eJournals lendemains 37/148

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Narr Verlag Tübingen
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2012
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La plus grande perte qui puisse frapper un homme: la perte de l’illusion. Louis Guilloux, Absent de Paris

2012
Arnaud Flici
ldm371480017
17 Dossier Arnaud Flici La plus grande perte qui puisse frapper un homme: la perte de l’illusion. Louis Guilloux, Absent de Paris Dans les colonnes du quotidien Ce Soir daté du 27 novembre 1937, le correspondant praguois du journal fit part d’un drame survenu deux jours auparavant, au cours des fêtes de la Saint-Nicolas. Un dénommé Paul Frenek, marchand de jouets de son état, venait de rentrer chez lui d’un pas incertain. Ne trouvant pas l’interrupteur de son appartement, il alluma la flamme de son briquet. Au moment de se coucher, tirant le rideau de son lit, il fit subitement face au visage sardonique et ricanant du Diable en personne. Terrifié, Paul Frenek se jetait alors du troisième étage de son immeuble en hurlant, sous le regard médusé de ses voisins. Quelques heures plus tôt, l’un de ses ouvriers venait de livrer une gigantesque effigie de Satan, si colossale que le magasin de Frenek ne put la contenir. Faute de pouvoir la laisser dans la rue, le sculpteur n’eut d’autre choix que de la monter au domicile de son patron absent. „L’image du Diable“, comme dit par le titre de l’article, fut donc la „cause de la mort d’un homme“. Soigneusement conservée et foliotée par Louis Guilloux, 1 parmi des centaines d’autres, la coupure de presse illustre peut-être autre chose qu’une attirance certaine de l’écrivain pour le morbide. Soucieux du réel, attentif à sa documentation, le journaliste qu’il avait été savait certes repérer les faits-divers pittoresques ou scabreux, dont la trace est trop évidente dans son œuvre pour qu’on y revienne. Pour autant, nous choisissons de voir dans cette coupure particulière un attrait pour le mécanisme à l’origine de l’événement: la mort provoquée par une image. Ce choix, pour être subjectif, est justifié par la volonté d’appeler l’attention sur la place des images dans les écrits de Louis Guilloux et, plus largement, dans sa démarche littéraire. Une telle enquête attend de plus amples développements, et ne pourra ici être esquissée qu’à grands traits. Il nous faut d’ailleurs constater en préalable que l’importance des images dans le fonds d’archives de Louis Guilloux n’a pour l’instant pas fait l’objet de l’attention qu’elle mérite. Le chercheur, faut-il le préciser, n’est pas en cause. L’iconographie conservée dans les archives littéraires des XIX e et XX e siècles implique la plupart du temps une manipulation si délicate qu’elle freine les impulsions, au-delà de la louable, mais restrictive, volonté d’illustration. La variété des documents constitue le premier et le plus important des écueils. Or, quel que soit le panel des supports et des fins envisageables, cet ensemble n’en signale pas moins par sa seule ampleur une volonté de s’entourer d’images qui ne doit pas être perçue comme allant de soi. Elle l’est d’autant moins 18 Dossier que les écrits même de Guilloux bruissent d’une multitude d’images. Aussi cette inclinaison pourrait-elle avoir été plus intense, et plus consciente qu’il n’y paraît. Prenons la peine d’en appeler à l’auteur, qui a directement questionné son rapport à l’image et au regard à plusieurs reprises. Ainsi dans un texte de 1952, 2 qui débute sur une tirade toute proustienne: J’ai longtemps cru que j’étais aveugle […] Quand je voulais me forcer à voir, m’appliquer à „décrire“ une maison, un champ, une rue, j’y prenais une peine inouïe pour un résultat généralement plat ou même piteux, et j’enviais les peintres, non seulement pour leur art, pour leur talent, mais pour la joie que je pensais être la leur, quand ils travaillaient, ou quand ils regardaient autour d’eux, tout simplement, en se promenant. Et Guilloux de nous proposer ensuite les clefs d’un rapport apaisé mais réfléchi aux „choses vues“, à travers l’exemple spécifique de la peinture. A Vienne, nous dit Guilloux, à Padoue ou Tolède, il cessait de croire: …que la peinture fut exclusivement un art des (ou pour) les yeux, c’est-à-dire un art réaliste, croyance ou préjugé qu’il m’était venu je ne savais pas d’où, dans la confusion initiale. Je cessai aussi de vouloir devenir savant, surtout en me forçant, et de chercher à montrer plus d’esprit que je n’en possédais dans les choses où j’étais sans droits, pêché que commettent facilement les jeunes gens. Ils ont l’ambition de tout connaître, ce qui est bien excusable; c’est seulement plus tard qu’on se rend compte qu’il faut aussi ignorer. Ou, du moins, qu’il faut aussi ignorer et se laisser faire et surprendre… Au cœur de cet éloge de l’ignorance volontaire, refus de l’explicitation savante de la création et critique de la réduction de l’image picturale au réel, d’aucuns pourrait saisir une influence malrucienne 3 marquant une étape dans le rapport de Guilloux à la création picturale. A ce stade de notre réflexion, l’information la plus remarquable réside toutefois dans l’approche autobiographique du cheminement résumé. Pour Guilloux, la construction d’un nouveau rapport à la perception se serait substituée à une frustration initiale englobant une période non précisée („longtemps“), mais dont on entrevoit la frontière, située quelque part après Le Sang noir (1935) et le début des années 1950, alors que Guilloux multiplie les voyages et les rencontres. Ancrée dans une incapacité matérielle, presque artisanale, à retranscrire ce qui est vu, cette frustration est accolée au plaisir supposé de la création. Sous des airs anodins, une telle dialectique éclaire en partie le rôle alloué à l’image par Guilloux: celui d’une innocence suspecte d’où peut jaillir l’angoisse. C’est pourquoi nous parlons des „images“ de Louis Guilloux, au risque de l’imprécision. Selon nous, le terme est idéal puisqu’il échappe à une définition de support, tout en imposant son essence aux images de toute nature. Cette essence réside dans l’inévitable tension croisée entre le réel et l’imaginaire, le vrai et le faux: même dans le cas d’un portrait, l’image d’un sujet est toujours la représentation d’un sujet, et jamais le sujet lui-même. Cette première évidence doit être historiquement replacée dans le questionnement du réel qui fut justement la grande affaire des années d’entre-deux-guerres, lesquelles virent Louis Guilloux basculer 19 Dossier sans rupture du statut de journaliste à celui de romancier confirmé. Rappelons qu’en France, un point d’orgue fut atteint au début des années 1930 sur fond de „querelle du réalisme“, alors que des penseurs et des artistes du calibre d’André Malraux ou Edouard Goerg s’affrontaient en public ou par écrits interposés. 4 Il n’est pas inutile de préciser à quel point ces débats embrassaient des univers bien plus vastes qu’une littérature qui, dans ce combat pour ou contre la retranscription „sociale“ du réel, faisait face depuis deux décennies à de bien envahissants voisins. Après 1919 et en moins de quinze ans, le poids des créations et productions d’images allait atteindre une ampleur jamais effleurée, sous l’égide fondamentale des nouvelles techniques photographiques et de la presse écrite, mais aussi et bien sûr du cinéma, muet puis parlant, en noir et blanc puis en couleur. L’appel au réel scandé ou négocié par les ténors du temps, d’abord et pour la plupart écrivains, ne peut plus guère être envisagé en dehors de l’affirmation de ces puissants outils. L’autre corollaire de cette dialectique entre image et réalité, est que la première signale toujours une absence. L’image délimite un vide. En littérature, elle autorise ainsi à modeler le temps par l’ellipse, offrant à l’auteur la possibilité de contourner ou de maîtriser l’intrusion directe du fantastique (un portrait plutôt qu’un revenant); elle permet également de contracter la prose en évitant les digressions trop explicites. De telles banalités n’auraient là encore pas lieu d’être si elles ne dessinaient pas quelque peu l’usage des images mises en scène par Louis Guilloux. En quête permanente de la concision, ce dernier semble bien, comme nous le verrons, avoir été réceptif à l’arrière-plan spectral dans lequel le mot prend racine. 5 Ombres mouvantes Louis Guilloux est pour ainsi dire né avec le cinéma. Il n’est donc pas surprenant que son amitié avec les images fasse apparaître une connivence dont on est en droit d’attendre quelque matière. Dans les brouillons de ses mémoires, Guilloux décrit la fascination qu’il éprouvait pour un cinéma nomade et balbutiant, qui avant 1914 illuminait la place de la Grille, à Saint-Brieuc. Par les mots d’un mendiant, Guilloux fait ainsi résonner cette: … grande invention [du cinéma] qui allait révolutionner le monde et servir au rapprochement des peuples.6 L’ironie désabusée sous-jacente à ce souvenir, traversée par des décennies de propagande („Le cinéma est le plus efficace outil pour l’agitation des masses. Notre seul problème, c’est de savoir tenir cet outil bien en main“, Staline, 1924) 7 et par l’ombre portée du Cuirassé Potemkine (1925), ne doit pas atténuer l’amitié de Guilloux pour cet art alors naissant. Immergée dans une ombre sculptée par une unique source lumineuse, l’expérience collective des premiers temps du cinéma faisait de l’écran une surface au-delà de laquelle „quelque chose“ continuait de vi- 20 Dossier vre. L’impact de ce dispositif sur les spectateurs attentifs et concernés fut bien plus conséquent que ce qu’il est parfois admis. 8 Les archives de Louis Guilloux permettent en ce sens la lecture d’une séquence éclairante, dont on retrouve la trace dans plusieurs projets, mais n’ayant abouti au final à aucune publication in extenso. Ici, la version retenue était initialement associé aux brouillons du neuvième chapitre du Jeu de patience et à sa mordante „chronique du temps passé“, dans laquelle Guilloux décrit le spectacle d’une bourgeoisie en goguette. 9 Qu’il n’ait pas voulu y intégrer en l’état cette ode au cinéma est peut-être, en creux, le plus beau des hommages: 10 C’était à proprement parler incroyable. Comment se faisait-il qu’on put voir apparaître sur une toile blanche ce beau grand paysage toulousain et cette haute voiture chargée de paille au bout de laquelle étaient couchés les faucheurs et les faucheuses, rentrant à la ferme le soir tombant? Monsieur Dorval, le fils du propriétaire, se tenait debout tout au fond de la salle, au dernier rang des gradins, tout près de ce petit trou lumineux d’où partait le faisceau doré qui se transformait sur la toile en images mouvantes, derrière lequel on entendait ronronner le mystérieux appareil. D’une belle voix claire et forte, il expliquait et commandait les images. On sentait qu’il prenait plaisir à ce qu’il faisait, qu’il approuvait en lui-même l’importance de la beauté de la grande découverte, dont il s’était fait le serviteur et le prophète […] Sur l’écran apparut un dragon sans [illisible], vrai dragon d’opéra comique, l’air dolent, la main sur le cœur, la bouche démesurément ouverte. Comble de merveille, le dragon se mit à chanter…11 Certaines des premières chroniques journalistiques de Guilloux, datées des années 1920, pointent une connaissance de l’image animée qui dépassait vraisemblablement la simple commande. La maîtrise des questions techniques, et les focales sur les productions de la République de Weimar ou d’un Hollywood en pleine expansion attestent en tout cas d’un regard précocement avisé sur la mise en œuvre des procédés de narration, autant que sur la construction des images elles-mêmes. 12 Dans certains de ces textes, l’évidence du cinéma comme acteur de la vie sociale y est patente, incluant des remarques sur les retards français en termes de formation. De la persistance ultérieure de ce regard, des traces subsistent dans les archives, par exemple la copie d’un article de Gilbert Cohen-Séat intitulé Le cinéma et le droit de participer à la vie culturelle. 13 Il est également significatif à cet égard que l’un des derniers projets de Guilloux fut l’adaptation télévisuelle (inaboutie sous ce scénario) du Sang noir. Via une série de notes répondant au synopsis du réalisateur Pierre Desfons, Guilloux se montre attentif à la plasticité des éléments mis en œuvre. Les indications stylistiques de Desfons sont sans équivoque quant au rendu final attendu qui se doit de tendre vers un „réalisme“ d’autant plus important que l’on doit parfois basculer „dans le domaine du cauchemar et du fantastique“. 14 Il n’est pas dans notre propos de replacer le cinéma au sein de la notion de culture telle qu’elle fut travaillée par Louis Guilloux. C’est une question esthétique, presque plastique, qui s’impose à nous: est-il envisageable que la fréquentation des films du premier tiers du XX e siècle (et peut-être au-delà) soit restée sans suite 21 Dossier dans les romans et nouvelles de Louis Guilloux? La rareté jusqu’ici réelle des mentions explicites repérées dans les archives de l’écrivain n’est pas intangible; 15 elle ne doit pas constituer l’obstacle principal. Tout du moins s’agit-il d’accepter que l’apport spécifique de la narration cinématographique, fondée sur la puissance du binôme „apparition/ disparition“, a pu se frayer un chemin à travers une partie au moins de la littérature de la première moitié du XX e siècle. 16 Au vu de ce qui a été rappelé plus haut sur le goût de l’auteur, une lecture de l’œuvre de Guilloux sous cet angle n’aurait donc rien de grotesque. Les débats méthodologiques sur les rapports d’influence complexes entre cinéma et littérature démontrent en outre l’intérêt à toujours reconstituer l’environnement visuel d’un auteur, sur la base de l’actualité et de l’offre cinématographiques proposées en un lieu et un temps donnés. Autrement dit, faute de traces évidentes et en prenant en compte l’ampleur du sujet, 17 le „simple“ croisement des films exploités à Paris avec les séjours connus de Louis Guilloux pourrait s’avérer riche d’enseignements… Pour être recevable, cette intuition devrait être associée à l’exploration approfondie de l’environnement cinéphilique de Guilloux, dont Philippe Baudorre a récemment rappelé l’épaisseur non négligeable. 18 Que cette dernière se soit rétractée à mesure que Guilloux se muait en romancier n’est pas impossible. Il est douteux qu’elle se soit éteinte tout à fait. Avec toute la prudence nécessaire, nous pensons même que le regard de Guilloux sur le cinéma s’avançait au-delà des seuls aspects techniques et sociaux, et faisait cas de la dimension irrationnelle proposée par ces images en mouvement. Guilloux évoque une invention „étonnante et un peu diabolique“. 19 Derrière ce diable décidément bien utile, ne peut-on déceler quelque point commun avec les „démons“ de Lotte Henriette Eisner, dont L’Ecran démoniaque (1952) allait faire émerger la silhouette tapie dans les profondeurs de la société allemande? 20 L’avènement du cinématographe en Europe fut concomitant à celui de la psychiatrie et de la psychanalyse. Cette troublante proximité, souvent soulignée, s’appuie essentiellement sur les tendances discernées dans la production postérieure au conflit de 1914-1918: culpabilité, enfouissement et déflagration de l’identité individuelle, disparition et contorsion des repères collectifs sont orchestrées par des effets de mises en scène qui furent précocement considérés comme caractéristiques du cinéma „expressionniste“ et „post-expressionniste“, notoirement (mais pas seulement) de langue allemande, incluant dans le rapport au réel la flamme vacillante de l’inconscient et du subconscient. Né dans le même département que Théodule Ribot (1839-1916), 21 c’est pourtant par sa proximité avec le philosophe Georges Palante (1862-1925) que Guilloux fut sensibilisé aux théories psychanalytiques, et ce dès la fin des années 1910. Depuis le début du siècle, Palante répercutait dans ses chroniques les avancées de la psychologie, puis de la psychanalyse. Grand lecteur des textes d’Arthur Schopenhauer, le germaniste qu’il était s’intéressait de près à la question des mécanismes de représentation et de perception, proposant par exemple à ses élèves du lycée de Saint-Brieuc des chapitres entiers consacrés à la question spécifique de l’image, de la mémoire et de la persistance visuelle, y compris chez l’en- 22 Dossier fant. 22 Les effets de la psychanalyse sur certains textes de Louis Guilloux, très tôt pressentis et désormais en grand partie circonscris, 23 auraient donc aussi vocation à être abordés sous l’angle des rôles et fonctions de l’image tels qu’ils furent travaillés par Sigmund Freud, mais aussi par Carl-Gustav Jung. Non pas seulement l’image mentale, sur laquelle il y aurait tant à (re)dire chez Guilloux (voir l’importance des visions et des rêves dans les Carnets) mais aussi l’image comme production plastique. Vectrice par le biais symbolique des pulsions humaines, l’image est, chez Jung, une clef de lecture d’une forme de subconscient. Une clef qui, à l’instar du rêve et contrairement à la vision freudienne, dévoile plutôt qu’elle ne masque. 24 Partant, il n’est pas impossible que l’importance spécifique accordée à l’image au sein des travaux du savant suisse puisse avoir trouvé quelque écho chez Louis Guilloux. L’écrivain disposait en effet dans sa bibliothèque de la première traduction française des Métamorphoses et symboles de la libido, publiée chez Montaigne en 1927. 25 La date n’est pas anodine. Elle atteste que Guilloux était peut-être passé outre les avis mitigés de son mentor Georges Palante, décédé deux ans plus tôt, qui n’avait pas cherché à décrypter plus avant des théories jungiennes qu’il jugeait occultes. 26 De surcroît, le premier traducteur français de Jung, Yves Le Lay, était lui-même originaire de Saint-Brieuc, militant de la fédération socialiste et professeur de philosophie à Lannion. 27 C’est à cette première et essentielle lumière, si l’on peut dire, qu’il faut peut-être analyser et relire la place que Guilloux confère aux images. Au milieu des ombres glissantes du cinéma muet, entre Friedrich W. Murnau et Alfred Hitchcock, l’auteur dégage une place pour l’inconscient et le refoulé: Un instant plus tard, Amédée était dehors et passait, ombre chinoise, devant les persiennes de Cripure. Fort bien. Tranquille pour une heure sur ce divan. N’était-ce pas là qu’il était le mieux pour souffrir? 28 Les morts parlent Chez Guilloux, donc, l’apparition de l’image permet de faire résonner la violence de l’étreinte entre le vrai et le faux, le plaisir et la souffrance. Selon un procédé qui reste en grande partie à observer, nous remarquons que l’intrusion du passé provoque fréquemment l’irruption d’une image. Extirpée du Sang noir, la scène suivante fait ainsi apparaître un fils dénommé Amédée face à son père biologique, Cripure . Devant cet enfant issu d’une seconde couche, „vivante illustration d’un destin dérisoire“, 29 le père oriente sa mémoire vers son premier amour disparu, Toinette, dont il conserve le portrait photographique: Cette image unique sur les murs de la maison […] c’était un agrandissement que Cripure avait fait faire depuis d’après une photo d’amateur retrouvée dans son portefeuille, la seule qu’il possédât de Toinette. Les autres, celles du mariage, toutes les nombreuses photos faites dans la première année, il avait fallu les abandonner avec 23 Dossier les papiers, les livres, les souvenirs et le reste. Il n’avait dû qu’à l’habitude prise depuis les fiançailles de ne jamais se séparer d’une photo de Toinette comme un collégien de sauver au moins du désastre cette petite image d’un sourire.30 On ne peut guère aller plus loin que Yannick Pelletier ou Christian Donadille dans l’analyse de ce chapitre, partition discrète mais majeure sur l’illusion et le temps. 31 Nous soulignons la pertinence de l’utilisation par Guilloux des données techniques (agrandissement, effacement) et des usages sociaux (l’image au plus près du corps) propres à l’image photographique. De fait, ce portrait est une photographie de photographie, prise par un tiers „amateur“. En tant qu’image, sa substance est donc plus ténue encore que l’ombre intériorisée du souvenir. Elle n’est plus que la trace de l’ombre, à deux doigts de l’effacement, et que Cripure en fasse une icône trônant au mur n’y change rien. En croyant masquer l’identité réelle de Toinette à sa seconde épouse, Maïa, le personnage accentue encore la disparition de la première, mu par un vice d’autant plus pathétique qu’il est vain: Maïa la bien-nommée, incarnation de l’illusion schopenhauerienne, connait comme il se doit la vérité. En complément implicite de l’artefact littéraire (le portrait) la matière plastique des images participe en conséquence à l’orchestration narrative de l’écrivain, ici la mise en scène symbolique de la déliquescence de Cripure. Souvent pathétique, l’arme que constitue l’image se fait parfois violence pure, dépassant les profondeurs dans lesquelles Guilloux les confine. Le cadre se brise lorsque l’injustice se fait criante. Tel est le cas de la condamnation du soldat Le Bihan dans la nouvelle Douze balles montées en breloque (1936). Blessé à la main par un tir allemand, incapable de s’exprimer en français, le militaire est accusé de s’être volontairement mutilé, 32 et fusillé en 1917, avant d’être réhabilité. Le récit met en scène la quête de sa fille Jeanne contre l’oubli organisé: Un grand portrait de Le Bihan était suspendu au mur de la salle à manger. C’était un agrandissement qu’il avait fait „tirer“ en hâte, au dépôt, avant de partir33 Nul besoin d’envisager l’humour noir sous-jacent à cette phrase („bihan“, en breton, signifie „petit“, comme le savait sans aucun doute Louis Guilloux). A l’obsession du temps soulignée par C. Donadille, il faut donc associer l’obsession du format et de la distance. Dans les dernières phrases du texte, Guilloux fait littéralement exploser le portrait du soldat aux visages des protagonistes, mettant un terme à leur piteuse tentative d’enfouissement. Tel un peintre de la Renaissance, Guilloux place les éléments d’une dramatique mise en abyme. Le cadre du portrait de Le Bihan traverse cet autre cadre symbolique qu’est la fenêtre, déchirant la fausse image de concorde en passe d’être exposée et retenue par l’Histoire: Elle apparut dans cette fenêtre toute droite et incompréhensible aux dîneurs qui tournèrent tous la tête de son côté sur un cri que poussa la veuve. Elle était assise entre le député et le préfet, sa petite boîte à breloque posée devant elle. A la vue de Jeanne, elle se cacha les yeux dans son bras. Et pourtant, ce n’était point elle particulièrement que visait Jeanne. Elle n’avait l’intention d’atteindre ni sa mère ni personne en particu- 24 Dossier lier: elle voulait les atteindre tous et le paquet qu’elle jeta de toutes ses forces au milieu de l’assemblée était destiné à tous. Les convives ne poussèrent qu’un cri. A quoi crurent-ils? Le portrait de Le Bihan tomba sur des bouteilles qui se brisèrent à grand fracas…34 Répétons-le, l’utilisation narrative du procédé photographique par Guilloux, aussi bien dans l’oeuvre romanesque que dans les essais ou les mémoires, attend bien sûr une comparaison exhaustive, engagée sur des périodes plus significatives. A l’instar du cinéma, la densité et le dynamisme de l’arrière-plan social et culturel de la photographie ne doivent pas être pris à la légère. Entre l’arrivée du jeune Breton à Paris et le début de la seconde guerre mondiale, l’image photographique se sera imposée dans la presque totalité de la presse française. Pendant les années 1930, surtout, la commercialisation de nouveaux procédés permettant la transcription de la couleur en ombre et en mouvement (Kodachrome en 1935, Agfacolor en 1936) allait entrer en concurrence avec le noir et blanc, tandis que la mise sur le marché d’appareils de prise de vue plus maniables, comme le Leica (1925), faisait émerger un nouveau rapport au réel centré „sur le vif“. Guilloux n’ignorait rien de tout cela. Il est alors intéressant de noter que sa photographie, telle que convoquée dans les textes des années 1930, est d’abord celle des disparus, figés dans une posture officielle. La recherche de la crédibilité historique y est notoire. Il n’en reste pas moins que l’image photographique est ici et d’abord le vecteur par lequel les morts interagissent avec le présent, et non pas uniquement la trace ou l’indice qui permettrait l’amorce ou le dénouement d’une intrigue. En cela, l’usage de Guilloux évoque plutôt l’emprise d’une photographie spirite déjà ancienne, mais dont la recrudescence après 1919 fit apparaître sur l’Europe et les Etats-Unis des myriades d’esprits spectraux, victimes directes ou collatérales des affres de la guerre. 35 En incarnant de même le visage d’un paria à travers le crible officiel, Guilloux fait état de sa compréhension des enjeux de la manipulation par le cliché: occulté par la propagande bien après 1917, c’est au cœur d’un texte des années 1930 que s’impose de force le visage photographié du mutin condamné à tort, ou refusant de prendre les armes. 36 Partout, les bruits de bottes résonnent. D’Espagne, des milliers de clichés déferlent dans la presse internationale et s’échafaudent dans de puissants photomontages, provoquant de nouvelles et lancinantes controverses sur l’authenticité de l’horreur 37 … Au milieu de ce fracas, Louis Guilloux asservit l’essence hiératique du portrait pour faire parler les morts. Libérant les fantômes, ouvrant une brèche dans la parole officielle et les nondits intimes, l’image menace. Images et séduction Ce danger n’est pas confiné à l’œuvre romanesque. Il s’immisce dans les images, à première vue plus inoffensives, que sont les estampes populaires ou les illustrés 25 Dossier du début du siècle. Dans les mémoires qui deviendront L’Herbe d’oubli, où Guilloux nous explique d’ailleurs qu’il aurait aimé apprendre à dessiner, 38 l’auteur encadre les cheminements initiatiques de l’enfance par des scènes subtilement peuplées d’images. La nature polymorphe de celles-ci illustre le glissement de la prime jeunesse vers les premiers émois amoureux, pour enfin nous emmener vers des troubles plus profonds. Ici, Guilloux nous arrête devant la boutique de Madame Gallais, la mère de son camarade Henri. Les deux sœurs de ce dernier, Hélène et Henriette, ne laissent pas Louis indifférent. Ce n’était plus pour moi qu’amusement de petit garçon, et je serais mort de honte plutôt que d’aller demander à Henriette ou à Hélène de sortir de leur armoire le beau carton qui contenait les planches de soldats. Je n’aurais plus eu de prétexte pour entrer dans le magasin que si mon père ne m’y avait envoyé pour acheter L’Humanité et de temps en temps, quand j’étais riche de deux sous L’Intrépide ou L’Epatant, ou d’autres livraisons qui publiaient les aventures des Pieds Nickelés ou celles de Nat Pinkerson et surtout de Nick Carter.39 Profitant de l’aide demandée par Henri, incapable de rédiger „la description d’une maison de campagne“, Louis se charge de trouver les mots attendus. Emu par la sœur de son camarade, Hélène, il se fait peintre plutôt que poète, donnant un certain écho au texte de 1952 présenté plus haut: Retrouvant un peu de voix, naquit une ravissante petite maison de campagne. Qu’elle était belle et bien proportionnée, proprette, avec son toit de tuiles rouges, ses murs blancs et ses volets verts ! Je tenais beaucoup aux volets verts. Ah ! J’allais oublier la cheminée, d’où s’élevait une fumée tranquille. La jolie demeure ! […] Un vrai chefd’œuvre, une image parfaite d’une petite maison modeste faite pour la retraite des grands-parents et le bonheur des enfants en vacances.40 Pourtant, cet afflux iconique se désagrège et se déplace sous l’écorce d’une vérité tragique. En l’occurrence, celle d’une famille orpheline de père, soutenue par une mère alsacienne chassée par les „Prussiens“. Soulignant le sentiment d’injustice par lui ressenti, Guilloux clôt son souvenir dans un laïus (non repris dans l’édition définitive): … et je n’osais plus m’attarder comme autrefois à contempler les images dans la vitrine. Elles étaient pourtant bien radieuses sous la lumière ! Mais de quoi aurais-je eu l’air? C’était ailleurs, comme en me cachant, que j’allais acheter l’Intrépide, l’Epatant, Nat Pinkerton.41 Les variantes de ce paragraphe démontrent que Louis Guilloux cherchait à atténuer l’effet de chatoiement qui semblait s’imposer au début du chapitre, annihilant la corrélation entre l’attrait ressenti pour les images et celui suggéré pour la beauté d’Hélène. Conformément à une certaine pudeur souvent constatée chez l’écrivain, 42 plusieurs termes seront simplement éliminés: …, et je n’osais plus m’attarder comme autrefois à contempler les belles images étalées dans la vitrine. Elles étaient pourtant bien attirantes sous la lumière.43 26 Dossier Artifice de la séduction, l’image dévoile une forme de culpabilité enfouie dans les profondeurs de l’enfance. Cette ambivalence est plusieurs fois questionnée à distance par Louis Guilloux, désireux de partager la fascination qu’il portait à l’origine des images, qui dans sa „petite enfance ornaient les murs de nos mansardes“. 44 Dans ce processus de réminiscence, l’image vue par l’enfant devient la clef du souvenir ouvrant vers la quête du lignage: Au-dessus de la porte de cette pièce, l’un des premiers soins de mon père fut d’accrocher une grande image représentant un cavalier parcourant un champ de bataille après la victoire. Cette image me terrorisait, en même temps qu’elle m’inspirait plus que de l’admiration pour M. Augustin Hamon qui en avait fait cadeau à mon père, comme à de nombreux autres militants. Je devais apprendre plus tard qu’il s’agissait là d’une affiche publicitaire pour son grand ouvrage La Psychologie du militaire professionnel…45 Guilloux avait déjà mis en scène cette image, dans le cadre romancé du Jeu de patience (1949): J’ai toujours eu, dans mon bureau, une grande affiche que j’ai fait encadrer. Ce n’est pas à proprement parler une œuvre d’art, et le sujet en est sinistre ! C’est une grande image en couleurs, on y voit un cavalier de très haute taille, qui ne peut être moins qu’un général. De ses quatre sabots, le grand cheval piétine tranquillement un champ de bataille où les morts et les blessés sont des femmes et des enfants... Le général ne voit rien. Il n’entend rien… Il regarde au loin des lueurs d’incendie.46 L’analyse symbolique sur la guerre, magistralement déconstruite ailleurs, 47 compte moins ici que le glissement du motif entre l’intime et le roman. De ce point de vue, les images extraites des souvenirs d’enfance appartiennent au chaudron de la matière familiale, que Guilloux remplit et sollicite à l’envi. Comme toutes les images, elles signalent des passages, et sont à cet égard proches de l’écran du cinéma, ouvrant vers „quelque chose“. Mais ce „quelque chose“ est discernable. Il est un „ailleurs“ géographique, historique ou social, ou les trois à la fois. Il est souvent un personnage (Augustin Hamon) 48 lui-même symbole d’autre chose (la lutte des classes, le socialisme). Le rôle de l’image consiste alors à contractualiser les liens entre les êtres, les symboles, et les souvenirs. D’une ombre à l’autre Les souvenirs, justement, permettent d’aborder en négatif une troisième catégorie d’images. Nous évoquons en l’occurrence les œuvres des grands maîtres de la peinture européenne moderne. Tout en jouant un rôle sensiblement similaire aux précédentes, ces images diffèrent quelque peu en ce qu’elles se situent par essence dans un passé lointain, en amont de la frontière du souvenir. Cette émergence de l’histoire ancienne est, dans l’œuvre de Louis Guilloux, assez rare pour être remarquée même si en définitive les œuvres prestigieuses sont d’abord des images. C’est sous cette forme „atténuée“, dans les pages d’un livre, que Louis 27 Dossier Guilloux les convoque généralement, tel le Rembrandt de Dossier confidentiel (1930). Rien, en somme, qui ne corresponde à une volonté de cohérence et de réalisme dans la description d’un univers provincial alors assez peu prodigue en chefs d’œuvres de la peinture. Guilloux en personne n’allait fréquenter les grands musées et les expositions qu’à partir des années 1920, autant par le biais de sa carte de presse que par un goût personnel qu’il est difficile de saisir avec précision. De toute évidence, l’apport de son épouse Renée dans cette sensibilisation à une certaine histoire des arts fut conséquent, ne serait-ce qu’en matière de documentation et d’iconographie biblique. 49 Le débat religieux apparaît justement dans le quatrième chapitre de Dossier confidentiel, Louis Guilloux installant l’image d’un tableau de Rembrandt (La descente de croix) au cœur d’un débat sur le sens du sacrifice. La séduction immanente à l’image est d’ailleurs annoncée bien avant la rencontre avec le peintre hollandais: Les images exerçaient sur moi une séduction si forte, qu’elles suffisaient à tout.50 Entre le jeune narrateur et son oncle, rencontre avec Rembrandt s’installe progressivement, par un palier mettant à nu l’enseignement académique („De quoi te parle-t-on au lycée? “), la philosophie moraliste („Pascal, dis-je, Montaigne“) pour arriver à l’essentiel: Et te montre-t-on des images? Suit alors la présentation codifiée de l’image du tableau de Rembrandt, et le commentaire sur l’un des personnages, autorisant une digression importante sur la valeur marchande de l’Homme. Toujours, donc, la rencontre avec l’image provoque une transformation symbolique. Mais pourquoi Rembrandt? Au nom de quelle évidence faut-il observer cet artiste dans les écrits de cette période? A quelle œuvre exacte Guilloux fait-il référence: le tableau de l’Ermitage? Celui de la Pinacothèque de Munich? Faut-il envisager les expositions et publications consacrées à Rembrandt au cours des années 1910-1930? Oui, sans aucun doute, à l’instar de ce qu’il est nécessaire de rechercher pour le cinéma. On y découvrirait par exemple un essai daté de 1916 signé de Georg Simmel (1858-1918), où le philosophe allemand installe Rembrandt dans la chaise de premier peintre d’une modernité tendue vers le dépassement, nourrie notamment par une circulation du capital 51 . Simmel cherchait à analyser les forces en œuvre dans le monde moderne, et s’interrogeait sur la position déterminante du milieu urbain dans ce mouvement, ce qui constitue l’un des arrièreplans du roman de Louis Guilloux. Etant donné la connaissance qu’avait Georges Palante des écrits du sociologue allemand, il se pourrait que le premier se soit insidieusement imposé chez Guilloux jusque dans le choix des peintres! L’ombre de Georges Palante, encore. Rien n’est moins sûr, reconnaissons-le, et les tâtonnements littéraires sur l’ombre et le clair-obscur (Yannick Pelletier parle de „sculpteur d’ombre“) 52 ont pu 28 Dossier naturellement suffire à orienter l’écrivain vers le maître incontesté en la matière, dont les contrastes et les contre-jours avaient pour vocation de révéler une violence masquée. On ne s’étonnera pas au premier abord de retrouver chez Guilloux, quelques mois plus tard (dans la nouvelle Feux Follets) le pendant de Rembrandt au siècle suivant, à savoir Goya. Mais l’ombre du peintre espagnol n’est pas celle du mystère flamand. Elle est même, d’un certain point de vue, à l’opposé. Son obscurité est celle de la dénonciation du „vice, des préjugés, des abus, des sottises“, celle d’un combattant des Lumières faisant face aux ténèbres et à l’ignorance. 53 Toutes choses que Guilloux clame de concert avec son triste héros Lucien, fatigué de tout, des gens de lettres et de ceux qui les soignent: Il prétendait qu’ils étaient tous plus ignares les uns que les autres, grossiers et pédants, et Louise avait dû lutter pour l’empêcher de suspendre à la tête de son lit de malade un dessin de Goya, figurant un âne en train d’ausculter un moribond, en se demandant de quelle maladie il va le faire mourir. Ce magnifique dessin, Lucien ne pouvait le regarder sans rire, mais ses rires s’achevaient par des quintes de toux qui le laissaient abattu.54 C’est un saisissant mouvement. Guilloux, s’extirpant d’une mystique religieuse qu’il ne maîtrisait plus 55 , quitte Rembrandt et embrasse le Goya des sombres Caprices, prisme fantastique d’un monde dont il s’agit de scruter la réalité la plus sordide. Peut-on parler de hasard? Où n’est-il pas temps de relire l’œuvre de Louis Guilloux pour ce qu’elle est aussi: un grand livre d’images. 1 Archives Louis Guilloux LGPP 05.02.04 (f. 7). 2 „Avantage de l’ignorance“, Verve, n°7, déc. 1952, 135-139. 3 L’essai matriciel d’André Malraux, Saturne. Essai sur Goya, est publié deux ans plus tôt chez Gallimard, 1950 dans la collection «La Galerie de la Pléiade». 4 Laurent Gerverau, Les images qui mentent. Histoire du visuel au XX e siècle, Paris, Le Seuil, 2000, 135-137. 5 Accusatif du latin „imago“: „représentation, portrait, fantôme, apparence par opposition à la réalité“ in Alain Rey (éd.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1992. 6 Archives Louis Guilloux LGO HO 02.02.08 (f. 24). Ce chapitre ne sera pas repris dans l’édition posthume de L’Herbe d’oubli (1984). 7 Laurent Gerverau, op. cit., 135. 8 Max Milner, L’envers du visible. Essai sur l’ombre, Paris, Le Seuil, 2005, 403. 9 Le Jeu de patience, Paris, Gallimard, 1949, tome 1, 277-286. Par exemple 285: „On se couchait bienheureux, harassé de plaisir et songeant déjà à la prochaine occasion qu’on aurait de s’en donner encore: ce serait pour la fête d’aviation à moins qu’il n’y eût entre temps quelque fête de quartier avec reconstitution historique“ 10 Le cinéma est néanmoins présent dans le roman, mais sous une forme désacralisée: „Lucien Boursier? Il s’occupe de cinéma. Il écrit des scénarios. Il m’a dit… qu’il avait perdu beaucoup de temps dans la politique…“, ibid., 222. 29 Dossier 11 Archives Louis Guilloux LGO JdP 10.01.05 (ff. 18-32). 12 Bérénice Dartevelle a mis en évidence les essais „d’écriture-cinéma“ de Guilloux, in M. Touret et M. Fédéric (dir.), L’atelier de Louis Guilloux, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010, 359. 13 Archives Louis Guilloux LGPP 06.01.15. 14 Archives Louis Guilloux LGO SN 11.05bis (f. 62). Le projet s’est déployé sur la fin des années 1970. 15 Dans sa thèse, Sylvie Golvet fait apparaître quelques occurrences qui attendent d’être inventoriées au-delà de 1935. Voir par exemple la mention du film A l’Ouest rien de nouveau; in Louis Guilloux, l’ambition du romancier. De la Maison du peuple au Sang noir, thèse pour le doctorat en littérature française, Université de Rennes 2 Haute-Bretagne, 2008, 344. 16 Max Milner, op. cit., 423. 17 Mais qui conserve les traces d’une séance de cinéma? Jusqu’à une époque récente, les tickets de cinéma ne mentionnaient d’ailleurs pas le film projeté. 18 „Les textes de presse de Louis Guilloux, du texte à l’hypertexte…“, in L’atelier de Louis Guilloux, op. cit., 312. 19 Voir note 5. 20 Notons au passage que Lotte H. Eisner, fuyant les élections allemandes de 1933, fut accueillie dans les colonnes de l’ancien journal de L. Guilloux, L’Intransigeant. Remarquons de même que l’édition définitive de L’Ecran démoniaque (1965) fut conçue, présentée et diffusée à quelques pas du domicile parisien de Guilloux. La sulfureuse maison et librairie „Le Terrain vague“, dirigée par Eric Losfeld, était située rue du Cherche-Midi, dans le 6ème arrondissement. Voir Laurent Manonni, „Lotte Eisner, historienne des démons allemands“, in Le Cinéma expressionniste allemand, splendeurs d’une collection, sous la direction de Bernard Benoliel, Marianne de Fleury et Laurent Mannoni, La Cinémathèque française-éditions de La Martinière, 2006. 21 Philosophe, présenté comme le père de la psychologie expérimentale en France. 22 Des cahiers de cours de philosophie de Palante datés des années 1902 et 1905 sont conservés dans le fonds Louis Guilloux sous les cotes LGO Pal. 23 Yannick Pelletier, Thèmes et symboles dans l’œuvre romanesque de Louis Guilloux, Paris, C. Klicksieck, 1979, 204-205; Sylvie Golvet, Louis Guilloux, devenir romancier, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010, 239-257. 24 Vivianne Thibaudier, „Jung et l’image“, in Imaginaire et inconscient, 5, 2002/ 1, 43-51. 25 Trad. de l’ouvrage édité en allemand en 1912. 26 Michel Onfray, Physiologie de Georges Palante, Paris, Grasset, 2002, 44. 27 Sur le profil de ce personnage dont l’influence locale et nationale est à rehausser, voir l’art. en ligne de Benoît Kermoal, „Ce n’est pas à moi que revient le mérite. Que viennent faire ici Freud et Jung? “, dans Enklask, Guerre, violences et socialisme (Bretagne, 1900- 1940), http: / / enklask.hypotheses.org/ 463. 28 Le Sang noir, in Philippe Roger (éd.), D’une guerre l’autre. Romans, récits, Paris, Gallimard, 2009, 234. 29 Ibidem, 233. 30 Ibid., 234-235. 31 Yannick Pelletier, op. cit., 206; Christian Donadille, Louis Guilloux, une écriture de l’ambiguïté, Thèse pour le doctorat de lettres modernes, Université de Lille III, Lille, A.N.R.T.,1994, 131-135. Sans doute pourrait-on ajouter que l’influence d’Edgard-Alan Poe (La Chute de la maison Usher) signalée par C. Donadille, gagnerait à être couplée à 30 Dossier celle de l’adaptation cinématographique de Jean Epstein (1897-1953), scénarisée par Luis Buñuel et porté avec succès sur les écrans en octobre 1928. 32 On se contentera de remarquer ce motif de la main meurtrie, en rappelant celle de Louis Guilloux. Cette main „ infirme qui lui a valu d’être réformé“, cf. Stéphanie Balembois, Ecrire en vain? Le questionnement éthique dans le Jeu de patience, „archi-roman“ de Louis Guilloux, Thèse pour le doctorat de littérature française, Université de Paris-Est, 2008, 16. 33 Douze balles montées en breloque, in Philippe Roger, op. cit., 627. 34 Ibid., 632. 35 Pierre Apraxime et Sophie Schmit, „La photographie et l’occulte“, in Le troisième œil. La photographie et l’occulte, Paris, Gallimard, 2004, 15. 36 Joëlle Beurier, „Voir ou ne pas voir la mort? Les grandes étapes d’une transformation de la vision“, in Voir, ne pas voir la guerre. Histoire des représentations photographiques de la guerre, Paris, B.D.I.C./ M.H.C., Somogy, 2001, 63-68 37 François Fontaine, „La guerre d’Espagne: une guerre d’images“, in Ibidem, 89-90; Laurent Gerverau, op. cit., 154. 38 L’Herbe d’oubli, in Philippe Roger, op. cit., 877. 39 Ibid., 918-219 40 Ibid., 920-921. 41 Voir par exemple Fonds Louis Guilloux LGO HO 03.01.07. 42 Yann Martin, „Le Pain des rêves: enfance vécue, enfance rêvée“, in M. Touret et M. Fédéric, op. cit., 226. 43 LGO HO 03.01.07. C’est nous qui soulignons. 44 L’Herbe d’oubli, in Philippe Roger, op. cit., 854. 45 Ibid., 880-881. 46 Le Jeu de patience, Paris, Gallimard, 1949, t. II, 14. 47 Yannick Pelletier, „Le cavalier de l’Apocalypse“, in Le Mal absolu. Actes du colloque Louis Guilloux et la guerre (4-6 nov. 1994), Ville de Saint-Brieuc, 1994, 85-95. 48 Augustin Hamon (1862-1945): homme de lettres, traducteur de G.-B. Shaw, journaliste et entrepreneur, anarchiste puis socialiste, il fut notamment responsable de la fédération des Côtes-du-Nord de la Section Française de l’Internationale Ouvrière à partir de 1907, au titre de laquelle il fut proche du père de Louis Guilloux, lui-même militant socialiste. Louis Guilloux fils fut „précepteur“ des filles d’Augustin et Henriette Hamon. 49 Plusieurs centaines de documents iconographiques en lien avec l’histoire des arts (estampes, photographies, coupures) rassemblés par Renée Guilloux sont conservés dans le fonds Louis Guilloux. 50 Dossier confidentiel, Paris, Grasset, 1930, 10. 51 Georg Simmel, Rembrandt, Paris, Circé, 1994, 90-91. L’ouvrage original Rembrandt, ein kunstphilosophischer Versuch, fut publié à Berlin en 1916. L’ouvrage La philosophie de l’argent, fut initialement publié en allemand en 1900, cf.: trad. de Sabine Cornille et Philippe Ivernel, Paris, Presses Universitaires de France (coll. Sociologies), 1987. 52 Yannick Pelletier, op. cit., 217-228 53 Max Milner, op. cit., 164. 54 Feux Follets, in Nouvel âge, mars 1931; repr. dans le recueil Vingt ans ma belle âge, Paris, Gallimard, 1999, 65. 55 Sylvie Golvet, op. cit., surtout 116-117.