eJournals lendemains 42/168

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Narr Verlag Tübingen
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2017
42168

La littérature antillaise: entre ‚tout-monde‘ et histoire transatlantique

2017
Jean-Marc Moura
ldm421680060
60 Dossier Jean-Marc Moura La littérature antillaise: entre ‚tout-monde‘ et histoire transatlantique Aujourd’hui, à la faveur des migrations de plus en plus massives et des circulations croissantes entre Antilles et France métropolitaine, les chercheurs appréhendent souvent la littérature antillaise comme un élément important de la mondialisation littéraire. Je souhaite interroger ici certaines modalités de ce mouvement critique en revenant d’abord sur l’approche la plus connue de cette globalisation, élaborée à partir des Antilles, la théorisation du ‚tout-monde‘ d’Édouard Glissant, avant de réfléchir à une échelle d’analyse différente mais non moins ambitieuse, celle de l’histoire transatlantique, dont les Antilles constituent une partie remarquable. I. Le ‚tout-monde‘ Présenter l’ensemble des usages de ‚tout-monde‘ et leur pertinence pour les Antilles relève de la gageure tant cette notion a été diversement interprétée par les milieux les plus variés et tant aussi elle a pu se transformer sous la plume d’Édouard Glissant. Je me bornerai donc à évoquer quelques-unes de ces interprétations en privilégiant notamment les milieux critiques anglophones. Je voudrais ainsi présenter certaines réponses venues d’ailleurs que de la France à la notion mobile introduite par Glissant. Le mot ‚tout-monde‘ ressemble à ces noms dont parle Glissant dans le Traité du Tout-monde: Ces noms que j’habite s’organisent en archipels. Ils hésitent aux bords de je ne sais quelle densité, qui est peut-être une cassure, ils rusent avec n’importe quelle interpellation, qu’ils débordent infiniment, ils dérivent et se rencontrent sans que j’y pense (Glissant 1997: 77). Archipel donc, mais à condition de relier les deux notions contradictoires du terme: l’isolement des îles, mais aussi la liaison de l’ensemble, l’alliance paradoxale de la dispersion et de l’unité, qui caractérise également les relations des Antilles aux Caraïbes. La notion de ‚tout-monde‘ émane d’une „mesure du monde“, pour emprunter l’expression de Romuald Fonkoua (Fonkoua 2002), qui prend acte du fait que le monde européen n’est plus le centre planétaire de naguère. Mais elle tient aussi compte d’une communication généralisée de plus en plus importante et rapide. Il s’agit de dire le monde dans ce qui compose sa singularité contemporaine, cette ‚pantopie‘ dont a parlé Michel Serres, le fait que nous vivons encore en un lieu, mais en étant reliés à tous les autres, que nous habitons la pantopie: „tous les lieux en chaque lieu et chaque lieu en tous les lieux, centre et circonférence, entretien global…“ (Serres 61 Dossier 1994: 130sq.). Le concept procède de l’expérience de ce phénomène tout en gardant la conscience de la vanité de tout savoir totalisant. Glissant part de la créolisation planétaire: Le monde se créolise, c’est-à-dire […] les cultures du monde mises en contact de manière foudroyante et absolument consciente aujourd’hui les unes avec les autres se changent en s’échangeant à travers des heurts irrémissibles, des guerres sans pitié mais aussi des avancées de conscience et d’espoir qui permettent de dire - sans qu’on soit utopiste, ou plutôt en acceptant de l’être - que les humanités d’aujourd’hui abandonnent difficilement quelque chose à quoi elles s’obstinaient depuis longtemps, à savoir que l’identité d’un être n’est valable et reconnaissable que si elle est exclusive de l’identité de tous les autres êtres possibles. Et c’est cette mutation douloureuse de la pensée humaine que je voudrais dépister avec vous (Glissant 1995b: 15). ‚Tout-monde‘ place l’accent sur la logique indissociablement dialogique et agonistique marquant les relations entre les cultures contemporaines, particulièrement les rapports entre dominants et dominés. Elle insiste sur les différences entre les cultures tout en soulignant la nécessité et les spécificités de la créolisation. Celle-ci a été théorisée et poétisée par Glissant durant presque toute sa carrière et l’on sait que Barack Obama en a été l’un des plus récents symboles: M. Barack Obama est le résultat à peu près miraculeux, mais si vivant, d’un processus dont les diverses opinions publiques et les consciences du monde ont jusqu’ici refusé de tenir compte: la créolisation des sociétés modernes, qui s’oppose aux traditionnelles poussées de l’exclusive ethnique, raciale, religieuse et étatique des communautés actuellement connues dans le monde (Chamoiseau/ Glissant 2009: 27). ‚Tout-monde‘ va ainsi être compris par une grande partie de la critique anglophone comme un concept poursuivant l’entreprise antillaise (inaugurée avec Césaire) d’un travail critique sur les influences théoriques européennes en vue de construire une conscience historique propre à l’Atlantique noir (la „Black Atlantic“ de Paul Gilroy). En fait, la notion est interprétée dans le cadre anglophone des Cultural Studies, des Subaltern Studies et des Postcolonial Studies, envisagée indépendamment de l’opposition, rituelle en France, entre républicanisme et communautarisme. 1 On peut en distinguer trois usages: le ‚tout-monde‘ comme élan vers la pancaribéanité, où les Antilles sont envisagées comme une partie de l’archipel des Caraïbes, le ‚toutmonde‘ comme notion postcoloniale, où les Antilles sont un territoire particulier de l’après-colonialisme, et le ‚tout-monde‘ comme notion rattachée à une généalogie. Antilles et Caraïbes ‚Tout-monde‘ est le titre de la dernière partie du roman Mahogany et celui du roman Tout-monde. Le mot va ainsi d’un final à un début en même temps que les personnages passent de l’île à ce qu’il y a au-delà de la mer. Le roman est la chronique des voyages de Mathieu Béluse et de Raphaël Targin comme des errances de celui qui parle - écrivain, chroniqueur, déparleur. La question revient donc plusieurs fois dans le texte: c’est à savoir lequel des deux irait le plus loin dans le ‚tout-monde‘? 62 Dossier Ce ‚tout-monde‘ n’est certes pas une terre à conquérir ou un territoire à soumettre, il suppose un type nouveau de rapport à l’espace, rompant avec les logiques de domination propres à l’Occident. C’est pourquoi la parole qui le restitue est multiple et joue de l’équivoque. Le voyage qui lui correspond est décrit à propos des périples de Mathieu: Alors Mathieu commençait de formuler pour lui-même une autre manière de fréquenter ce monde, une activité brûlante de l’imaginaire, une transformation réelle de l’esprit et de la sensibilité, ce qu’un autre appellerait bientôt une mise en Relation, oui, dont il amassait en lui, par une accumulation imperceptible mais continue, l’enseignement. Un voyage sans voyage organisé, une rupture d’horizons, dont il saurait plus tard ce qu’il pourrait bien en faire (Glissant 1995a: 48). Tout-monde inaugure un dialogue des œuvres à travers différents genres, car les interrogations des personnages romanesques renvoient au Traité du Tout-Monde (rédigé par Mathieu), donnant son titre à Poétique IV. On constate alors que la notion s’élabore à travers un rapprochement mental des lieux éloignés, mais surtout „d’une vision nouvelle qui, sans le forcer, accepte le désordre du monde“, un „exercice du vertige géographique“ qui se double d’un emmêlement des temps (Pessini 2004: 97). En ce sens, le ‚tout-monde‘ n’est pas un monde nouveau, encore moins le Nouveau Monde, il est une fréquentation à nouveaux frais d’un monde dépris des habitudes mentales et des réflexes intellectuels bien ancrés. Ce rêve est exprimé dès Mahogany: Rêver le tout-monde, dans ces successions de paysages, qui, par leur unité, contrastée ou harmonique, constituent un pays. Descendre le contraste ou le remonter dans l’ordre des pierres, des arbres, des hommes, qui participent, des routes qui s’efforcent. Trouver en soi, non pas, prétentieux, le sens de cela qu’on fréquente, mais le lieu disponible où le toucher (Glissant 1987: 218). Cette vision novatrice va être interprétée comme la tentative de surmonter la difficulté d’une ‚pancaribéanité‘ littéraire, souvent invoquée mais jamais trouvée. 2 On peut en effet considérer qu’elle réagit à un problème typique des Caraïbes de la seconde moitié du XX e siècle: le fait que les lettres caribéennes ont quitté le statut de littérature régionale, exotique, mineure, mais que, pour l’heure, elles ne forment pas une communauté d’auteurs, de critiques et de lecteurs. La ‚nation caribéenne‘, si l’expression a un sens, est encore à naître malgré les confluences entre les écrivains (on peut songer à Glissant et Derek Walcott ou Wilson Harris, Jacques Roumain et Nicolas Guillén, Maryse Condé et Jamaica Kincaid). Les langues divisent en effet plus qu’elles ne rassemblent, bien qu’elles soient le fruit du hasard, comme l’a rappelé Maryse Condé: Si j’étais née quelques îles au nord-ouest de la Guadeloupe, à Cuba, par exemple, je serais de langue espagnole. Si j’étais née quelques îles au sud, à Trinidad, par exemple, je serais de langue anglaise. Les hasards des razzias, des rapts et de la traite ont voulu que mes 63 Dossier ancêtres, abrutis de désespoir, titubant au sortir du négrier, aient foulé la mangrove d’une petite île, possession du „Roi de France“ (Condé 1985: 36). Malgré leur communauté générale de destin et de préoccupations, les auteurs s’ignorent encore trop souvent. Kathleen Gyssels rappelle (Gyssels 2010: 23) que la „Lettre à Chamoiseau“ écrite par Walcott dans The Muse of History est longtemps restée inconnue de l’auteur de Texaco, même lorsque sa traduction (Café Martinique) a circulé dans les milieux francophones. Toutefois, les relations se sont développées récemment puisque Walcott figure dans la „Sentimenthèque“ d’Écrire en pays dominé. Tout-monde réagit à la difficulté de saisir la cohésion de l’archipel cloisonné entre les frontières nationales au lieu d’être intercaribéen. Il s’agirait de manifester que les auteurs des Caraïbes, qu’ils s’expriment en anglais, en français, en néerlandais, en espagnol ou dans les créoles, écrivent dans des cadres littéraires homogènes et qu’ils construisent peu à peu des passerelles remédiant à la dissémination caractéristique de la scène littéraire caribéenne. Dans son étude sur les Caraïbes, Antonio Benitez-Rojo voit ainsi la région comme une entité dynamique qui n’a ni limite ni centre: un ‚méta-archipel‘ qui s’étend vers l’Afrique, l’Europe, l’Inde et l’Amérique du Nord. Leur histoire, tissée de voyages, de migrations, de créolisation donc, pourrait fournir un cadre pour penser l’ordre mondial transnational du XXI e siècle. La présence de la mer est cardinale pour l’historien, car elle figure l’espace d’une historiographie sans référence („uncharted historiography“), l’élément d’un flux défiant toute limite nationale ou territoriale et fournissant ainsi la parfaite figure pour considérer d’une manière cohérente la dispersion des îles (Benitez-Rojo 1992). Tout-monde peut donc être entendu comme la réaction, en français, au monolinguisme qui semble frapper les auteurs des Caraïbes. Le concept transforme la difficulté à surmonter la situation archipélique en une ressource, une aide pour penser la diversité, y compris au plan mondial. Une notion postcoloniale? L’une des critiques qui a relié le plus systématiquement la pensée et l’œuvre romanesque de Glissant aux théories postcoloniales est Celia Britton (Britton 1999). Elle a examiné les similitudes, mais aussi les différences entre la pensée du Martiniquais et le corpus critique postcolonial de l’époque. La notion de ‚tout-monde‘ y apparaît comme inspirée par celle de ‚relation‘, liée à l’irréductible différence de l’Autre. Dans un premier temps, ‚relation‘ définit les conditions d’une égalité et d’un respect avec et pour l’Autre, appliquées davantage à des communautés et des sociétés qu’à des individus. Non hiérarchique et non réductrice, elle ne cherche pas à imposer un modèle universel de valeurs, elle définit un ensemble fluide et a-systématique dont les éléments sont engagés dans un libre jeu de relations. Elle est „le chaos-monde qui [se] relate“ (Glissant 1990: 109). 64 Dossier Puisque la Relation est un projet anti-impérialiste, les sociétés du tiers monde paraissent plus aptes à entrer ‚en relation‘ que l’Occident, toujours hanté par les rémanences de son histoire coloniale. Exister en relation consiste en effet à être l’élément d’un processus toujours changeant et en voie de constante diversification, tout en étant dépourvu d’une essence permanente, singulière et autonome. Britton rapproche ainsi la Relation et la créolisation de la conception de l’hybridité propre à Homi K. Bhabha (Britton 1999: 16). S’affirme alors la conception d’un monde qui s’archipélise et se créolise (Traité du Tout-Monde), où l’oppression et les conflits n’ont pas disparu mais sont devenus plus localisés. L’avantage de ce monde ‚chaotique‘ est que des victoires inattendues y deviennent possibles, comme en témoignent la trajectoire de Nelson Mandela ou celle, plus récente, de Barack Obama. En effet, la globalisation des médias signifie que les luttes locales ne sont plus menées dans une obscurité qui les coupe du reste du monde. À cet égard, il est significatif que la première section du Traité du Tout-Monde s’intitule „Le Cri du monde“, marquant que le combat sans témoin décrit dans Le Discours antillais n’est plus possible. Le contact entre les cultures a mis fin, de manière irréversible, à l’isolement qui était un trait dominant de la Martinique de l’enfance de l’auteur. Britton a décrit l’ensemble de l’évolution de la pensée de Glissant, des années 1950 jusqu’à la fin du XX e siècle, à partir de la relation entre l’identité et le langage (Britton 1999: 180sqq.). Glissant commence par relever le manque du sujet martiniquais en ce qui concerne le langage: le français est perçu comme une langue étrangère et le créole comme un compromis limité et inadéquat. Ce manque, transformé en un sentiment d’infériorité, engendre le désir d’un langage plénier, capable d’exprimer une subjectivité devenue non problématique. Dans les premières œuvres de Glissant, La Lézarde et Le Quatrième Siècle, ce désir tente de se satisfaire par les textes, qui apparaissent comme l’unique solution à cette difficulté. Dans une deuxième étape, la conscience de ce manque conduit à une autre solution: la construction - sociale et littéraire - d’un langage stratégique, contre-poétique, qui n’est pas la composante directe d’une identité personnelle, mais une position à partir de laquelle une guérilla contre la culture et le langage dominants peut être menée. Telle est la position qui domine dans Le Discours antillais et les romans Malemort et La Case du commandeur. Dans la troisième et ultime étape, cette conception de l’utilisation d’un langage qui n’est pas lié à une identité singulière, qui habite et subvertit à la fois la culture et le langage dominants, est conservée. Toutefois, cette vision, à la fois générale et plurielle, se voit dépouillée du sentiment originel du manque. Ainsi, bien que beaucoup d’épisodes individuels de Tout-monde soient des représentations de situations pénibles et inégalitaires, le langage n’est plus perçu comme problématique. La langue du texte est une multiplicité libérée, chaotique, d’idiomes flottant librement, et il semble que ce soit de plus en plus le cas dans bien des régions du monde. Dès lors, la relation au langage est considérée comme un changement bien plus général dans la culture mondiale, où langue et identité sont partout perçues comme des constructions mobiles et plurielles et en tant que telles, si dissociées 65 Dossier l’une de l’autre que la notion de manque devient caduque. Comme l’explique le Traité du tout-monde, „[l]e langage n’est plus le miroir de quiconque“ (Glissant 1997: 85). Dans ce contexte, la question postcoloniale cruciale de la subversion et de la réappropriation d’une langue initialement imposée par le colonisateur trouve une réponse. Pour Glissant, le langage peut être conçu comme un type de résistance culturelle, résistance représentée et exemplifiée dans et par ses romans. Ce combat contredit la réduction au même promue par l’Occident: l’idéal français de la clarté classique se voit remplacée par une contre-poétique du détour et de l’opacité. Le ‚tout-monde‘ n’est alors rien d’autre que l’espace où ces stratégies langagières tendent à se multiplier et donc à contrecarrer toute domination linguistique et culturelle avérée. Le traité du tout-monde pourrait donc aussi être un traité du tout-langue, comme y insiste Lise Gauvin. Désormais, l’écrivain doit tenir compte de l’imaginaire des langues, c’est-à-dire de toutes les langues du monde (Gauvin 1999: 282). La langue devient ainsi le lieu commun d’une parole en déplacement. Dans ses ultimes interventions et prises de position, Glissant a utilisé l’adjectif ‚postcolonial‘, mais avec de grandes précautions. Il est clair en effet que, quelle que soit la langue d’écriture, les auteurs des îles comme ceux des Guyanes n’en finissent pas d’interroger l’héritage du passé colonial. Tout-monde semble dépasser ce ‚postcolonialisme‘ tout en prenant acte des conditions concrètes d’écriture, son réel enjeu serait de dénationaliser la littérature, de penser l’unité sous-marine (notion due à Brathwaite et reprise par Glissant) de ces lettres. Généalogie d’une notion Nombre de critiques et théoriciens ont reconnu dans l’œuvre de Glissant une avancée par rapport aux conceptions ‚modernistes‘ de Césaire et de Frantz Fanon. Selon eux, Glissant propose une version caribéenne du déplacement post-structuraliste du sujet centré, sartrien, patriarcal vers une subjectivité de relation de plus en plus postmoderne, „rhizomatique“ si l’on veut (Nesbitt 2003: 170). John Michael Dash y reconnaît le passage des notions d’errance, de métissage et de créolisation à un autre niveau, celui d’un monde globalisé: The old mechanisms of identity, the traditional process of recognition and delimitation, can no longer be maintained in a situation of cultural chaos. Identity is no longer stable and becomes threatened by otherness (Dash 1995: 179). Certains critiques voient dans l’œuvre une continuité et un approfondissement de grands thèmes (c’est le cas de Dash, qui est probablement en accord avec ce que Glissant lui-même pensait), d’autres reconnaissent une rupture après Le Discours antillais (Hallward 1998). Ils insistent en tout cas sur un trait manifeste du dernier Glissant: une préoccupation „postmoderne“ pour l’immanence, l’immédiateté et le décentrement des subjectivités. ‚tout-monde‘, en ce sens, serait une version postmoderne de la créolisation adaptée à une société désormais mondialisée. 66 Dossier D’autres lecteurs - tel est le cas de Nick Nesbitt - reconnaissent au contraire une continuité moderniste de l’œuvre jusqu’au Traité du tout-monde (1997). Durant cinquante ans, Glissant aurait poursuivi une réflexion sur des problèmes ‚modernes‘ tels que l’expérience historique, la totalité, la pensée dialectique (qu’on l’appelle „relation“ ou d’un autre nom) et la conscience. Dans l’un de ses derniers „projets“ (concept singulièrement sartrien), celui de transformer la Martinique en la première ‚nation écologique‘ du monde, il unirait ainsi un modernisme philosophique supposé dépassé et une conscience globale de la relation. On peut alors distinguer plusieurs niveaux de la réflexion de Glissant, dont l’importance varie selon les époques, mais qui tous pointent vers divers aspects de la notion de ‚tout-monde‘: First, a discourse of immediacy, instantaneity, immanence, and identity; next a dialectics of consciousness, historical experience, social contradiction, and political engagement; and finally, what is less a resolution of these two moments than a mean of productively sustaining their contradictions and antagonisms in a transformative, future-oriented project of global, ecological consciousness and politics (Nesbitt 2003: 171). Ce dernier mouvement insiste sur une conscience intersubjective et totalisante du tout-monde que l’on retrouve dans les ultimes pages du Traité du tout-monde, lorsque Glissant lance un appel pour une utopie réalisable: la transformation des DOM en une „terre biologique“ (Glissant 1997: 226). 3 Il avance là le projet d’une communauté éthique postcoloniale, transnationale, affirmant par là qu’une réelle décolonisation doit advenir dans le contexte d’une totalité, comprenant tous les États et communautés locales modernes, donc à un niveau planétaire. L’initiative, critiquée pour son abstraction et son „idéalisme, ne proposait aucune entreprise concrète. Elle doit sans doute être comprise comme le refus de l’hubris narcissique de beaucoup de manifestes et la conscience que toute proposition de refondation devrait commencer par adopter une attitude intellectuelle de modestie et de solidarité. Car, comme le remarque Glissant, le projet martiniquais devra nécessairement rejoindre les potentialités des autres DOM et celles d’autres nations souffrantes telles Haïti ou les nations voisines. Il s’agira ainsi de construire une conscience écologique de la relation globale qui parachèverait une expérience antillaise réellement postcoloniale. Tout-monde, enfin, est interprété en référence à la catégorie de la Relation. Le ‚tout-monde‘ se définit par rapport à l’Occident, étant entendu que „L’Occident n’est pas à l’Ouest, ce n’est pas un lieu, c’est un projet“ (Glissant 1981a: 13). Il ne représente ni un peuple, ni un lieu, ni un repère cardinal, c’est „le champ historique d’un vaste projet politique et marchand. En effet, le trait propre de la culture occidentale est son caractère non pas local, mais universel“ (Coursil 1999: 94). Dès lors, si le „projet Occident“ se résume à une mondialisation qui est un type de colonisation et d’exploitation „capitaliste“ de la terre, le tout-monde aura pour vocation d’éviter cette universalité et cet esprit de système prédateurs, de combattre le fait que „sur la planète, il y a[it] un monde qui se prend pour le Monde“ (Coursil 1999: 95). Comme la 67 Dossier Relation, ‚tout-monde‘ serait alors une contre-catégorie de l’histoire. Il s’opposerait à une science de l’histoire qui „se donne des ‚lieux-objets‘, ‚territoires‘ dont les destins possibles sont tous logiquement prévus“ (ibid.: 98). Selon cette nouvelle conception, on donne à voir non plus un lieu-objet mais un lieu-relation, un archipel: réseau de liens, histoires communes et traces de mémoire qui s’entrelacent. Dès lors, un lieu ou un pays n’est plus un simple territoire mais „le récit complexe d’une ‚étendue‘. Ce pays n’était qu’un point dans la géographie terrestre, c’est désormais un contexte dans lequel se raconte l’histoire du monde“ (ibid.). Cela suppose un renversement de méthode, dans la mesure où il ne s’agit plus uniquement de raconter son histoire, mais celle du monde à travers soi. Dans la poétique de Glissant, le monde appartient au lieu. Ainsi, la ‚relation du tout-monde‘ n’est pas une vaste épure mondiale qui contient les peuples et les cultures en contact. Elle est au contraire un contenu psychique, une structure symbolique inscrite en chacun de nous. Il n’y a pas d’observatoire de la Relation parce qu’elle n’a pas d’extérieur, c’est un espace pensé, clos par la finitude de la géométrie terrestre et le caractère global du ‚projet‘. Différemment pour chacun, elle est la même pour tous. „Découvreurs/ découverts s’équivalent dans la Relation“ (ibid.: 99). La catégorie de la Relation est donc un outil que propose la poétique aux sciences de l’histoire, outil qui permet de passer de la simplicité de ‚l’Un-monde‘ à la complexité du ‚tout-monde‘ sans tomber dans les amalgames de la pensée relativiste. Le ‚tout-monde‘ est alors ce qui est conçu et représenté par une poétique de la Relation. Le programme relève, on le voit, d’une ambition vaste et volontairement ouverte. Mais l’histoire littéraire antillaise appelle des variations d’échelle, adaptées à ses spécificités, on peut aussi l’envisager à la faveur de l’histoire du monde atlantique. II. Les Antilles et l’Atlantique L’idée d’un monde atlantique s’est développée dans les dernières décennies. Elle a encouragé les chercheurs d’Afrique, des Amériques et d’Europe à adopter une perspective plus large et comparatiste sur ces régions. Certes, à la différence des histoires nationales, qui possèdent au moins les dates des origines de la nation, cette histoire se définit malaisément en termes chronologiques, culturels, voire spatiaux. C’est précisément ce qui la rend intéressante aujourd’hui: The imprecision in its history and the very absence of a nationalist entity and history - an idea which has fallen out of favor among historians - combine to make the Atlantic World one of the most popular subjects of study in the last twenty five years (Fayola/ Roberts 2000: IX). De prime abord, sa géographie est facile à définir: il s’agit d’un monde limité par les trois continents qui bordent l’Atlantique: l’Amérique, l’Europe et l’Afrique. Toutefois, 68 Dossier … what makes the geographic „Atlantic world“ something finite, something definable - indeed, the „Atlantic World“ - are the processes of migration, colonialism, trade, and intellectual exchange that came to dominate the Atlantic region starting in the mid-fifteenth century (ibid.). On conçoit que les Antilles sont une partie capitale de cette histoire des migrations et des échanges intellectuels et culturels. Histoire et méthodologie Au XXI e siècle, le Monde Atlantique n’est pas uniquement une entité académique mais un véritable ensemble social, politique, économique et intellectuel qu’il reste à étudier précisément. À l’instar de ce que proposait Glissant, il convient de rejeter la description habituelle de ce monde qui le présente comme dominé par une poignée d’Européens. Les Africains, les Amérindiens, les Créoles du Nouveau Monde, les Européens pauvres et les femmes de tous les groupes ont été actifs dans sa création et sa formation. Aucune description de ce monde n’est complète si elle ne prend pas en compte la totalité des interactions et réactions des diverses populations du bassin atlantique aux projets, attitudes et décisions pris par des pouvoirs étrangers. Cette histoire se veut donc résolument multiculturelle, multiethnique et multiraciale, croisant les points de vue de tous les acteurs historiques, y compris des ‚subalternes‘, sans pour autant minimiser les rapports de pouvoir et de domination au sein des sociétés coloniales américaines (Vidal 2008). Les travaux qui se réclament de la nouvelle histoire atlantique se distinguent par leur grande diversité et la variété de leurs approches. La plupart des chercheurs s’accordent toutefois sur le fait qu’il s’agit d’abord de considérer que les relations de toutes sortes animant l’espace atlantique ont joué un rôle fondamental dans l’évolution des sociétés de part et d’autre de l’océan éponyme et donc que l’histoire atlantique s’attache à expliquer les transformations, les expériences et les événements qui se déroulent à un endroit en fonction de conditions qui dérivent de sa situation dans un monde vaste, multiple et interconnecté (ibid.). Néanmoins, aucun consensus n’existe sur les facteurs et les acteurs qui influèrent de manière déterminante sur ces sociétés ni sur les modalités selon lesquelles celles-ci furent affectées et transformées par leurs relations avec le reste du monde atlantique ou par les circonstances locales. 4 En outre, cette histoire est risquée dans la mesure où elle implique la maîtrise de tant d’histoires nationales, régionales et locales et l’usage de multiples langues, mais cela en fait un champ potentiellement très riche pour la recherche historique. 5 Elle peut aussi se concentrer sur un élément précis comme les Antilles francophones, envisagées dans leurs relations avec les divers continents bordant l’océan, histoire qui a pu être représentée tant dans le roman (Le Quatrième Siècle de Glissant) que dans le poème (Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire). 69 Dossier En France, l’idée d’une histoire transatlantique est nouvelle 6 tout en répondant à un projet ancien. Analyser les routes dessinées dans une mer ou un océan comme la Méditerranée ou l’Atlantique était en effet la perspective choisie par Fernand Braudel dans les années 1950, pour introduire ses élèves à l’Amérique latine, elle a été poursuivie par les historiens Pierre Chaunu (Chaunu 1955-1960) et Frédéric Mauro (Mauro 1960). C’était un Atlantique blanc, sud, hispanophone, lusophone et colonial des XVI e et XVII e siècles, négligeant son correspondant noir, nord, anglophone et francophone des XVIII e - XX e siècles. Dans le domaine littéraire, les échanges à l’échelle de l’Atlantique ont été très peu abordés alors que certains des changements majeurs des lettres, au niveau mondial, y trouvent leur origine, de la Négritude au ‚réalisme magique‘, des transformations de la littérature de voyage à des dynamiques intellectuelles d’envergure tel le tiers-mondisme (Moura 1992, Segura 2006). Il s’agit désormais d’interroger les points de vue africain, américain, caribéen et européen afin de prendre en compte les positions géopolitiques multiples, chacune ayant son histoire et ses visées propres au sein du Monde Atlantique. Des avancées dans ce domaine ont été permises grâce aux théoriciens postcoloniaux, quoique les échelles et les approches soient différentes, le postcolonial paraît plus intéressé par le niveau national ou régional alors que les „atlanticistes“ abordent une complexité linguistique et culturelle plus vaste (Boelhower 2008: 88). L’histoire littéraire L’histoire littéraire transatlantique examine la genèse des œuvres, la trajectoire des auteurs ainsi que les circulations et jeux d’influence entre Atlantique nord et sud, blanc, noir et indien, dans les domaines littéraires de l’anglophonie, la francophonie, l’hispanophonie, la lusophonie et la néerlandophonie sans omettre les créoles. Elle veut ainsi éclairer un aspect majeur des relations littéraires internationales. Pour les Caraïbes, les volumes dirigés par A. J. Arnold constituent une base solide pour cette histoire (Arnold 1994-2001). Une telle approche permet de remédier aux limites des modèles de „littératuremonde“ (Moretti 2000, Casanova 1999). Intéressantes pour penser la diversité littéraire globale, ces théories systémiques restent déterminées par les relations centrepériphérie et par un modèle de compétition du marché littéraire. Elles sont moins utiles pour une perspective interpériphérique, capable de penser les associations transatlantiques dans les zones de contact où se jouent des appropriations stylistiques et la naissance d’un langage symbolique dans et entre les marges de l’empire (Thieme 1998). Considérer l’histoire littéraire antillaise selon la perspective transatlantique consiste à envisager les œuvres dans les thématiques spécifiques liées aux interactions humaines telles qu’elles ont pu se réaliser dans le passé comme aux XX e et XXI e siècles. Écritures entre les mondes donc, pour reprendre l’expression d’Ottmar Ette, ZwischenWeltenSchreiben (Ette 2005), mais aussi écritures entre les trois rives de l’Atlantique, qui se rencontrent aux Antilles pour produire un ensemble littéraire 70 Dossier littéralement transatlantique. Dans le cadre de cette histoire, un programme de recherches se dessine où l’on peut envisager divers types d’analyse (Moura/ Porra 2015, Laborie/ Moura/ Parizet, à paraître): - l’étude des représentations littéraires de l’histoire, particulièrement celles de la traite: en poésie (Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire) ou dans le roman (Le Quatrième Siècle d’Édouard Glissant ou Pluie et vent sur Télumée Miracle de Simone Schwarz-Bart); - l’étude des représentations de la vie des émigrants: en poésie (Moi laminaire d’Aimé Césaire, évoquant de grands amis morts) ou dans la veine autobiographique (La Vie sans fards de Maryse Condé, relatant ses voyages et séjours entre Amérique, Europe et Afrique); - l’étude des représentations des territoires dont on s’exile et de ceux où l’on arrive: La Vie sans fards de Condé ou L’isolé Soleil de Daniel Maximin sont ici des exemples typiquement transatlantiques, mais on peut penser aussi à nombre de récits de voyageurs antillais contemporains (Fonkoua 1998) ou au fameux récit de Joseph Zobel, Rue Cases-Nègres, pour ce qui regarde la vie autochtone. L’histoire littéraire ainsi envisagée rencontre souvent des formes et des inspirations développées par ailleurs, à travers l’Atlantique, ainsi le ‚réalisme magique‘ latino-américain, dont on peut percevoir des échos dans Ti-Jean L’horizon de Simone Schwarz-Bart, ou l’affirmation d’une écriture féminine: une écrivaine comme Maryse Condé dialogue par exemple avec l’Américaine Toni Morrison, mais on pourrait aussi bien citer ici les œuvres de Schwarz-Bart (Pluie et vent sur Télumée Miracle) ou celles de Gisèle Pineau (La grande Drive des esprits). On aborde ainsi les lettres antillaises comme une littérature transatlantique dans leurs relations - jeux d’influence, rencontres, dialogues ou polémiques - aux trois rives de l’océan: un carrefour multiculturel et polymorphe où Édouard Glissant dialogue avec Derek Walcott et Gilles Deleuze, Aimé Césaire avec André Breton et Nicolas Guillén, Maryse Condé avec Toni Morrison et Kwame Nkrumah, Frantz Fanon avec Jean-Paul Sartre et les théoriciens de la révolution algérienne. Les Antilles sont conçues comme un point de rencontre des échanges littéraires transatlantiques et donc, à ce titre, un lieu important de la littérature contemporaine. Le programme est, on le voit, ambitieux et riche de développements à venir. À terme, tout comme la perspective du ‚tout-monde‘ à une autre échelle, il devrait permettre de comprendre comment et pourquoi cet espace francophone puis l’archipel des Caraïbes se sont imposés comme les lieux de naissance d’écritures parmi les plus intéressantes et originales de notre temps. Arnold, Albert James (ed.), A History of Literature in the Caribbean, 3 vol., Amsterdam etc., Benjamins, 1994-2001. Boelhower, William, „The Rise of the New Atlantic Studies Matrix“, American Literary History, Spring/ Summer 2008, 20 (1-2), 83-100. Benítez Rojo, Antonio, The Repeating Island: The Caribbean and the Postmodern Perspective [1989], Durham, NC, Duke U. P., 1992. 71 Dossier Britton, Celia, Édouard Glissant and Postcolonial Theory. Strategies of Language and Resistance, Charlottesville, University Press of Virginia, 1999. Butel, Paul, Histoire de l’Atlantique, de l’Antiquité à nos jours, Paris, Perrin, 1997. Casanova, Pascale, La République mondiale des lettres, Paris, Seuil, 1999. 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Gyssels 2010. 3 Il sera accompagné d’un manifeste public pour une nation biologique martiniquaise, signé par Édouard Glissant, Patrick Chamoiseau, Gérard Delver et Bertene Junimer (21 janvier 2000). 4 Comme en témoigne la lecture que l’on peut faire de l’ouvrage de John Elliott (2006) 5 Cf. Moura/ Porra 2015. 6 Avec quelques exceptions: Godechot 1947, Butel 1997.