eJournals lendemains 43/170-171

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Narr Verlag Tübingen
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2018
43170-171

Narrations documentaires et portrait collectif de travailleurs dans la littérature française contemporaine

2018
Corinne Grenouillet
ldm43170-1710158
158 Dossier Corinne Grenouillet Narrations documentaires et portrait collectif de travailleurs dans la littérature française contemporaine La littérature contemporaine fait un grand usage du document au point que la „narration documentaire“ est devenue une forme emblématique de notre époque (Ruffel 2012). Les documents sont des matériaux que ces narrations prélèvent dans le réel: documents d’archives, témoignages, enregistrements, photographies (Zenetti 2014). Les „narrations documentaires“, quant à elles, correspondent à des formes, ou des ensembles de formes, parvenus à une visibilité nationale - en France - mais plus largement à une reconnaissance mondiale, réussissant à capter l’attention du grand public, autant que celle des chercheurs en littérature, et s’inscrivant donc „dans l’espace public et l’ordre des discours“ (Ruffel 2012: 13). Elles empruntent par ailleurs à des structures et des genres très variables (récit de filiation, relation de voyage, récit autobiographique ou biographique, récit d’expériences, enquête sociologique) transmutant eux-mêmes des genres plus anciens ou situés aux frontières de la littérature tels le reportage, la monographie ethnographique ou les non fiction novels. N’hésitant pas à exhiber des documents bruts dans le corps du texte, elles se voient caractérisées par l’hétérogénéité des matériaux sollicités et par une grande hybridité textuelle. En parlant à leur sujet de ‚factographies‘, terme inspiré de la langue russe, Marie-Jeanne Zenetti insiste sur l’importance du ‚fait‘ dans ces écritures, et elle les définit comme des textes échappant au modèle dominant du récit (Zenetti 2014). Les corpus abordés par Lionel Ruffel ou Marie-Jeanne Zenetti comportent de nombreux textes dont le propos n’est pas de rendre compte de la société humaine, mais plutôt de lieux, une forte tendance géographique traversant aujourd’hui les écritures contemporaines dont plusieurs se situent dans l’héritage souvent explicite d’un Perec (Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, 1975). Certes, ces lieux sont reliés aux êtres qui les peuplent (les sans domicile fixes des „zones blanches“ repérées sur une carte IGN par Philippe Vasset dans Le Livre blanc, 2007) ou les ont peuplés (les ouvriers des bâtiments industriels, des hangars et des parkings entrevus par François Bon dans le voyage en train entre Paris et Nancy décrit dans Paysage fer, 2000). Pourtant, ces écritures ne ciblent qu’indirectement - ou secondairement - le groupe social, l’ensemble humain. Un autre ensemble d’écritures documentaires entend de son côté restituer les discours et l’imaginaire qui structurent notre rapport au monde et n’ont pas pour ambition de mettre en scène des collectifs d’hommes et de femmes, même si elles ne sont pas dépourvues de dimension politique (Jean- Charles Massera, Emmanuelle Pireyre ou Stéphane Audeguy). 1 Cet article veut définir et présenter un autre corpus dont l’enjeu est de représenter une collectivité de travailleurs. Le terme de „narrations documentaires“ n’est pas entièrement adapté, car la plupart des ouvrages dont il va être question ici réfutent le 159 Dossier récit traditionnel, mais nous avons choisi cette dénomination plutôt que celle de ‚factographies‘ car, de son côté, ce dernier terme nie l’importance qu’y revêt la narration, en particulier celle de l’enquête. Les narrations documentaires qui font l’objet de notre attention présentent les points communs suivants: elles procèdent d’une relation particulière aux faits et aux documents - en particulier aux témoignages recueillis -, et mettent en œuvre une esthétique du montage et de l’hybridité formelle. Comment ces formes spécifiquement contemporaines s’articulent-elle au projet de rendre visible le monde d’‚en bas‘, celui des précaires, des ouvriers, des chômeurs, ou simplement des exclus de la littérature - les travailleurs dans l’exercice de leurs activités n’étant au demeurant ni toujours pauvres ni systématiquement à plaindre? Quels modes spécifiques d’accès aux savoirs ces écritures construisentelles et comment se différencient-elles des sciences sociales? Littérature factuelle et documents Les auteurs de narrations documentaires sociales sont loin de tous occuper des places comparables dans le champ littéraire contemporain. Ils n’appartiennent pas à la même génération et leurs ouvrages n’ont pas non plus le même statut. Schématiquement, on pourrait distinguer les auteurs reconnus par les acteurs du champ littéraire, ceux qui sont dans un lent processus de reconnaissance, et ceux qui se situent à la marge. Parmi les auteurs reconnus, sinon institutionnalisés, on citera François Bon, qui publie abondamment dans une grande maison parisienne et mène une activité littéraire intense sur Internet et les réseaux sociaux; ses livres sont l’objet de nombreux travaux universitaires - à commencer par ceux de son critique en titre, Dominique Viart (Viart 2008). Jean-Paul Goux, écrivain discret traçant son sillon loin des médias et d’Internet, et auteur d’une quinzaine de livres, majoritairement des romans, publiés dans une grande maison d’édition (Actes Sud), est assurément devenu une figure tutélaire du nouveau réalisme social avec son livre-somme Mémoires de l’enclave (1986, réédité en 2003) consacré aux travailleurs de la région de Sochaux- Montbéliard (Grenouillet 2011). D’une génération plus jeune, Ivan Jablonka acquiert peu à peu une surface éditoriale indubitable en tant qu’auteur (Laëtitia ou La Fin des hommes a obtenu le prix Médicis en 2016) aussi bien qu’éditeur (à la tête de la collection „La Vie des idées“). D’autres écrivains occupent les lieux de manière plus modeste et participent au „jeu“ littéraire (Lahire/ Bois 1996) de façon plus distancée, parfois pour des raisons d’éloignement géographique ou de choix d’écrire dans de „mauvais genres“ 2 : Jean- Pierre Ostende, né et vivant à Marseille, auteur d’une quinzaine de livres, a dédié Le Pré de Buffalo Bill à la mémoire collective de cheminots des ateliers du Prado à Marseille (1990), mais ce beau texte n’a pas eu la chance d’être réédité et n’est 160 Dossier jamais cité aujourd’hui. Frédéric H. Fajardie, auteur de romans policiers et scénariste, a, de son côté, publié Metaleurop, paroles ouvrières. Entretiens avec des ouvriers de Metaleurop (2003). Les livres de Sylvain Pattieu, accueillis dans deux petites maisons d’édition (Éditions du Rouergue à Arles et Plein Chant à Paris) s’inscrivent dans une production qui s’agrandit chaque année (six publications de documentaires littéraires ou de romans depuis 2012). S’ils recueillent un écho public de plus en plus marqué, ils n’ont pas (encore) suscité l’intérêt de la critique universitaire. Enfin, Maryse Vuillermet et Martine Sonnet, toutes deux auteures de blogs littéraires et toutes deux nées en 1955, ont une situation plus marginale, la première plus encore que la seconde. Vuillermet, qui vit à Saint-Claude dans le Jura, est l’auteur de huit récits ou romans publiés chez L’Harmattan et à la Rumeur libre. Sonnet a publié deux livres dans une petite maison d’édition sise dans le département de la Gironde (Le temps qu’il fait), mais Atelier 62 (Sonnet 2008) a rencontré un succès d’estime et se trouve régulièrement étudié par le monde académique. 3 Si les écritures documentaires du social ne sont pas en très grand nombre, elles ont le mérite de rendre visibles - pour d’autres publics que ceux des sciences humaines - des hommes et des femmes peu ou sous-représentés littérairement - et politiquement, en particulier cette „classe fantôme“ qu’est le monde ouvrier (Levaray 2003). Les auteurs qui s’y risquent font le choix de parler d’autre chose que d’euxmêmes ou de leur propre famille - même si celle-ci est parfois prolétaire -, braconnant sur les terres de la sociologie, de l’anthropologie ou de l’histoire. Ces productions relèvent de la ‚non-fiction‘, cette littérature que Genette a baptisé la littérature „factuelle“ (Genette 1991: 142) et dont la „littérarité“ s’évalue en terme de „diction“ et non de „fiction“ (ibid.: 110). Ce sont des livres qu’Ivan Jablonka qualifie de son côté de „littérature-vérité“ (Jablonka 2014: 14, 17, 312 et passim) ou de „littérature du réel“ (ibid.: 219-251) Aucune propriété textuelle intrinsèque ne distingue un récit ‚factuel‘ d’un récit ‚fictionnel‘, 4 pas plus la référentialité qu’aucun des procédés de composition et d’écriture (depuis toujours empruntés à la fiction tels les dialogues, les descriptions, voire les représentations du discours intérieur), mais ces narrations font l’objet d’un contrat avec leurs lecteurs, un „pacte documentaire“ établi par le biais d’un métadiscours situé dans le péritexte (Zenetti 2012: 31). Ce pacte délimite un horizon d’attente: le lecteur est fondé à attendre de ces récits qu’ils lui fournissent des informations fiables et vérifiables sur des faits sociologiques ou historiques, qu’ils accroissent ses connaissances et l’aident à comprendre le monde. Ces livres ne transposent, ni ne romancent la réalité, ils délaissent „l’assertion feinte“ de la fiction (Searle 1982: 107). „Tout est fait pour que le lecteur ne lise pas le texte qu’il a sous les yeux comme une fiction“ formule très clairement Zenetti (Zenetti 2014: 29). Cette littérature a donc une portée et une visée prioritairement cognitives, même si elle peut donner lieu à un double régime de lecture, référentiel et littéraire - successif ou simultané. 161 Dossier Parmi les matériaux documentaires, les témoignages occupent une place de premier plan, et leur insertion dans le corps du texte revêt de nombreux enjeux épistémologiques, éthiques et littéraires. Contrairement aux documents écrits, ils ne préexistent pas à l’enquête menée par l’écrivain; ils ont été fabriqués au cours de cette dernière, selon des modalités diverses: l’écrivain a pu être sollicité par des associations ouvrières ou des comités d’entreprises (Goux, Ostende, Fajardie), participer de son propre chef à une lutte sociale (Pattieu), décider - sans être mandaté par qui que ce soit - de rencontrer, de manière informelle, des travailleurs ou des chômeurs (Vuillermet, Jablonka; voir Grenouillet 2015) ou inventer de toutes pièces les témoignages (et laissé croire à ses critiques et lecteurs qu’il les avait recueillis, cas de François Bon dans Daewoo). Parce qu’ils ne sont pas tenus de le faire, à l’inverse des historiens ou des sociologues, les auteurs ne précisent pas toujours les modalités exactes du déroulement des entretiens avec ceux qu’ils ont rencontrés, ni la manière dont ils les ont transcrits, sélectionnés, et découpés, ce qui représente un enjeu important de communication. Mais quand ils le font (et c’est le cas de Goux), ils évitent la „désinterlocution“ (Chauvier 2011: 25), soit le défaut de prise en compte du point de vue et de l’expertise de la personne interrogée. On peut penser que ce risque de désinterlocution est moins fort chez les écrivains que chez les anthropologues ou les ethnologues, car les écrivains proposent rarement une théorie du groupe social qu’ils ont rencontrés: ils s’en veulent surtout les relais ou les porte-voix. Pourtant, ils ont été confrontés à des problèmes similaires de recueil de la parole orale, à la nécessité de „réduire au maximum la violence symbolique qui peut s’exercer à travers [la relation d’entretien]“ (Bourdieu 1993: 906), ou aux difficultés de la transcription mises en évidence par Philippe Lejeune (1989) et Pierre Bourdieu (1993). Si „transcrire, c’est nécessairement écrire au sens de réécrire“ (ibid.: 921), les écrivains dépassent la question sociologique (comment transcrire de manière lisible les témoignages recueillis? ) pour tenter de résoudre une question esthétique (comment faire de la littérature à partir de paroles recueillies? ), qui n’est jamais séparable d’une démarche éthique et politique (comment restituer la parole des sansvoix, dans le respect de leurs diversités? ). Pour répondre à cette exigence, ils font le choix d’un travail sur la voix - que nous avons analysé ailleurs (Grenouillet 2015) et d’une esthétique de la composition et du montage, c’est-à-dire de l’entrelacement des documents, laquelle oblige le lecteur à percevoir la qualité littéraire de ces écritures. Une esthétique du montage Ces narrations documentaires compilent en effet différents matériaux dont elles agencent la diversité. François Bon orchestre la diversité des sources et des pseudotémoignages autant que Goux qui l’avait précédé sur le terrain ouvrier, ce dernier se référant à une formule de Melville placée en exergue de son livre: „Il y a certaines entreprises pour lesquelles un désordre soigneux est la vraie méthode“ (Goux 2003: 162 Dossier 7). Ostende, à propos des cheminots des ateliers (disparus) du Prado à Marseille, ou Sonnet à propos des forges de Billancourt, mobilisent de nombreux documents d’archives, tracts, contrats d’embauche, littérature syndicale, bulletins d’information de l’entreprise, organigrammes, comptes rendus de réunions diverses. Si ces documents sont parfois commentés, ce qui est le plus frappant, c’est la prédilection pour le montage et donc la confrontation des documents, l’ordre de présentation acquérant dès lors une portée argumentative. Chez Goux par exemple, le témoignage de Christian Corouge, ouvrier et syndicaliste, vient démentir les écrits d’entreprises précédemment cités par l’auteur, soit une nomenclature des Professions exercées aux Automobiles Peugeot, et des extraits de Trait d’Union Peugeot ou du Bulletin des usines Peugeot (Goux 2003: 396). Contrairement aux historiens ou spécialistes des sciences sociales, les écrivains se proposent rarement de juger les pièces à conviction qu’ils fournissent au lecteur, qu’ils se contentent d’exposer (en le révélant) . Mais ils ne se privent pas de donner sens à ces documents, par des commentaires ou des marques d’ironie: C’est difficile d’écrire sur le bruit des forges. Impuissance des mots. Une phrase comme celle de Roger Linet ‚La charge des moutons chute sur ce qui sera un essieu de camion sorti tout rouge du brasier, rythmée d’UN ÉNORME BRUIT FORT ET SOURD QUI FAIT TREMBLER LE SOL‘, même recopiée en ajoutant des majuscules, ne donne rien à entendre et ça ne sert pas non plus à grand-chose que l’auteur précise: ‚personne ne se parle, c’est impossible‘. Ce qui renseigne mieux, finalement, c’est d’apprendre au Journal Officiel du 20 avril 1963 qu’un décret reconnaissait enfin la surdité comme maladie professionnelle; un succès qu’ils n’avaient pas volé (Sonnet 2008: 163). Pour Sonnet citant le militant ouvrier Roger Linet, le quotidien du travail des forgerons (cadence terrible, accidents fréquents, chaleur et bruit accablants) ne peut être restitué que par la référence à un texte de loi ou par le biais de la prose syndicale. 5 Tous ont une prédilection, toute perecquienne, pour les listes, qui - outre leur plasticité - signalent la richesse d’un réel inépuisable, confrontent des données brutes et suscitent chez le lecteur un nécessaire travail d’analyse. Ces listes peuvent être des listes de noms (Pattieu 2013: 90) destinées à accueillir le souvenir de militants ou l’énumération de faits (Bon 2004: 135-136 ou 146-147), des listes de métiers (Ostende 1990: 10; Sonnet 2008: 31), d’ouvriers morts (ibid.: 47), des énumérations d’outils (Ostende 1990: 26-27). La liste soigneusement datée de la soixantaine de lettres d’avertissement et de mises à pied reçues par l’ouvrier Philippe Marchau depuis son élection comme délégué du personnel CGT à l’usine de Peugeot de Sochaux en 1977 jusqu’à son suicide en février 1980 (Goux 2003: 390-395) produit un effet de stupéfaction sur le lecteur. Elle dénonce le harcèlement dont Marchau a été victime (et au-delà, la situation faite à tous les ouvriers de Peugeot), et dresse un tombeau littéraire à ce jeune ouvrier poussé à bout par sa direction et qui s’est donné la mort à l’âge de vingt-six ans. Ces listes participent d’une mémorialisation de l’histoire ouvrière en soulignant la richesse et la variété des activités ouvrières, et la pérennité de l’exploitation dont les ouvriers ont été victimes. 163 Dossier Dans le même temps, par le recours au passage à la ligne, elles produisent un déplacement de la lecture. L’activité de documentation de l’œuvre n’est pas incompatible avec une forme de jouissance littéraire (Zenetti 2012). L’archive retravaillée par le découpage et le montage littéraire privilégie en effet „une autre écoute du document, une écoute qui serait de l’ordre du poétique“, pourtant aucunement „séparé[e] du réel et de l’histoire“, et ne prenant sens „qu’en ce qu’elle témoigne de ce qui a eu lieu“ (ibid.: 34). La manière dont les auteurs désignent leurs textes révèle une indécision générique; ces appellations paratextuelles peuvent être fabriquées ad hoc, tel „récits d’industrie“, terme utilisé par Goux à propos de Mémoire de l’enclave (1986) ou „documentaire littéraire“, utilisé par Pattieu (2015, „Remerciements“). Ces formules indiquent qu’aucun genre institutionnel n’est à même de rendre compte de l’invention formelle dont ces narrations témoignent. Cette invention engage d’autre part des choix énonciatifs concertés. L’écrivain se trouve en effet confronté à la difficulté de rendre compte d’une collectivité, „d’unir le multiple, le divers, de faire politique, de faire commun“ comme le dit Pattieu (Pattieu 2013: 14), donc il est nécessairement mis en présence du choix d’un point de vue et d’une énonciation. Les auteurs font alors preuve d’une grande inventivité. Énonciations, enquêtes et émotions Les dispositifs énonciatifs adoptés se situent sur un continuum en tension entre deux régimes, un régime d’impersonnalité favorisé par l’effacement du moi et, à l’inverse, l’affirmation de la première personne, qui peut aller jusqu’à une forme d’exhibitionnisme, en passant par des dispositifs qui occultent - ou révèlent en creux - la présence de l’instance organisatrice des discours. Chez Vuillermet, le je se déduit du vous adopté pour s’adresser aux frontaliers franco-suisses dont elle retrace l’existence. Avant de se fixer sur le parcours d’un individu, chaque chapitre débute avec l’adresse à cette collectivité, comme l’incipit du récit qui ouvre la journée type de l’ouvrier frontalier - dont l’auteur assurément ne prétend pas montrer qu’elle est insupportable, ces ouvriers enrichis vivant dans des conditions particulièrement confortables (Grenouillet 2017): À cinq, six, sept heures du matin, dans les petits jours gris et froids, cols relevés, pressés et furtifs, vous êtes des centaines, des milliers à sortir silencieusement des maisons. […] vos voitures se réveillent, clignotent dans la nuit et s’ouvrent à vous, vous y montez. […] Porte à porte, comme vous dites, trois quarts d’heure, une heure, une heure et demie, deux heures, soit en tout, dans la journée, aller-retour, une heure et demie, deux heures, trois heures, jusqu’à quatre heures (Vuillermet 2016: 13, je souligne). L’auteur se dresse alors en face de ceux qu’elle apostrophe: le vous (le tu) ne peut en effet exister sans un je qui le profère, même si ce dernier ne se met pas en scène ailleurs que dans les remerciements. La modalisation autonymique „comme vous dites” suggère que le livre réalise la synthèse et la réécriture d’un certain nombre de 164 Dossier témoignages, ce que confirme la liste des prénoms cités en remerciements: „À tous ceux qui ont accepté de me parler, la plupart anonymement, tant la pression est forte“ (ibid.: 249). Cette énonciation à la deuxième personne, qui rappelle le procédé utilisé par Butor dans La Modification (1956), forme contraste avec les récits individuels, rédigés à la troisième personne, où les vies de Philippe l’horloger, Sarah l’assistante trilingue ou Betty l’enseignante constituent en huit chapitres le portrait d’une collectivité réunie par la traversée quotidienne de la frontière franco-suisse pour aller travailler. L’effacement du moi au profit d’un on, dont le lecteur devine qu’il est inclusif de l’auteur lui-même, est le choix réalisé par Pattieu dans sa première narration documentaire: non seulement l’auteur a enquêté sur le „mouvement social“ qui a précédé la fermeture d’une des plus grandes usines automobiles de la région parisienne, supprimant 11 000 emplois en 2013 (Pattieu 2013: 239), mais il y a participé 6 (ibid.: 337). Une posture d’humilité devant le collectif, voire d’effacement est rejouée dans la notule où l’auteur reconnaît sa responsabilité d’écrivain et demande pardon pour les „maladresses, [l]es erreurs, [l]es approximations“ qu’il aurait commises dans la transformation des mots qui lui ont été confiés (ibid.). Dans son deuxième livre, Beauté parade (2015), consacré à un salon de beauté parisien dont les employées ont été abandonnées par leur patron retourné en Afrique, l’écrivain adopte une posture moins artificielle, et partant, plus convaincante; il se met franchement en scène, son bébé dans une poussette, thématisant l’enquête autant que l’écriture de son livre. Il adopte la première personne comme centre de gravitation et perspective unificatrice et rejoint alors un choix fréquent d’élaborer le récit d’une enquête. Le montage de documents peut alors céder le terrain à la reconstruction du parcours de l’écrivain-chercheur, comme chez Ivan Jablonka dans Laëtitia ou la fin des hommes, qui retrace l’histoire d’une jeune fille assassinée en 2011 et reconstruit le monde judiciaire, social et politique dans lequel ce crime a pu devenir une affaire d’État. L’auteur y exhibe un projet qui s’inscrit dans une veine ouverte par l’Histoire des grands parents que je n’ai pas eus (2013), consacré à ses grands-parents paternels juifs polonais assassinés à Auschwitz qu’il souhaitait „rétablir dans leur existence“ en „témoign[ant] pour eux“ (Jablonka 2016: 8). Cette volonté de témoigner pour autrui s’est déclinée en 2015 avec Le Corps des autres (2015), enquête à la fois sociologique et impressionniste consacrée à une catégorie socio-professionnelle sous-représentée médiatiquement et littérairement, et même doublement invisible - parce qu’elles sont des travailleuses manuelles et parce qu’elles exercent un métier souffrant d’un défaut de reconnaissance sociale: les esthéticiennes. Jablonka met en place un modèle énonciatif 7 et des structures narratives éprouvés, d’où le grand succès public de ses livres, qui peuvent être rattachés au sous-genre de ces récits non-fictionnels relatant „d’autres vies“ que celles de l’auteur pour reprendre le titre du livre d’Emmanuel Carrère (2009). Dans Atelier 62 (Sonnet 2008), Sonnet mêle subtilement les dimensions familiales et collectives, tressant la voix d’enfance et la voix d’usine en deux séries alternées, sur le mode perecquien de W ou le souvenir d’enfance. Au-delà de l’histoire du père, 165 Dossier il s’agit alors de rendre compte collectivement des conditions de pénibilité extrêmes dans lesquels de nombreux forgerons ont exercé leur activité pendant des années à l’usine Renault. Or, écrit par une historienne de métier, ce livre révèle aussi un rapport émotionnel aux documents et leur affecte un rôle moteur dans le déclenchement de l’écriture: „Maintenant, une mauvaise copie du contrat d’embauchage sous les yeux, je comprends qu’il est grand temps que je me mêle de cette histoire aux traces de papier rares et bientôt illisibles“ (Sonnet 2008: 23). En disciple d’Arlette Farge saisie par l’émotion de l’archive, Sonnet met en scène le présent de son enquête historienne et l’ébranlement ressenti face à la fragilité d’un modeste papier. Ce dernier devient ici la trace d’une vie, celle du père, qui a souffert d’un défaut de transmission (Viart 2009) et avec elle, une trace de la vie ouvrière dans son ensemble. Ces narrations offrent alors un accès privilégié à la subjectivité et l’émotion du scripteur, la présence du document réhabilitant „la catégorie phénoménologique de l’expérience“ (Pic 2014: 40), nécessairement personnelle. Si l’auteur ‚littéraire‘ endosse le rôle du scribe d’une collectivité, il ne le fait donc pas avec distance et componction, mais transgresse délibérément les règles de l’écriture académique, en énonçant les affects qui le saisissent. Autre spécificité de l’écriture littéraire, faisant fi des recommandations disciplinaires des sciences sociales, l’auteur cite ses sources sans prendre avec elles de distance critique, sans même en donner de légende claire, les deux niveaux (discours cité / discours citant) fusionnant parfois, comme dans la prose d’un Ostende qui récuse les guillemets. En choisissant de rendre compte de ses rencontres avec des hommes et des femmes qu’il a interrogés et de livrer les témoignages qui lui ont été confiés, l’écrivain donne bien sûr la parole aux sans voix, aux invisibles de l’espace social et médiatique, mais il révèle aussi un certain positionnement dans sa relation à autrui - et à des personnes issues d’un autre milieu social que lui. La manière la plus convaincante de le faire est de rappeler son extériorité sociale par rapport au collectif décrit - extériorité de l’intellectuel, parfois parisien - et d’affronter franchement la distance (historique, sociale) qui le sépare de ceux qu’ils interrogent. Le heurt entre les habitus incompatibles de l’enquêteur et de l’enquêté est ainsi parfaitement restitué par Goux confronté au „laconisme terrorisant“ de son premier informateur (Goux 2003: 85). L’honnêteté foncière des Mémoires de l’enclave qui met en scène, avec un certain humour, les difficultés, les ratés et les problèmes de communication, apparaît comme une variante - et l’anticipation - littéraire de l’anthropologie de l’ordinaire que promeut Éric Chauvier, soit „une anthropologie soucieuse de révéler le sens caché de la dissonance que produit la communication humaine“ (Chauvier 2011: 75). Selon l’anthropologue, cette posture doit favoriser „l’appariement des consciences“ (ibid.: 68, 77 et 94), c’est-à-dire permettre au lecteur, par identification avec l’auteur, de penser directement la situation des personnes interrogées ou rencontrées. La subjectivisation de ces écritures induit donc la sollicitation de leur récepteur, l’amenant à une „conversion du regard“ 8 (ibid.: 99), et partant, à un savoir sur un segment ignoré (ou méconnu) du monde social. 166 Dossier Enjeux et paradoxes Plusieurs de ces narrations participent d’une mémorialisation du monde ouvrier, les documents (archives écrites ou témoignages) constituant la trace matérielle d’une histoire, soit passée (Goux, Bon, Ostende, Fajardie), soit en train de se faire (Pattieu, Bon, Vuillermet). Elles inscrivent cette histoire ouvrière dans la mémoire „saturée“ d’une époque (Robin 2003) qu’a saisie une frénésie de patrimonialisation et de commémoration (cf. Nora 1992). Si elles offrent ainsi une „mémoire du présent“ selon la formule de Tiphaine Samoyault (citée d’après Ruffel 2012: 15), elles traduisent un devoir de mémoire à l’égard du monde ouvrier „qui obéit autant à l’impératif de rendre justice de l’histoire que de rendre justice à ceux qui ont souffert” (Servoise 2017: 78). En refusant de servir le discours dominant (néo-libéral) qui nie ce groupe, en établissant une contre-histoire - l’histoire des ‚vaincus‘ -, en refusant l’effacement d’un groupe social, ces auteurs „brossent l’histoire à rebrousse-poil“ (Walter Benjamin), 9 c’est-à-dire qu’ils contestent l’histoire faite - ou en train d’être écrite - par les vainqueurs. Ces écritures revêtent dès lors une portée politique incontestable et recueillent, pour cette raison, l’attention d’une partie de la critique universitaire française de gauche. Malgré cet intérêt grandissant, il faut toutefois admettre que ces textes sont minoritaires dans le champ littéraire, si on les compare au genre dominant qu’est le roman. Aujourd’hui, comme dans les années 1930 où les fictions documentaires avaient connu leur apogée, les narrations documentaires contemporaines sont certainement un „genre mineur“ (Pic 2014: 42). Cette minoration tient à quatre facteurs: En premier lieu, le goût du public, déterminé dans une large mesure par la presse journalistique et le rôle des prescripteurs d’opinion, ne se porte pas spontanément vers les narrations documentaires, malgré le succès incontesté d’un Jablonka, ou, à l’international, d’une Alexievitch, 10 et malgré l’intérêt manifesté à leur encontre par les spécialistes des sciences sociales (Ubbiali 2014). L’hybridation, perturbante pour le lecteur, ne fait pas toujours recette. En deuxième lieu, la situation de livres à la croisée de disciplines déstabilise, dans un pays qui aime les lignes claires et les partages disciplinaires. Susceptibles d’une double réception, ces livres peuvent être victimes d’une invisibilité physique: Mémoires de l’enclave se déniche parfois en librairie dans la rubrique des sciences sociales et Atelier 62 a été indexé par le catalogue de la Bibliothèque nationale de France avec le code Dewey „Entreprises d’Automobiles pour passagers“ (Montémont 2012: 50). Ils souffrent aussi, en troisième lieu, d’un manque de légitimité littéraire et d’un défaut de reconnaissance scolaire, les objets d’étude des programmes officiels des lycées français 11 renvoyant à une classification en terme de genres (comédie / tragédie, roman et nouvelle, textes argumentatifs) qui refuse toute place à l’hybridité générique. 167 Dossier Enfin, en dernier lieu, pour l’avoir constaté personnellement dans des discussions informelles, ces écritures sont encore l’objet d’un mépris de la part du monde académique, qui peut manifester une condescendance proche de celle affichée par la ‚noblesse de plume‘ à l’égard des reporters à la fin du XIX ème siècle. Professeurs et critiques reprochaient à ces derniers de placer leur art dans une position seconde après les faits, le monde réel, ou les événements qui, eux, auraient dicté leurs lois à la création littéraire: „Faire du reportage, nous dit Brunetière, c’est ‚recevoir […] des faits la loi que l’art devrait leur imposer‘“ (Boucharenc 2004: 115). 12 Le reportage est dévalué car il ne fait que „suivre“ ou „couvrir“ l’événement alors que la littérature, elle, doit avoir pour vocation de s’en inspirer et s’en emparer (selon Thibaudet cité par Boucharenc 2004: 115). Certes, l’idée que la littérature sortirait affaiblie de sa secondarité par rapport au réel (événement ou fait historique, dimension sociale) est en train de bouger en profondeur sous la double impulsion des auteurs venus des sciences sociales et s’essayant à la littérature (Jablonka 2016 ou Chauvier 2006) et des écrivains se tournant vers les sciences sociales. Mais l’on constate que ce préjugé est puissant, au point d’avoir sans doute déterminé les postures ultra littéraires de certains auteurs. François Bon affiche ainsi de manière ostentatoire le genre dans lequel il veut inscrire son propos, celui auquel le degré maximum de littérarité est aujourd’hui accordée dans la configuration actuelle du champ littéraire, soit le roman. Cet affichage est l’objet du sous-titre et de la réflexion métalittéraire des premières pages, l’auteur justifiant cette appellation générique à propos d’une usine vidée (Bon 2004: 13-14). Goux, de son côté, consacre la première partie de son livre à l’installation d’un „Informateur“ dans les terres de l’„Enclave“ (Goux 2003: 11-12), partie qui prend la forme d’un journal fictif - ou largement fictionnalisé - serti de références littéraires de haute volée. On le voit avec ces deux cas: les auteurs issus du monde de la littérature tiennent à ce que leurs entreprises de portrait social soient évaluées à l’aune de critères littéraires, et non sociologiques ou historiques - alors même que leurs deux livres ont pour objet de rendre compte de mondes sociaux. En fonction du lieu d’où parlent leurs auteurs (historiens vs. écrivains), la revendication de littérarité se fait plus forte; le problème d’une inscription explicite dans le champ de la littérature se pose essentiellement à ceux qui se considèrent avant tout comme des écrivains et en endossent la posture. Conclusion Les narrations documentaires proposent ainsi une littérature factuelle et transitive, c’est-à-dire non prioritairement autoréflexive et parlant du „Monde réel“ pour reprendre le titre du cycle qu’Aragon écrivit entre 1934 et 1951. Agençant documents écrits et témoignages, elles appellent une lecture et une compréhension du monde social qui se situe au carrefour de la littérature et des sciences humaines. En orchestrant la pluralité de matériaux à partir d’un je, elles mettent en évidence l’émotion de celui qui écrit, destinée à émouvoir par ricochet (ou identification) celui qui lit, et 168 Dossier élaborent ce faisant une relation affective et efficace aux documents comme traces d’une vie collective. Récusant toutefois la forme majoritaire et démocratique du roman (Wolf 2003) et parfois les procédés du réalisme, 13 les narrations documentaires occupent actuellement un créneau étroit du champ littéraire français. Il convient de souligner le paradoxe de la réception de ces écritures, tentées par le formalisme ou l’expérimentation. Si leurs enjeux sont multiples, à la fois mémoriaux, éthiques et politiques, elles ne touchent vraisemblablement qu’une fraction restreinte du lectorat public. Parlant des petits et des dominés, du monde ouvrier en particulier, en somme de ce qu’on pourrait appeler le ‚peuple‘ si le terme n’était pas l’objet de nos jours d’un investissement politique si critiquable, elles empruntent des formes littéraires censés octroyer à ce peuple une légitimité symbolique, mais en raison de l’élitisme culturel du lectorat visé, elles ne seront pas lues par ceux qui sont au centre de leur propos et ne s’adressent pas même à eux. Résumé Cet article étudie un certain type de „narrations documentaires“ (Ruffel 2012), c’està-dire de textes, qui, prélevant dans le réel des documents d’archives, des témoignages, des enregistrements ou des photographies, ont entrepris de représenter une collectivité de travailleurs. Relevant de la littérature factuelle, les narrations de François Bon, Jean-Paul Goux, Ivan Jablonka, Sylvain Pattieu, Martine Sonnet et Maryse Vuillermet font l’objet d’un „pacte documentaire“ avec leurs lecteurs et revêtent une portée et une visée prioritairement cognitives, tout en donnant lieu à un double régime de lecture, référentiel et littéraire. Les témoignages y occupent une place de premier plan, et leur insertion dans le corps du texte revêt des enjeux épistémologiques, éthiques et littéraires. Ces narrations mettent en œuvre une esthétique du montage et soulignent l’émotion de celui qui enquête. Elles élaborent une relation affective et efficace aux documents comme traces d’une vie collective et offrent ainsi une mémoire au présent, traduisant entre autres un devoir de mémoire à l’égard du monde ouvrier, et pour cette raison recueillent l’attention d’une partie de la critique universitaire française de gauche. Pourtant, ces narrations récusant la forme majoritaire et démocratique du roman, elles occupent un créneau étroit du champ littéraire français et souffrent d’une réception qui n’atteint pas ceux dont elles font pourtant entendre la voix. Bon, François, Daewoo. Roman, Paris, Fayard, 2004. Boucharenc, Myriam, „Beau comme la rencontre de la littérature et du reportage sur la scène de l’événement“, in: Didier Alexandre / Madeleine Frédéric / Sabrina Parent / Michèle Touret (ed.), Que se passe-t-il? Événement, sciences humaines et littérature, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2004, 113-123. Bourdieu, Pierre, La Misère du monde, Paris, Seuil, 1993. Carrère Emmanuel, D’autres vies que la mienne, Paris, POL, 2009. 169 Dossier Chauvier, Éric, Anthropologie de l’ordinaire. Une conversion du regard, Toulouse, Anacharsis, 2011. —, Anthropologie, Paris, Alia, 2006. Fajardie, Frédéric H., Metaleurop, paroles ouvrières. 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Sonnet est Montparnasse monde, roman de gare (2011) Elle a également publié Couturière (2012) sur support numérique chez Publie.net, fondé par François Bon. 4 John Searle, „Le statut logique du discours de la fiction“, Sens et expression, 1972 (cité par Genette 1991: 143). 5 Robert Linet est un militant syndical, ancien déporté et résistant, devenu secrétaire CGT des usines Renault de Billancourt, et auteur de témoignages publiés. 6 Ce mouvement a donné lieu à la publication de deux autres livres, des témoignages: Tormos 2014 et Larios 2013. 7 Il fut adopté par Truman Capote dans In Cold Blood en 1966, Emmanuel Carrère dans L’Adversaire en 2000 ou Javier Cercas dans El Impostor en 2014. 8 Éric Chauvier emprunte au philosophe Husserl (La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, 1976) les notions d’„appariement de consciences“ et de „conversion du regard“. 9 Cette formule, conclusive de la Thèse VII „Sur le concept d’histoire“ de Walter Benjamin, est citée puis commentée par Michael Löwy (2014: 66). Elle est rappelée par Sylvie Servoise (2017: 85). 171 Dossier 10 C’est sous le patronage de Svetlana Alexievitch que Maryse Vuillermet place son livre, en citant un passage d’À propos d’une bataille perdue, son discours de Stockholm, en 2015. 11 Ces programmes déterminant l’enseignement du français dans les classes de préparation au baccalauréat sont en ligne sur le site du gouvernement: http: / / www.education.gouv.fr/ cid53318/ mene1019760a.html (dernière consultation: 02.11.2017). 12 Myriam Boucharenc cite ici Ferdinand Brunetière, „Le ,reportage‘ dans le roman“ (1881) repris dans Le Roman naturaliste (Paris, Calmann-Lévy, 1896, 104). 13 Un compromis efficace a été trouvé par Jablonka qui atteint un double public, académique et mainstream.