eJournals lendemains 38/149

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Narr Verlag Tübingen
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2013
38149

Stephan Leopold, Dietrich Scholler (ed.): Von der Dekadenz zu den neuen Lebensdiskursen. Französische Literatur und Kultur zwischen Sedan und Vichy

2013
Aurélie Barjonet
ldm381490138
138 Comptes rendus eine diskursanalytische Betrachtung, die den Blick auf die Darstellung und Symbolisierung einer konfliktreichen société wendet (cf. dazu aktuell den Band Von der Dekadenz zu den neuen Lebensdiskursen. Die französische Literatur und Kultur zwischen Sedan und Vichy, hrsg. v. Dietrich Scholler u. Stephan Leopold, München, Fink, 2010). Im Übergang von der Soziozur Mythokritik und deren Durchgang durch den strukturalistischen ‚Mut zum Formalismus‘, der in den Analysen Roland Barthes’ und Philippe Hamons zum Tragen kommt, zeigt Barjonet die Rezeptionsgeschichte Zolas als Abschied vom naiven Historismus: Die Autokritik Schobers dient dabei als Spiegel, wenn - wie Barjonet mit Verweis auf die neuere Forschung zeigt - nicht nur die Werke Zolas, sondern auch deren Lektüre diskursanalytisch neu ‚historisiert‘ werden können. Karin Peters (Mainz) —————————————————— STEPHAN LEOPOLD & DIETRICH SCHOLLER (ED.): VON DER DEKADENZ ZU DEN NEUEN LEBENSDISKURSEN. FRANZÖSISCHE LITERATUR UND KUL- TUR ZWISCHEN SEDAN UND VICHY, MÜNCHEN, WILHELM FINK, 2010, 358 P. Cet ouvrage collectif est né d’une section organisée par les éditeurs en 2008 au Congrès des Francoromanistes. Il est porté par une démarche historique d’un grand intérêt et s’appuye sur un postulat que S. Leopold expose en introduction. La France de la fin du XIX e siècle est marquée par une profonde remise en cause: nouvelle conception de l’homme (Darwin), nouvelles idées économiques (Marx & Engels), religion fragilisée par la science, défaite contre la Prusse. Au-delà de leurs différences, le naturalisme et la décadence se font l’écho de tous ces bouleversements et se retrouvent dans un discours marqué par l’idée de la chute, de la mort et de la dégénérescence. C’est avec la III e République que se met en place un discours de régénération qui n’est ni uniforme et ni exclusivement politique. À un discours de la nausée succède donc un discours du salut. 1 L’originalité du volume est d’étendre ce postulat jusqu’à l’époque de Vichy, de suivre les discours de régénération de l’après-Sedan jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Cette proposition néglige forcément l’importance de la Première Guerre mondiale, des figures ou des mouvements artistiques dominants au profit d’autres, et remet quelque peu en cause les découpages chronologiques en vigueur (voir aussi la dissociation réalisme-naturalisme à laquelle l’auteur de l’introduction souhaite retourner, 11). 1 Je joue sur le titre de l’ouvrage de Jean Borie, Zola et les mythes, ou de la nausée au salut, Paris, Seuil, 1971. 139 Comptes rendus La littérature et l’histoire des idées sont approchées par le biais de la pensée foucaldienne. J’y vois un élargissement d’une tendance que j’ai analysée ailleurs et qui s’appliquait aux études ouest-allemandes, puis allemandes, sur Zola et le naturalisme. 2 Dépolitisée jusque dans les années 1970, la recherche ouest-allemande évolue après 1968. La recherche zolienne est emblématique de cette évolution. Conformément à l’appréciation de Rita Schober, grande médiatrice de Zola en RDA mais aussi dans l’ensemble du monde germanophone par son édition allemande des Rougon-Macquart, Hans-Jörg Neuschäfer (1976) et Hans Ulrich Gumbrecht (1978) donnent un nouveau souffle à cet auteur jusque-là négligé. Le premier a réévalué le chef naturaliste dans le cadre de sa réhabilitation de la littérature populaire, le second en proposant une lecture historique des Rougon- Macquart inspirée du Foucault des Mots et des choses. À cette époque, Foucault permettait en RFA d’échapper à l’immanence structuraliste et d’aborder l’œuvre historique sous un angle historique et épistémologique qui n’était pas marxiste. Plus tard, Rainer Warning, disciple de Jauß comme le furent Neuschäfer et Gumbrecht, poursuivit cette lecture foucaldienne de Zola et nous retrouvons un certain nombre de ses disciples dans ce volume. 3 Mais le volume n’est pas consacré à Zola auquel sont dédiés tout de même explicitement trois articles sur quinze. À la pensée foucaldienne (élargie par rapport à Gumbrecht) viennent de surcroît s’ajouter l’approche intermédiatique et l’approche genrée. Ainsi, les lectures sont littéraires mais aussi historiques, épistémologiques et politiques. C’est en effet en croisant les angles théoriques que peut se renouveler le regard sur la fin du XIX e siècle. L’introduction offre d’ores et déjà un exemple de ce nouveau regard. S. Leopold rapproche la littérature décadente et naturaliste dans leur répugnance de la féminité qu’il lit comme le symptôme d’une société qui a perdu sa figure paternelle (14) - expliquant ainsi l’illustration retenue pour la couverture (La Tentation de saint Antoine de Rops, 1878). Les contributions sont organisées en quatre grands ensembles. Le premier intitulé „Discours, perception, pratiques corporelles“ se penche par deux fois sur Zola, Eva Siebenborn pour étudier des métaphores de „combustion vitaliste“ dans deux 2 Aurélie Barjonet, „Zola, die Wissenschaft und die deutsche Literaturwissenschaft“, in: Thomas Klinkert, Monika Neuhofer (ed.), Literatur, Wissenschaft und Wissen seit der Epochenschwelle um 1800. Theorie - Epistemologie - komparatistische Fallstudien, Berlin/ New York, De Gruyter, 2008, 191-216. 3 Les récents ouvrages allemands d’inspiration foucaldienne et qui se penchent sur le réalisme-naturalisme et la science sont ceux d’Elke Kaiser (Wissen und Erzählen bei Zola: Wirklichkeitsmodellierung in den „Rougon-Macquart”, Tübingen, Narr, 1990), Thomas Stöber (Vitalistische Energetik und literarische Transgression im französischen Realismus-Naturalismus. Stendhal, Balzac, Flaubert, Zola, Tübingen, Narr, 2006). En Allemagne, le sujet a depuis quelques années le vent en poupe, avec ou sans Foucault: Marc Föcking, Pathologia litteralis. Erzählte Wissenschaft und wissenschaftliches Erzählen im französischen 19. Jahrhundert, Tübingen, Narr, 2002; Niklas Bender, Kampf der Paradigmen: Die Literatur zwischen Geschichte, Biologie und Medizin (Flaubert, Zola, Fontane), Heidelberg, Universitätsverlag Winter, 2009. 140 Comptes rendus Rougon-Macquart (La Bête humaine et Le Docteur Pascal) et un roman de Marcel Batilliat (ami de Zola, mais écrivain de la décadence); Katja Hettich pour étudier comment, dans La Curée, Zola qui - on aurait pu le rappeler - fut chef de la publicité chez Hachette, sait orienter les émotions de ses lecteurs. Ces romans sont bien connus et ont déjà fait l’objet d’un grand nombre de lectures, ce qui explique sûrement le choix d’Eva Siebenborn pour la comparaison. En les mettant en perspective avec Chair Mystique de Bartilliat, elle peut montrer que tandis que chez Zola, discours vitaliste et discours thermodynamique se mêlent pour exprimer des angoisses devant la nouveauté technique et les mystères médicaux, Batilliat décrit positivement la tuberculose, la plaçant dans une lumière cosmique et salutaire. L’analyse de Katja Hettich vient après les travaux de Hans-Jörg Neuschäfer sur la littérature populaire. Les stratégies zoliennes sont subtilement analysées par le biais de la terminologie des études sur le cinéma et de celle de travaux actuels sur les émotions. C’est par ses résultats que cette étude s’inscrit pleinement dans le thème du volume puisque Katja Hettich montre que le „débordement des appétits“ ne caractérise pas seulement les personnages et l’époque des Rougon-Macquart, il fonctionne aussi positivement comme un „substrat vitaliste“ tout en occupant une fonction dramaturgique (81). Les deux autres contributions de cet ensemble sont consacrées à la „pathologisation“ de l’artiste et du cosmos dans Le Sanglot de la terre de Jules Laforgue (Susanne Goumegou) - c’est-à-dire à sa vision de l’époque sous le signe de l’atrophie et de l’hypertrophie - et à des représentations littéraires de danseuses entre 1890 et 1910 (Guy Ducrey). Dans cette étude rédigée en français - la seule du volume - Guy Ducrey distingue trois moments dans la représentation des danseuses: d’abord pleinement associées à la décadence, elles deviennent, par la référence à l’Antiquité grecque, l’„instrument d’un dépassement de la décadence“ (85) pour enfin, au début du XX e siècle, transformer „la danse en lieu de vie libre“ permettant de „congédier radicalement l’imagerie décadente de la chorégraphie“ (85). Initialement avatars de la prostituée, elles se rapprochent donc progressivement et positivement de la sportive. Le deuxième ensemble intitulé „Genre, épistémè et figures du dépassement“ contient encore trois études sur le réalisme-naturalisme (Judith Frömmer, Robert Folger sur Huysmans, Stephan Leopold). Les deux suivantes portent sur André Gide (Angela Oster) et Alfred Jarry (Kurt Hahn). Celles de J. Frömmer et de S. Leopold sont particulièrement ambitieuses car elles couvrent de longues périodes. La première suit l’évolution du mythe du Paradis chez Balzac, Zola et Huysmans en l’occurrence dans leurs descriptions florales. Il s’avère que „derrière les images de fertilité exubérante point [ ] toujours aussi la peur de la stérilité poétique et de la castration artistique. La biopolitique moderne est ainsi entremêlée à une biopoétique spécifique“ (ma traduction, 100). Si cette étude s’attarde sur les faiblesses de Zola (son scientisme est masculin [111], sa métaphore de la serre lourde [112], sa propre myopie unanimement reconnue [118] et son esthétique a bien du mal à dépasser l’ancienne vision de la fleur féminisée réduite à l’ornement [120sq.]), S. Leopold se consacre au Zola des cycles suivant celui 141 Comptes rendus des Rougon-Macquart, au Zola utopiste sur lequel la critique est très mitigée, tant sur le plan littéraire qu’idéologique. Son étude approfondie permet de définir précisément ce „fond idéologique au-dessus des partis qui favorisa le fascisme“, ainsi que le définissait Ulrich Schulz-Buschhaus en 1977. 4 S. Leopold se montre habile à montrer comment s’incarnent littérairement les idées politiques de Zola et les problèmes de l’époque dans Docteur Pascal et Les Quatre Evangiles, recourant à Foucault mais aussi à Bataille. Il reprend ou poursuit également certaines explications psychologisantes ou freudiennes, ainsi l’image du trou qui chez Zola ne serait pas seulement le surgissement de la mort angoissante dans son tableau vitaliste mais la signature d’une écriture consciente de ses lacunes en dépit de ses exigences totalitaires (143) ou le fétichisme naturaliste à l’endroit du sexe féminin (145sq.). Au trou féminin présent dans Les Rougon-Macquart, toujours négativement connoté, se substitueraient des „chronotopes de la surface“ (154) renvoyant à une souveraineté désirée sur le plan politique et auctorial. Le troisième ensemble appelé „Sacrifice, écriture, esquisses de salut“ rassemble des articles consacrés essentiellement au sacrifice présenté comme une nécessité face à l’idéologie fin-de-siècle dans les œuvres et la pensée de Léon Bloy et Paul Claudel (Xuan Jing), Paul Valéry, Paul Claudel, Georges Bataille (Karin Peters) et Maurice Barrès (Dietrich Scholler). La logique globale du volume émerge grâce à un quatrième ensemble consacré à des projets nés sous le signe de l’extrême, de la souveraineté et de la catastrophe. Linda Simonis se penche ainsi sur Charles Péguy, Reinhard Krüger sur Jarry, Apollinaire et Marinetti, Lars Schneider sur Le Corbusier et Jörg Dünne sur Céline. Cet ensemble déborde de l’analyse purement littéraire pour, conformément aux intérêts de Foucault, se pencher sur des aspects techniques et architecturaux. Ce volume d’actes est remarquable par sa cohérence. Il ‚régénère‘ notre vision du XIX e siècle, le projetant sur le XX e . Doté de nombreuses illustrations, cet ouvrage est aussi pourvu d’un précieux index. Aurélie Barjonet (Versailles) 4 „Werte und Ideen [von Zolas Messianismus] [ ] [weisen] frappante Analogien zu jenen Ideologemen [auf], welche die antibürgerliche, ‚sozialistische‘ Komponente des Faschismus ausmachen. Damit soll mitnichten gesagt werden, Zola sei nun als Faschist oder Präfaschist zu entlarven. Gegen solche Einseitigkeit stünden in der Tat einzelne Romane der Rougon-Macquart, allen voran Germinal, die Dreyfus-Kampagne und der Umstand, daß Zolas charakteristischer ‚Racismus‘ nicht eigentlich nationalistisch akzentuiert ist. Dennoch wirken die Analogien aufschlußreich, indem sie einen breiten, ganz und gar überparteilichen ideologischen Fundus sichtbar machen, der den Faschismus begünstigte und den jede ideologiegeschichtliche Beschreibung der faschistischen Epoche in Betracht ziehen müßte“ (Ulrich Schulz-Buschhaus, „Zola, Adorno und die Geschichte der nichtkanonisierten Literatur. Anmerkungen zu H.-J. Neuschäfers Populärromane im 19. Jahrhundert “, Archiv für das Studium der neueren Sprachen und Literaturen 214/ 1977, 376-388, ici 388).