard (Bibl. de la Pléiade), 1989. 1 Cet article reprend, à la demande de l’auteur, la communication orale et non le texte écrit de la conférence donnée le 4 mai 2017 à l’université de Freiburg i. Br. 2 Le Front national (FN) est devenu Rassemblement national (RN) le 1 er juin 2018. 3 Le président de la République est élu au suffrage universel direct et au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Seuls les deux candidats arrivés en tête au premier tour peuvent concourir au second tour. 4 Lors du premier tour de l’élection présidentielle, Gaston Defferre (Section française de l’Internationale ouvrière - SFIO -) n’obtient que 5,01 % des voix, contre 44,47 % à Georges Pompidou (Union pour la défense de la République) et 23,31 % à Alain Poher (Centre démocrate). Jacques Duclos (Parti communiste français) est lui aussi éliminé avec 21,27 % des suffrages. 5 Lors du premier tour de cette élection, Jacques Chirac obtient 19,88 % des voix, Jean-Marie Le Pen 16,86 % et Lionel Jospin 16,18 % des voix. 6 La réforme constitutionnelle de 1962 est réalisée par référendum. 7 Le Pacte civil de solidarité (PACS) est un contrat. Il est conclu entre deux personnes majeures, de sexe différent ou de même sexe, afin d’organiser leur vie commune. Il a été promulgué par la loi du 15 novembre 1999. 8 La première loi d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail (Loi dite Aubry) - 35 heures par semaine pour un salarié à temps plein - date du 13 juin 1998. 9 Mouvement social né en mars 2016 à la suite d’une manifestation contre la loi travail initiée sous la présidence de François Hollande et s’élargissant à une contestation plus générale des institutions politiques françaises et d’un système économique. 10 La ZAD (Zone à défendre) de Notre-Dame des Landes est un mouvement social monté par les opposants au projet d’aéroport du Grand Ouest, à Notre-Dame des Landes, dans la région Loire-Atlantique, élargie ensuite à une zone d’expérimentation biologique et à une hostilité anticapitaliste et ouverte aux mouvements anarchistes. 11 En 2010, Viktor Orban fait adopter une loi sur le contrôle des médias, critiquée par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et, par l’Assemblée nationale, une nouvelle Constitution qui entre en vigueur le 1 er janvier 2012. Par la suite, il fait adopter une quatrième modification de la Loi fondamentale qui modifie le rôle de la Cour constitutionnelle. 12 Andrzej Duda signe en décembre 2015 la loi introduisant la règle de la majorité qualifiée des deux tiers pour les décisions du Tribunal constitutionnel. Il est désormais obligé de réunir treize de ses quinze juges, au lieu de neuf auparavant, pour statuer dans les cas de grande importance. 13 En 2005, il s’agit d’un arrêt de la Grande Chambre du CEDH du 6 octobre 2005. 14 Le Partij voor de Vrijhed (PVV) a été fondé en 2006 par Geert Wilders.