eJournals lendemains 34/136

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Narr Verlag Tübingen
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2009
34136

A tous mes amis qui ont contribué à Lendemains 133, et à ceux qui n’y ont pas contribué

2009
Michael Nerlich
ldm341360086
86 Hommages Michael Nerlich A tous mes amis qui ont contribué à Lendemains 133, et à ceux qui n’y ont pas contribué Charroux, le 20 avril 2009 Il n’est pas d’usage, il me semble, de „répondre“ à ce qu’en allemand, on appelle une „Festschrift“ et ce qu’en français on appellerait „un recueil d’hommages“. Mais à vrai dire, je n’en sais rien car j’ai trop peu d’expérience avec ces hommages ce qui relève - comme tant d’autres choses dans ma vie - de ma propre faute. Car pour ne mentionner que cela, quand Monika Walter songea très aimablement à préparer une espèce de célébration pour mes 60 ans et Henning Krauss par la suite une autre pour mes 65, j’ai pu les convaincre tous les deux d’y renoncer ce qui avait probablement aussi à voir avec mon protestantisme hanséatique. Mais pour le dire d’emblée: je pense que partir d’Allemagne comme je le fis au seuil du vingt-et-unième siècle, et être oublié par la suite, avait quelque chose d’emblématique ou de représentatif pour ce que je considérais comme une défaite honorable et que je préférais à une existence académique dans une nouvelle Allemagne ayant retrouvé sa paix dans de beaux bâtiments construits sur des ruines et l’oubli. Avoir pu, en tant que romaniste du nom de Ernst Robert Curtius, appeler en 1932, avant la prise de pouvoir des nazis et dans la plus pure tradition fichtienne des Discours à la nation allemande, à la rupture avec la France, à la lutte contre „l’esprit juif de négation“ et à la collaboration avec le fascisme italien, et avoir pu présenter cela, après 1945, comme acte de résistance au nazisme, ainsi que des idées puisées dans la conception raciste de la culture germanique d’un Josef Nadler comme base pour un renouveau non seulement de la nation allemande, mais modestement de la culture européenne tout court, oui, recevoir les acclamations de (presque) toute la gent académique dans l’Allemagne de l’Ouest de l’aprèsguerre, et pas seulement de la gent académique, mais de tous les mass-média de l’époque de DIE ZEIT à la FAZ en passant par DIE WELT ou DER SPIEGEL , ce fut normal, correct, acceptable, intelligent, en un mot: bien! S’élever contre cela en Allemagne de l’Est comme le fit un certain Werner Krauss, ce fut négligeable puisque c’était... „à l’Est“, et avec „ceux de l’Est“, on ne parlait (normalement) pas. Etant à l’Ouest et ne pas accepter tout cela, bien qu’on ne soit pas un soixantehuitard juvénile, mais crier au scandale et inciter - mû par l’esprit de réconciliation franco-allemande qu’on préconisa officiellement depuis Adenauer et De Gaulle - à reprendre le dialogue avec la France là où d’illustres Allemands du nom de Goethe, Heine ou Marx l’avaient mené et approfondi dans la mouvance déclenchée par 1789, s’excuser pour ce qu’on avait infligé à la nation française et au reste du 87 Hommages monde (y compris le peuple allemand et ses représentants républicains de tout bord et francophiles en tête) après 1932, respecter et honorer la Résistance française (avec ses membres allemands) et invoquer les Lendemains qui chantent, ce ne fut pas seulement un sacrilège digne de délation, de persécutions et d’interdictions professionnelles. Ce fut - avouons-le - tout simplement bête. A quoi aurait-on pu s’attendre après la chute du mur? Cette Allemagne réunifiée était devant une nouvelle nécessité d’oubli, et il ne fallait pas seulement oublier tout ce que l’Allemagne de l’Est avait eu de bien (malgré tout ce qu’elle avait eu de mauvais), mais il fallait aussi oublier tout ce que l’Allemagne de l’Ouest avait eu de mauvais (malgré tout ce qu’elle avait eu de bien), et ce nouvel oubli devait se greffer sur celui ou ceux de 1933 à 1945 avec ses ou leurs causes et origines et ses ou leurs conséquences et suites. Bref, il fallait tout d’un coup ré-inventer „une Allemagne normale“, besogne à laquelle tous ceux qui voulaient dresser des bilans de passés désastreux - sauf ceux de la RDA disparue, bien sûr - faisaient obstacle. Et n’était-il pas vrai qu’une fois la guerre froide finie, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes? A quoi encore bon réfléchir sur des fautes commises, des erreurs à corriger, des Lendemains à construire? Que les trouble-fêtes se taisent, les „Ewig-Gestrigen“: qu’ils se barrent! Je me suis donc barré, et à vrai dire, j’ai encore eu de la chance, je pense, de trouver une terre d’exil en France à cause d’une autre identité mienne, et je saurais éternellement gré aux collègues hispanisants clermontois qui ont bien voulu m’offrir une chaire tout en ignorant mon passé de fauteur de troubles dans les rapports franco-allemands. Non que je croie qu’ils m’auraient rejeté à cause des LENDEMAINS que nous avions voulu honorer, au contraire (comme le prouve la présence de Rose Duroux parmi les contributeurs à LENDEMAINS 133), mais le fait qu’ils ignorent mon activité „francisante“ et qu’ils m’acceptent tout simplement comme hispanisant me facilita le recommencement. Et ma grande chance ne se limita pas à cela car tandis que moi, peut-être même lâchement, je prenais le large, des collègues et amis avec en tête Wolfgang Asholt et toute l’équipe de la revue maintenaient le cap des LENDEMAINS dans ces nouvelles eaux d’une Europe sans guerre froide et dans une Allemagne sans mur. Nous, Evelyne Sinnassamy et moi, nous leur savons gré et nous disons merci, tout comme moi, personnellement, je dis merci à tous ceux qui - dans ce numéro 133 de LENDEMAINS - ont eu la gentillesse de sacrifier une contribution au capitaine disparu du bateau. Et qui n’était pour rien dans la confection de ce numéro auquel je me serais à nouveau opposé, pensant que l’oubli est l’espace mérité pour tous ceux qui - pour quelle raison que ce soit - ont abandonné le pont. Mais je dis cela aussi pour que tous ceux qui n’ont pas pu contribuer ou parce qu’ils étaient débordés de travail ou parce que les amis qui ont préparé ce numéro n’étaient pas au fait de nos rapports amicaux et ne se sont pas adressés à eux, sachent qu’il n’y avait ni parti-pris contre leur contribution, ni amertume à cause de leur non-contribution: je les remercie tous pour leur amicale fidélité qui m’a facilité 88 Hommages l’épreuve d’un recommencement à un moment de la carrière où normalement on songe à la retraite. Trop tôt, d’ailleurs, comme nous le montre l’exemple de Rita Schober à qui je dis ici merci pour sa contribution puisque c’est à cause d’elle que j’écris ces lignes. Car aujourd’hui, le 20 avril 2009, j’ai appris par le collègue Gerhard Schewe de la Humboldt Universität Berlin que les articles écrits en 2007-2008 en hommage à Rita Schober, doyenne des romanisants allemands est et ouest confondus, ne seront pas publiés. J’avais moi-même - en compagnie d’Evelyne Sinnassamy - contribué avec une lettre adressée à Rita qui a beaucoup à faire avec LENDEMAINS et son histoire (qui est notre histoire à nous tous), et si je la propose, ici, pour publication dans LENDEMAINS , je le fais sachant que tous les amis de la revue et en particulier tous ceux qui ont collaboré au numéro 133, bref tous ceux qui aiment la romanistique, qui se passionnent pour les études sur la France et qui s’engagent pour les rapports républicains et partant amicaux entre la France et l’Allemagne approuveront l’impression de cet article en l’honneur de Rita Schober.