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Narr Verlag Tübingen
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2013
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"L'admirable féerie": la notion de 'féerie' chez Marcel Proust

2013
Kirsten von Hagen
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33 DDossier Kirsten von Hagen „L’admirable féerie“: la notion de ‚féerie‘ chez Marcel Proust Comme l’a souligné Claude Vallée, la féerie et l’œuvre de Marcel Proust ne s’opposent pas, bien au contraire. Je vais ici me concentrer sur trois scènes dans lesquelles la féerie joue un rôle déterminant, afin d’analyser cette notion de féerie chez Proust. 1 Chez lui, la féerie se présente comme un genre à la croisée de différents médias, mais aussi comme une figure pour penser la modernité (comme je vais m’efforcer de le démontrer). La formule de Proust sur „l’admirable féerie“, laquelle me tient ici lieu de titre, figure dans la scène du téléphone, une scène souvent commentée car significative de l’esthétique et de la poésie proustiennes. Un autre épisode non moins important, celui du ‚Bal des têtes‘, nous permet d’accéder à une dimension supplémentaire de la féerie chez l’auteur. La féerie selon Françoise Les nouvelles technologies ne sont pas les seules à relever de la féerie chez Proust: l’art culinaire de Françoise y renvoie également. Il a souvent été souligné que Françoise et son talent de préparer les repas peuvent être déchiffrés comme une métaphore de l’art poétique du narrateur. Sa façon de préparer le fameux „bœuf mode“ ressemble au procès créatif de son art poétique, en ce qu’il implique la sélection minutieuse des ingrédients, leur assemblage et leur mélange. Ce personnage de Françoise, qui représente une des figures d’artiste de la Recherche, „commandant aux forces de la nature devenues ses aides“, est comparé avec les géants des féeries dans le premier tome de Du côté de chez Swann. Tandis qu’elle apparaît comme gigantesque dans cette scène, elle doit subir plusieurs transformations pendant la Recherche. Dans son art se cristallisent le sacré et le profane - comme dans tout grand art selon le narrateur: il est mystifié et démystifié. Françoise domine les ustensiles de cuisine, c’est elle qui en a la charge, comme les géants dans les féeries. La description minutieuse de cette scène se lit comme la didascalie d’une féerie: À cette heure où je descendais apprendre le menu, le dîner était déjà commencé, et Françoise, commandant aux forces de la nature devenues ses aides, comme dans les féeries où les géants se font engager comme cuisiniers, frappait la houille, donnait à la vapeur des pommes de terre à étuver et faisait finir à point par le feu les chefs-d’œuvre culinaires d’abord préparés dans des récipients de céramistes qui allaient des grandes cuves, marmites, chaudrons et poissonnières, aux terrines pour le gibier, moules à pâtisserie, et petits pots de crème en passant par une collection complète de casseroles de toutes dimensions. Je m’arrêtais à voir sur la table, où la fille de cuisine venait de les écosser, les petits pois alignés et nombrés comme des billes vertes dans un jeu; mais mon ravissement était de- 34 DDossier vant les asperges, trempées d’outre-mer et de rose et dont l’épi, finement pignoché de mauve et d’azur, se dégrade insensiblement jusqu’au pied - encore souillé pourtant du sol de leur plant - par des irisations qui ne sont pas de la terre. Il me semblait que ces nuances célestes trahissaient les délicieuses créatures qui s’étaient amusées à se métamorphoser en légumes et qui, à travers le déguisement de leur chair comestible et ferme, laissaient apercevoir en ces couleurs naissantes d’aurore, en ces ébauches d’arc-en-ciel, en cette extinction de soirs bleus, cette essence précieuse que je reconnaissais encore quand, toute la nuit qui suivait un dîner où j’en avais mangé, elles jouaient, dans leurs farces poétiques et grossières comme une féerie de Shakespeare, à changer mon pot de chambre en un vase de parfum (R I, 119). 2 La question de la métamorphose du quotidien est au cœur de ce paragraphe où les ustensiles se font acteurs. Une réalité triviale est transposée en réalité poétique, il s’agit donc d’une poétisation du réel. Proust avait déjà traité son esthétique d’une poétisation du réel dans son article „Chardin et Rembrandt“ dans lequel il écrit à propos de l’art de Chardin: La nature morte deviendra surtout la nature vivante. Comme la vie, elle aura toujours quelque chose de nouveau à vous dire, quelque prestige à faire luire, quelque mystère à révéler; la vie de tous les jours vous charmera [ ] pour avoir compris la vie de sa peinture vous aurez conquis la beauté de la vie. 3 L’asperge ne ressemble plus aux légumes ordinaires mais se transforme en un objet d’art qui fait penser aux chefs-d’œuvre des impressionnistes, notamment les deux tableaux d’Édouard Manet, La Botte d’Asperges (1880) et L’Asperge (1880), que Proust a pu voir dans la collection d’Ephrussi au printemps 1899. L’histoire de ce tableau est bien connue: Manet vend à Charles Ephrussi sa Botte d’asperges pour huit cents francs. Ephrussi lui ayant adressé la somme de mille francs, Manet décide de peindre un second tableau représentant une seule asperge, qu’il lui adressa avec ce petit mot: „Il en manquait une à votre botte.“ 4 Ces deux tableaux, comme d’autres ‚natures mortes‘ que Manet a composées dans les années 1880, sont souvent considérées comme la quintessence de sa peinture. C’est surtout le jeu des couleurs qui lie le peintre à la poésie de Proust. Dans le commentaire du musée d’Orsay qui détient ce chef-d’œuvre qu’est L’Asperge 5 on peut lire: „Ici, Manet joue avec une grande délicatesse des mauves et des gris de l’asperge avec la couleur du marbre sur lequel elle est posée. Il ne retient que le plaisir de peindre en toute liberté, prouvant dans l’ouvrage d’un instant sa prodigieuse habileté, son goût parfait, et son humour.“ 6 L’humour est aussi une composante essentielle de l’art de Marcel Proust, comme en témoigne par exemple le pot de chambre qui clôt ce paragraphe. Or, il y a une autre allusion à ces tableaux dans la Recherche. 7 Le peintre de la Recherche, Elstir, a lui aussi pris l’asperge comme modèle pour sa peinture. Cette fois-ci le duc de Guermantes se moque de la Botte d’asperge peinte par Elstir: „Il n’y avait que cela dans le tableau, une botte d’asperges précisément semblables à celles que vous êtes en train d’avaler.“ Et il ajoute: „Trois cents francs, une botte d’asperges“ (R I, 534sq.). Antoine Compagnon voit surtout dans ce passage une allusion à Michelet qui compare la méduse dans La mer à 35 DDossier une „délicieuse créature, avec son innocence visible et l’iris de ses douces couleurs“, mais aussi à des „déesses de la mythologie“. 8 Selon Compagnon, Proust, dans le paragraphe déjà cité, se moque de l’idolâtrie emphatique de Michelet. On pourrait également ici mettre en valeur un autre aspect. C’est que le passage se lit comme une réflexion autoréférentielle. Ainsi, tout art revêt aussi un aspect quotidien, banal, profane. Il n’y pas de vérité dans l’art, c’est une esthétique du spectateur qui domine. Sous les yeux du spectateur la scène se transforme en art, révèle son côté poétique. Le passage se lit alors comme une allégorie de la création littéraire. Revenons à la féerie, notamment au théâtre de Shakespeare. Shakespeare et le drame impur La scène de la féerie déjà mentionnée renvoie au théâtre de Shakespeare, au caractère poétique de son œuvre, mais aussi à sa poétique du quotidien et à la pensée caractéristique de son siècle (le grand se reflète dans le petit, le macrocosme dans le microcosme), selon laquelle l’effet de théâtre et la participation des spectateurs sont essentiels. La croyance en la correspondance entre l’homme et la nature, entre l’histoire et le cosmos, se retrouve chez plusieurs artistes de la Renaissance et est aussi présente dans la pensée de Michelet. De plus, Shakespeare varie les genres et enfreint les unités spatio-temporelles. Mélange des arts, mélange des styles, mélange des genres, le drame de Shakespeare est impur et s’oppose à la tragédie classique. 9 Stendhal, dans son fameux essai Racine et Shakespeare (1823), compare le théâtre racinien et shakespearien afin de démontrer la supériorité du théâtre de Shakespeare: la notion de réalisme du drame bourgeois est remplacée à profit par l’imagination et par l’expression du génie. En 1913, quand Marcel Proust cherche un éditeur pour la première édition de la Recherche, il subit un refus de la maison Ollendorff: „Je suis peut-être bouché à l’émeri, mais je ne puis comprendre qu’un monsieur puisse employer trente pages à décrire comment il se tourne et se retourne dans son lit avant de trouver le sommeil“ écrit alors l’éditeur. 10 Aujourd’hui, sans être spécialiste de Proust, tout lecteur de la Recherche sait que ce passage est porteur d’une ouverture géniale. Cette ouverture condense en effet les thèmes centraux de la Recherche. Tel un fauteuil magique - métaphore qu’utilise le narrateur -, le lecteur est catapulté dans différents lieux et temps du narrateur-héros. Comme dans le spectacle d’une féerie, le lecteur suit les différentes trames, voit les temps et les figures se dérouler de façon comparable à La machine à explorer le temps, célèbre roman de H. G. Wells, qui parut en 1895 et fut traduit en français quatre ans plus tard. Mais la métaphore choisie évoque aussi la fameuse collection de pièces théâtrales d’Alfred de Musset, Un spectacle dans un fauteuil. Musset crée le concept du théâtre dans un fauteuil, c’est-à-dire d’un théâtre destiné à être lu et non pas à être représenté sur scène. Ce concept lui permet ainsi de s’affranchir des contraintes de la scène, de rompre avec les règles du classicisme et des trois unités, notamment avec l’unité de temps et de lieu. Grâce à l’ouverture du roman, l’idée du 36 DDossier dormeur qui déclenche tout le roman en se souvenant d’autres lieux et espaces, le projet d’écriture de Proust prend finalement forme. Ainsi son projet de formuler une critique sur Sainte-Beuve et de créer le récit d’une matinée suivi d’une conversation du narrateur avec sa mère sur la publication de son article dans Le Figaro devient-il un roman concentrique, capable d’explorer la pluralité des temps et des lieux, en d’autres termes un roman sur la mémoire. Comme Françoise qui sélectionne minutieusement les ingrédients de son art, Proust est lui aussi à la recherche des composants, forgeant de cette manière son propre style. C’est ainsi que Luzius Keller note dans un article sur l’asperge de Proust: Prousts Spargelbild ist ein Musterbeispiel für seine Schreibweise: Aus dem Kapitel über die Meduse, „Tochter der Meere“, in Michelets Das Meer übernimmt Proust die Aufwertung eines bescheidenen Sujets und die irisierenden Farbtöne; von Manet übernimmt er das Spargelmotiv; von den Brüdern Goncourt übernimmt er den mit Fachtermini aus dem Bereich der Malerei angereicherten Stil, den sogenannten style artiste. Was aus Shakespeare, Michelet, Goncourt und Manet entsteht, ist aber authentischer Proust. 11 Mais ce paragraphe qui s’ouvre sur une comparaison de Françoise avec la géante d’une féerie renvoie aussi à la fusion des arts et des médias et à la correspondance des sens, notions-clés dans l’esthétique de Proust. 12 Françoise, qui est d’abord représentée comme „une statue de sainte“, révèle son côté cruel quand elle cherche à tuer un poulet en le désignant de „sale bête“. L’artiste qui est capable de servir des poulets onctueux et „si tendre[s]“ révèle ainsi sa cruauté. Elle se montre d’ailleurs froide envers les petits drames qui se déroulent près d’elle, tout à fait indifférente à la souffrance des autres; car elle ne s’intéresse pas en priorité au repas parfait, à son œuvre d’art accomplie, mais elle cherche surtout à martyriser la nouvelle aide qui souffre d’attaques d’asthme quand elle prépare l’asperge. Comme chaque véritable maître d’art, Françoise ne peut pas tolérer l’assistance d’un autre. Or, ce n’est pas seulement le côté noir de son art qui est révélé. Les tragédies d’arrière-cuisine renvoient aussi à des incidents sanglants qui marquent l’Histoire entière. Michelet ou une autre forme de l’histoire humaine Il est intéressant de revenir dans ce contexte à l’œuvre de Michelet et à la manière qu’il a de décrire les cataclysmes comme une féerie, comme une autre forme de l’histoire humaine: La Mer (1861) ne suit pas le fil directeur d’un voyage et refuse de définir son objet de façon purement géographique; l’œuvre varie les approches [ ] et multiplie les changements de point de vue. C’est que sa mer est à la fois beaucoup plus familière et plus radicalement étrangère. Suivant le „sentiment moderne“ qui invite à „la sympathie de la nature“, Michelet considère la mer comme „une force de vie et presque une personne“. Semblable à nous, elle est en même temps la figure de l’Autre, de l’altérité sans laquelle il n’existe pas de sujet. 13 37 DDossier C’est l’aspect de l’altérité qui lie la mer au personnage d’Albertine. Albertine est un être de fuite qui est souvent comparé et associé à la mer. Cette idée est présente dès la première scène où elle figure comme si elle était dans un tableau d’Elstir au fond de la mer. Dans la Recherche, Albertine représente l’autre, celui qui ne peut être capturé; tout en étant une fille ordinaire, son secret ne peut être dévoilé. La sacralisation est de nouveau étroitement liée à la profanation. La mer en tant que langue à déchiffrer peut être comparée à la voix que l’on entend à l’autre bout du fil lorsqu’on se sert d’un téléphone. C’est aussi dans un contexte technologique que Michelet parle de langues nouvelles. La langue des phares, dans sa forme moderne liée à l’électrisation, est entendue comme langue lumineuse à la fois utile (vitale même) et poétique, recouvrant la nuit terrestre d’un nouveau firmament. La manière dont parle l’océan, dont il cherche ses interlocuteurs, ressemble aussi au dispositif téléphonique chez Marcel Proust, qui, surtout au début de la Recherche, subit une mystification. Michelet écrit: „L’Océan est une voix. Il parle aux astres lointains, répond à leur mouvement dans sa langue grave et solennelle. Il parle à la terre, au rivage, d’un accent pathétique, dialogue avec leurs échos; plaintif, menaçant tour à tour, il gronde ou soupire. Il s’adresse à l’homme surtout.“ 14 L’irisation des couleurs que Proust évoque dans sa scène féérique, prête au monde sous-marin son charme enchanteur. Le jeu des couleurs renvoie de cette façon à la fois à Michelet et à Manet, au théâtre, à la peinture et à la littérature. Dans le centre de la cosmogonie de Michelet se trouve la méduse. Les cheveux de la méduse ou la peau de la baleine „finement organisée de six tissus distincts“ qui „frémit et vibre à tout“, 15 par leur sensibilité nerveuse et musicale, deviennent l’équivalent de la grande lyre océanique. Ceux qui ne font pas de bruit possèdent une faculté d’expression rythmique par la vibration et la transformation. La métaphore de Michelet a souvent été déchiffrée comme modèle de la révolution et du bouleversement historique: Michelets La Mer ist die „andere Naturgeschichte“. [ ] Wie des Verfassers andere historische Schriften erzählt es die Geschichte derer, die bislang keine Geschichte hatten. Die „große Revolution von 1789“ auf das Lebendige schlechthin ausdehnend, läßt es die großen Tiere links liegen und inthronisiert stattdessen die Parias. 16 Un texte sur Michelet écrit dans le cadre d’une exposition de la Bibliothèque Nationale de France au sujet de la mer utilise les formules suivantes: „La subjectivité de l’historien s’efforce d’y faire entendre la voix perdue du peuple et s’interroge sur ce qu’elle exprime, proposant des réponses qui sont autant de questions à ses contemporains sur leur façon de penser et d’utiliser la nature, mais aussi leur propre nature sociale.“ 17 Le livre de Michelet partage aussi avec le roman de Proust une capacité à transgresser les genres et les codes. C’est ainsi à travers Michelet, notamment en créant un pastiche de Michelet, que Proust parle de la fameuse Révolution et du bouleversement social, 18 qui se présentent alors comme une vraie force, un vrai cataclysme comme l’ont montré les féeries. 38 DDossier Selon Keller, Proust emprunte aussi à Michelet la tonalité féerique. 19 Cette tonalité du style domine le deuxième paragraphe, lorsque le narrateur dévoile le côté cruel de l’art de Françoise. Il ouvre son discours avec une image que l’on retrouve également dans des lettres de l’auteur à son éditeur Gallimard, celle de la ‚guêpe fouisseuse‘. La guêpe fouisseuse ressemble aux créatures présentes dans la féerie de Michelet ou dans les drames de Shakespeare, par exemple dans sa comédie Le Songe d’une nuit d’été: véritable féerie, elle déploie toutes sortes de transformations et de métamorphoses. En 1886, Paul Meurice écrit sa féerie Le Songe d’une nuit d’été d’après Shakespeare, féerie que Proust connaissait probablement. En outre, il a souvent été constaté que les origines de la féerie dramatique du XIX e siècle remontent au théâtre de Shakespeare. 20 Ce n’est donc pas un hasard que le narrateur cite Shakespeare dans le paragraphe susmentionné. Si dans Le songe d’une nuit d’été le cruel est aussi présent que le serein, le poétique que le banal, c’est encore en référence à Shakespeare que Proust monte sa propre féerie littéraire avec Françoise, l’asperge et la servante comme acteurs principaux. 21 Les asperges, nous l’avons vu, deviennent des sortes de princesses enchantées. Il clôt sa féerie avec un autre acteur, la guêpe fouisseuse: Et comme cet hyménoptère observé par Fabre, la guêpe fouisseuse, qui pour que ses petits après sa mort aient de la viande fraîche à manger, appelle l’anatomie au secours de sa cruauté et, ayant capturé des charançons et des araignées, leur perce avec un savoir et une adresse merveilleux le centre nerveux d’où dépend le mouvement des pattes, mais non les autres fonctions de la vie, de façon que l’insecte paralysé près duquel elle dépose ses œufs, fournisse aux larves quand elles écloront un gibier docile inoffensif, incapable de fuite ou de résistance, mais nullement faisandé, Françoise trouvait pour servir sa volonté permanente de rendre la maison intenable à tout domestique, des ruses si savantes et si impitoyables que, bien des années plus tard, nous apprîmes que si cet été-là nous avions mangé presque tous les jours des asperges, c’était parce que leur odeur donnait à la pauvre fille de cuisine chargée de les éplucher des crises d’asthme d’une telle violence qu’elle fut obligée de finir par s’en aller (R I, 122). L’image de la guêpe fouisseuse permet de montrer la cruauté de Françoise mais aussi sa volonté et sa force qui sont indispensables pour que l’œuvre puisse naître. Chez Proust, l’image de l’insecte est exploitée pour consolider le thème de l’artiste et donner au lecteur une meilleure compréhension du caractère complexe de Françoise en y ajoutant aussi une touche humoristique. Les actions de la guêpe fouisseuse offrent une analogie ingénieuse aux ruses „savantes“ de Françoise. Armelle Lacaille-Lefebvre constate que Proust utilise souvent ces métaphores animales pour illustrer la métamorphose de l’homme, comme celle de M. d’Argencourt: „La précision extrême de la description frôlant le plaisir sadique [ ] confère au motif psychologique de la cruauté une forte présence poétique.“ 22 La métamorphose apparaît alors ici comme l’illustration de la pensée selon laquelle, dans chaque création artistique, l’imagination, le génie et la cruauté se mêlent; création, procréation et cruauté sont étroitement liées. Si chez le compositeur Vinteuil le côté sadique de sa fille complète l’image de son père, la cruauté apparaît 39 DDossier ici chez la mère procréatrice. 23 Pourtant, dans la lettre de Proust à son éditeur Gaston Gallimard, c’est plutôt la pensée du sacrifice, de la consomption du corps de l’auteur qui prédomine: D’autres que moi, et je m’en réjouis, ont la jouissance de l’univers. Je n’ai plus ni le mouvement, ni la parole, ni la pensée, ni le simple bien-être de ne pas souffrir. Aussi, expulsé pour ainsi dire de moi-même, je me réfugie dans les tomes que je palpe à défaut de les lire et j’ai à leur égard les précautions de la guêpe fouisseuse [ ]. Recroquevillé comme elle et privé de tout, je ne m’occupe plus que de leur fournir à travers le monde des esprits l’expansion qui m’est refusée. 24 Le fait que Proust utilise la même image dans sa lettre à son éditeur implique bien une autre dimension. Il suggère que l’auteur fictif de l’œuvre littéraire (comme l’auteur Marcel Proust) pense qu’il doit se sacrifier pour accoucher de son œuvre. Le texte s’alimente de son propre corps, qui, en mourant, donne le jour à la lettre. Alors que le héros proustien fait finalement preuve de suffisamment de volonté, d’imagination et de génie pour finir narrateur d’autant que l’action romanesque s’achève sur le seuil du livre à venir, la Recherche de Proust est une œuvre de fin de vie, comme l’a montré entre autres Luc Fraisse. 25 Pourtant, le projet du narrateur est aussi menacé par la peur de ne pas pouvoir l’achever. C’est ainsi qu’il assure dans Le temps retrouvé: „Et dans ces grands livres-là, il y a des parties qui n’ont eu le temps que d’être esquissées, et qui ne seront sans doute jamais finies, à cause de l’ampleur même du plan de l’architecte. Combien de grandes cathédrales restent inachevées! “ (R IV, 609). Proust évoque ainsi auprès d’un lecteur averti le scénario d’une féerie qui ouvre plusieurs pistes. Féerie cruelle ou la force de la machine à parler Le passage féérique le plus connu de la Recherche est certainement celui où Proust décrit sa première conversation téléphonique avec sa grand-mère, au bureau de poste de Doncières. Invention presque inconnue au début de la Recherche, le téléphone devient à partir de cette scène un objet tout à la fois quotidien et enchanteur. Proust évoque „l’admirable féerie“ (R II, 431) d’une voix que l’on entend sans voir le visage qui l’accompagne: Et nous sommes comme le personnage du conte à qui une magicienne, sur le souhait qu’il en exprime, fait apparaître dans une clarté surnaturelle sa grand-mère ou sa fiancée, en train de feuilleter un livre, de verser des larmes, de cueillir des fleurs, tout près du spectateur et pourtant très loin, à l’endroit même où elle se trouve réellement. Nous n’avons, pour que ce miracle s’accomplisse, qu’à approcher nos lèvres de la planchette magique et à appeler - quelquefois un peu trop longtemps, je le veux bien - les Vierges Vigilantes dont nous entendons chaque jour la voix sans jamais connaître le visage, et qui sont nos Anges gardiens dans les ténèbres vertigineuses dont elles surveillent jalousement les portes; les Toutes-Puissantes par qui les absents surgissent à notre côté, sans qu’il soit permis de les apercevoir: les Danaïdes de l’invisible qui sans cesse vident, remplissent, se transmettent les urnes des sons; les ironiques Furies qui, au moment que nous murmurions une 40 DDossier confidence à une amie, avec l’espoir que personne ne nous entendait, nous crient cruellement: ,J’écoute‘; les servantes toujours irritées du Mystère, les ombrageuses prêtresses de l’Invisible, les Demoiselles du téléphone! (R II, 431) 26 Ici, les „demoiselles du téléphone“, les standardistes, ces serviteurs de la nouvelle technologie souvent mis en scène chez des auteurs de la fin du XIX e et du début du XX e siècle, sont les acteurs d’une scène qui s’inspire encore une fois d’un tableau. Le tableau qui est évoqué ici est Les Danaïdes (1903), du peintre préraphaélite John William Waterhouse. Dans la mythologie grecque, les Danaïdes sont les cinquante filles du roi Danaos; elles épousent leurs cousins et les mettent à mort sur l’ordre de leur père le soir même des noces. Elles seront ensuite condamnées aux Enfers à remplir sans fin un tonneau sans fond. Comme toute figure mythique, les demoiselles du téléphone sont ambivalentes: parfois protectrices car elles aident à apprivoiser le ténébreux mystère des voix qui ressuscitent les absents, parfois violentes car elles perturbent de leur présence les communications personnelles. 27 Leur fonction intermédiaire déploie un imaginaire de l’appareil comme urne que l’on remplit et que l’on vide de sons. C’est encore une fois la métamorphose qui domine le style de ce paragraphe. L’évocation des nouvelles images sert à expliquer un aspect de la nouvelle technologie qui reste mystique et inquiétante, par cette capacité qu’elle a de rendre présente la voix d’un être absent: „Présence réelle que cette voix si proche - dans la séparation effective! “ (R II, 432). Cette séparation momentanée de la voix et du corps évoque donc une séparation beaucoup plus longue, celle de la mort. C’est la médiatisation de la voix qui suscite l’imaginaire et génère une scène féerique à la fois légère, comique et cruelle, comme chez Shakespeare. En effet, au début le miracle ne se produit pas immédiatement, c’est juste la force de la machine à parler qui est dévoilée dans toute sa cruauté: „[...] quand j’amenai à moi le récepteur, ce morceau de bois se mit à parler comme Polichinelle; je le fis taire, ainsi qu’au guignol, en le remettant à sa place, mais, comme Polichinelle, dès que je le ramenais près de moi, il recommençait son bavardage“ (R II, 433). Quand la communication avec la grand-mère a finalement lieu, la voix fantôme de la grandmère que l’appareil transmet lui rappelle encore une fois l’approche de sa mort: „Je criais: ,Grand’mère, grand’mère‘ et j’aurais voulu l’embrasser; mais je n’avais près de moi que cette voix, fantôme aussi impalpable que celui qui reviendrait peut-être me visiter quand ma grand’mère serait morte.“ 28 Quand la conversation est coupée, le narrateur reste seul devant l’appareil comme Orphée après avoir tenté de faire sortir Eurydice des Enfers. Il y a donc une dimension mythologique qui cherche à expliquer le caprice d’une technologie nouvelle; la féerie dévoile son côté cruel. Le narrateur monte une scène qui ressemble à des féeries du tournant de siècle où les nouvelles technologies et la science jouent un rôle important. Si les deux scènes précédentes illustrent déjà le rôle important que joue la féérie dans l’œuvre de Proust, un dernier épisode permet d’en confirmer l’imbrication intime avec sa poétique du temps. Dans le dernier tome de la Recherche, 41 DDossier au cours d’une matinée chez le Prince de Guermantes, le narrateur réfléchit sur le temps qui passe tandis qu’il écoute un morceau de musique. Il peut à peine reconnaître, parmi les vieillards qu’il rencontre, les gens familiers qu’il avait jadis connus et fixés dans sa mémoire. L’espace du bal costumé devient une scène féerique de métamorphoses grotesques. C’est notamment la transformation de M. d’Argencourt qui provoque la réflexion suivante: Alors la vie nous apparaît comme la féerie où l’on voit d’acte en acte le bébé devenir adolescent, homme mûr et se courber vers la tombe. Et comme c’est par des changements perpétuels qu’on sent que ces êtres prélevés à des distances assez grandes sont si différents, on sent qu’on a suivi la même loi que ces créatures qui se sont tellement transformées qu’elles ne ressemblent plus, sans avoir cessé d’être - justement parce qu’elles n’ont pas cessé d’être - à ce que nous avons vu d’elles jadis (R IV, 501). M. d’Argencourt, jadis „rogue, hostile et dangereux“ est transformé en „vieux mendiant“ et, pire encore, en „vieux“. Encore une fois, c’est l’imagerie des insectes qui est employée ici. Le narrateur pense que l’être humain peut subir „des métamorphoses aussi complètes que celles de certains insectes“ (ibid.). Ses métamorphoses laissent penser à une anatomie comparée, à une histoire naturelle où les objets sont exposés derrière les vitres comme dans un musée: „J’avais l’impression de regarder derrière le vitrage d’un muséum d’histoire naturelle ce que peut être devenu l’insecte le plus rapide“ (ibid.). Le Prince d’Agrigente, le surnommé Gri-Gri, qui ressemblait tant à un hanneton dans sa jeunesse, se trouve tellement métamorphosé à la fin du cycle romanesque qu’il semble occuper un autre corps: À cet homme long, mince, au regard terne, aux cheveux qui semblaient devoir rester éternellement rougeâtres, avait succédé, par une métamorphose analogue à celle des insectes, un vieillard chez qui les cheveux rouges, trop longtemps vus, avaient été, comme un tapis de table qui a trop servi, remplacés par des cheveux blancs. Sa poitrine avait pris une corpulence inconnue, robuste, presque guerrière, et qui avait dû nécessiter un véritable éclatement de la frêle chrysalide que j’avais connue (R IV, 152). Les métamorphoses qui interviennent à la fin du dernier tome de la Recherche ressemblent à des féeries à la Shakespeare mais aussi à celles qu’on peut voir sur des écrans du cinéma muet. Les insectes chez Proust sont également mobiles, animés, ils se parlent et se regardent comme sur une scène. Le narrateur monte alors pour le lecteur une féerie comportant de multiples métamorphoses et effets théâtraux, proche du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare. Les métamorphoses interviennent sans préavis, grotesques et inquiétantes comme dans le cinéma muet de ce tournant du siècle avec ses photographies animées. 29 Les convives, alors travestis en vieillards fantoches, s’apparentent à des poupées extériorisant le temps. Ainsi sont-ils devenus des révélateurs du temps passé par des métamorphoses tout à fait étranges. Dans le deuxième tome, le narrateur notait déjà „qu’un même homme, si on l’examine pendant quelques minutes, semble successivement un homme, un homme-oiseau, un homme-poisson, un homme-insecte“ (R II, 606). Parallèlement, une référence 42 DDossier intertextuelle explique les métamorphoses des convives; il s’agit des Mille et une Nuits qui ont beaucoup inspiré les féeries du XIX e siècle. 30 Madame Verdurin, devenue entretemps la nouvelle duchesse de Guermantes, s’apparente à „quelque vieux poisson sacré, chargé de pierreries, en lequel s’incarnait le Génie protecteur de la famille Guermantes“ (R IV, 505). Christiane Chaulet Achour analyse ce processus de transformation de la manière suivante: „Le Temps permet d’assister à la métamorphose des êtres, avec la même brutalité irréelle que dans les contes. [ ] La cruelle vérité du Temps prend alors les apparences d’un conte ou d’une féerie burlesque.“ 31 C’est ainsi que se révèle un autre concept du temps, non pas celui qui se réfère à une évolution historique à pas lents, mais plutôt au cataclysme. Ce qui nous renvoie à Foucault chez qui les épistémès se succèdent dans le temps comme l’ère des mammifères a succédé à l’ère des dinosaures. Par un cataclysme par définition inexplicable, l’un disparaît, et l’autre surgit. [ ] Même là où une continuité apparente relie deux âges [ ] cette continuité masque une rupture plus fondamentale. 32 Foucault précise: „Nous sommes à l’époque du simultané, nous sommes à l’époque de la juxtaposition, à l’époque du proche et du lointain, du côte à côte, du dispersé.“ 33 On a souvent considéré que la notion d’espace occupe une place essentielle chez Proust. Georges Poulet soutient que „le temps proustien prend toujours la forme de l’espace“. 34 À l’hétérotopie du bal costumé s’ajoute une hétérochronie. Proust cherche à rassembler dans un lieu hors de tous les lieux des hommes que le narrateur a connus. Ils sont alors représentés comme des espèces animales, rassemblées à la manière des insectes derrière le vitrage d’un muséum d’histoire naturelle. La notion de musée imaginaire est bien présente chez Proust, comme nous l’avons vu; 35 c’est à travers la peinture et la féerie que son concept de l’espace et du temps est développé. Tandis que la peinture montre un moment bien précis et qu’au théâtre classique le temps se déroule linéairement (il est le même pour tous les spectateurs), le roman offre une organisation du temps beaucoup plus complexe. En amalgamant les trois arts, Proust crée ici un temps qui se présente comme une rupture, une rupture qui extériorise le Temps: „le Temps qui d’habitude n’est pas visible, pour le devenir cherche des corps et, partout où il les rencontre, s’en empare pour montrer sur eux sa lanterne magique“ (R IV, 503). Le texte se rapproche de nouveau d’un autre medium, celui de la lanterne magique. L’autre constitue toujours une forme de projection, particulièrement dans le contexte amoureux. Gilles Deleuze explique: „L’aimé implique, enveloppe, emprisonne un monde, qu’il faut déchiffrer, c’est-à-dire interpréter.“ 36 Puisque le narrateur se présente comme un détective qui cherche à déchiffrer les métamorphoses des autres, le lecteur devient un véritable co-producteur du texte, invité à déchiffrer les symboles, notamment „ce livre des signes inconnus“, lié aux souvenirs qui existent en dehors du langage. 43 DDossier L’épisode nous renvoie encore une fois à la poétologie proustienne en tant qu’il montre qu’il y a une correspondance non seulement entre les arts et les sens, mais aussi entre les âges, les moments dans le temps. Dès le moment où le narrateur entre dans la cour des Guermantes, une succession d’impressions se produit, celles du bonheur et des souvenirs retrouvés par une sensation tactile ou auditive, par exemple les dalles inégales ou le bruit de la cuillère contre l’assiette ou la serviette raide. Seule la sensation peut donc restituer la réalité du passé qui doit néanmoins être traduit: il faut un traducteur de signes. Rainer Zaiser parle de l’épiphanie comme poésie de la mémoire chez Proust; celle-ci se manifeste au cours de la scène qui se déroule dans la bibliothèque de la princesse de Guermantes. 37 Le narrateur est envahi par un sentiment intense: passé et présent se mélangent dans une mémoire involontaire. La réminiscence lui permet de rétablir une correspondance entre les expériences vécues sans porter atteinte à leur nature éphémère. C’est dans l’optique du livre intérieur que s’établit ce rapport entre les différents temps et lieux. 38 Il faut donc un travail patient d’interprétation et de déchiffrage pour dégager l’essence contenue dans des vases clos ou dans l’apparence, comme une fée retenue prisonnière sous l’écorce d’un arbre. C’est le narrateur du premier tome de la Recherche qui convoque cette image, marquant la magie d’un texte devenu spectacle et nous renvoyant encore une fois à la féerie. Il faut donc la fusion des arts pour que l’effet du temps se fasse sentir dans l’espace. C’est ainsi que le roman se transforme en véritable machine à explorer le temps, en un instrument optique comme dans Alice au pays des merveilles (1865) ou, à sa suite, De l’autre côté du miroir (1871). Surtout ce premier livre, souvent adapté comme féerie, présente, comme le livre de Proust, une optique où le temps révèle une force déformante. Or, à travers les multiples métamorphoses d’Alice et des autres personnages, Carroll crée une féerie qui est en même temps une réflexion sur l’adolescence et sur le temps - comme la Recherche de Proust, qui contient à son tour de précieux moments où le temps est retrouvé. Resümee: Kirsten von Hagen, „L’admirable féerie“: la notion de ‚féerie‘ chez Marcel Proust untersucht zahlreiche Szenen aus dem Romanzyklus À la recherche du temps perdu, die an die féerie gemahnen. So wird die Kochkunst von Françoise wie eine féerie in Szene gesetzt, die diese zugleich sakralisiert wie profanisiert. Auch ein frühes Telefonat des Erzählers mit der Großmutter auf dem Postamt von Doncières ruft Bilder und Szenerien hervor, die an die féerie erinnern. Am Ende des Zyklus häufen sich vor allem angesichts der vergangenen Zeit féerienähnliche Szenarien, die das Verstreichen der Zeit buchstäblich wie auf einer Bühne inszenieren. Alle diese Passagen verweisen dabei zugleich auf die intermediale Ästhetik Prousts wie auf sein Konzept der Zeit, das sich stärker der Naturgeschichte des Historikers Michelet annähert, liegt doch hier nicht länger ein evolutionärer Pro- 44 DDossier zess zu Grunde, sondern die Geschichte stellt sich vor allem als beeinflusst von sozialen Umstürzen, Revolutionen dar, die kataklysmusgleich einander ablösen, wie auch die verschiedenen Lebensalter am Ende der Recherche. 1 Claude Vallée: La Féerie de Marcel Proust, Paris, Fasquelle, 1958, 9. 2 Je cite ici de l’édition de la Pléiade: À la recherche du temps perdu, ed. Jean-Yves Tadié, Paris, Gallimard, 4. t., 1987-1989, sigle R. Le miraculeux dans cette scène est représenté par la transformation de l’urine en essence précieuse. Cf. aussi Hélène Laplace-Claverie: Modernes féeries. Le Théâtre français du XX e siècle, entre réenchantement et désenchantement, Paris, Champion, 2007, 79. 3 Marcel Proust: Contre Sainte-Beuve, Paris, Gallimard, 1971, 374. 4 Cf. Éric Alliez: L’Œil-cerveau: Nouvelles histoires de la peinture moderne, Paris, Vrin, 2007, 150. 5 La toile mère par contre, intitulée Botte des Asperges, se trouve dans la collection du musée Wallraf-Richartz à Cologne. 6 Patrice Schmidt: „L’Asperge“: www.musee-orsay.fr/ fr/ collections/ œuvres-commentees/ peinture/ commentaire_id/ lasperge -18315.html? tx_commentaire_pi1%5BpidLi%5D=509&tx_ commentaire_pi1%5Bfrom%5D=841&cHash=e056157ae1 (15/ 02/ 14). 7 Dans deux autres scènes l’asperge symbolise le sexus ou le désir (cf. Luzius Keller: „Proust und der Spargel. Witzeleien und Kunstgeschichte - wo sich in der ,Recherche‘ Edouard Manet versteckt“, in: Neue Zürcher Zeitung, 14.11.2009, www.nzz.ch/ aktuell/ startseite/ proust-und-der-spargel-1.4013785, 20/ 02/ 14) ce qui est déjà impliqué dans le deuxième tableau de Manet. 8 Michelet: La Mer, Paris, Hachette, 1861, 164. 9 Cf. Christian Godin: La Totalité, Seyssel, Champ Vallon, 1997, 312. 10 Cf. Cyril Grunspan: Marcel Proust: Tout dire, Rome, Portaparole, 2005, 58. 11 Keller: „Proust und der Spargel“, art. cit. 12 Cf. Kazuyoshi Yoshikawa: „Elstir: ses asperges et son chapeau haut-de-forme“, in: Sophie Bertho (ed.): Proust et ses peintres, Amsterdam/ Atlanta, Rodopi, 2000, 87-94, 93. 13 Cf. au sujet de la „mer lyrique de Jules Michelet“ une exposition de la BNF sur la mer: http: / / expositions.bnf.fr/ lamer/ arret/ index513.htm (20/ 02/ 14). 14 Michelet, op. cit., 400. 15 Ibid., 239. 16 Ursula Harter: „Die Geburt aus dem Meer. Odilon Redon und Jules Michelet“, in: Barbara Hüttel / Richard Hüttel / Jeanette Koh (ed.), Re-Visionen: Zur Aktualität von Kunstgeschichte, Berlin, Akademie-Verlag, 2002, 177-194, 179. 17 http: / / expositions.bnf.fr/ lamer/ arret/ index513.htm (20/ 02/ 14). 18 Cf. Antoine Compagnon: Proust entre deux siècles, Paris, Seuil, 1989. 19 Luzius Keller: „Marcel Proust: Une critique d’art en action“, in: Uwe Fleckner / Thomas W. Gaehtgens (ed.), Prenez garde à la peinture! Kunstkritik in Frankreich 1900-1945, Berlin, Akademie-Verlag, 1999, 199-226, 222. 20 Monique Jutrin: „Les Féeries“, in: Ephraïm Mikhaël, Œuvres complètes: aux origines du symbolisme, t. I, ed. Denise R. Galperin, Monique Jutrin, David Avzaradel, Elie Szapiro, Lausanne, L’Âge d’homme, 2001, 82-113, 93. 21 Cf. Ramon Fernandez: Proust, Paris, Grasset, 1979. 22 Armelle Lacaille-Lefebvre: La Poésie dans À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, Paris, L’Harmattan, 2011, 45. 45 DDossier 23 Cf. Thomas Klinkert: Bewahren und Löschen: Zur Proust-Rezeption bei Samuel Beckett, Claude Simon und Thomas Bernhard, Tübingen, Narr, 1996, 99. 24 Proust, dans une lettre à Gaston Gallimard écrite en octobre 1922, quelques semaines avant la mort de l’auteur (Marcel Proust, Correspondance 1912-1922, ed. Philip Kolb, Paris, Plon, 1989, 622-623). 25 Luc Fraisse: „Marcel Proust et le Jean-Christophe de Romain Rolland“, in: Conférence prononcée à Paris en Sorbonne le 17 novembre 2005, Association Romain Rolland, Étude rollandienne, 13, 1-18, 17; (www.association-romainrolland.org/ image_etudes/ PDF/ etude13.pdf, 20/ 02/ 14). 26 Le passage sur les demoiselles du téléphone est repris d’un texte initialement publié dans Le Figaro du 20 mars 1907, cf. Marcel Proust: „Journées de lecture“, in: Contre Sainte-Beuve, Paris, Gallimard, coll. Bibl. de la Pléiade, 1971, 528-529. 27 Oliver Leplatre: „L’Aura de la voix: la (s)cène téléphonique dans À la recherche du temps perdu“, in: Poétique, 136, 2003/ 4, 405-418 (www.cairn.info/ revue-poetique-2003-4-page- 405.htm, 20/ 02/ 14). 28 Il existe une version antérieure dans Jean Santeuil où le protagoniste est en communication avec sa mère. Le choc ressenti par rapport à l’impuissance de l’appareil est bien le même, mais il y manque le côté mystique et l’aspect de la féerie (Marcel Proust: Jean Santeuil, Paris, Gallimard, coll. Bibl. de la Pléiade, 1971, 361). 29 Cf. Frank Kessler: „The Féerie Between Stage and Screen“, in: André Gaudreault / Nicolas Dulac / Santiago Hidalgo (ed.), A Companion to Early Cinema, Chichester, Wiley- Blackwell, 2012, 64-79, 65. 30 Cf. Kessler: „The Féerie“, art. cit., 66. 31 Christiane Chaulet Achour: Les 1001 nuits et l’imaginaire du XX e siècle, Paris, L’Harmattan, 2004, 79. 32 Olivier Tschannen: „Archéologie et histoire de la sociologie“, in: Revue européenne des sciences sociales, 29, n° 90, 1991, 179-194, 188sq. 33 Michel Foucault: „Des espaces autres (conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967)“, in: id., Dits et écrits, t. IV, Paris, Gallimard, 1994, 752-762, 752. 34 Georges Poulet: L’Espace proustien, Paris, Gallimard, 1963, 135. Dernièrement Marie- Agnès Barathieu a critiqué ce concept de Poulet qu’elle considère soit comme une idée reçue, soit comme un concept partiellement inexact en raison des scènes musicales qui ne s’organisent pas spatialement. Elle a également développé une sémantique du déplacement chez Proust (cf. Pierre-Louis Rey: „Préface“, in: Marie-Agnès Barathieu, Les mobiles de Marcel Proust: Une sémantique du déplacement, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2002). 35 A propos des musées, Foucault note dans „Des espaces autres“ (art. cit., 759): „l’idée de tout accumuler, l’idée de constituer une sorte d’archive générale, la volonté d’enfermer dans un lieu tous les temps, toutes les époques, toutes les formes, tous les goûts, l’idée de constituer un lieu de tous les temps qui soit lui-même hors du temps, et inaccessible à sa morsure, le projet d’organiser ainsi une sorte d’accumulation perpétuelle et indéfinie du temps dans un lieu qui ne bougerait pas, eh bien, tout cela appartient à notre modernité.“ 36 Gilles Deleuze: Proust et les signes, Paris, Presses universitaires de France, 1976, 14. 37 Rainer Zaiser: Die Epiphanie in der französischen Literatur: zur Entmystifizierung eines religiösen Erlebnismusters, Tübingen, Narr, 1995, 262sq. 38 „Proust [ ] ne sacrifie rien de la pluralité, et surtout des déchirements figurant le ,Temps perdu‘. Mais il découvre dans la bibliothèque des Guermantes, le pouvoir de la ,lecture 46 DDossier intérieure‘, c’est-à-dire la place éminemment médiatrice du poète.“ (Gilbert Durand: „Grenoble - Chambéry: L’éthique du pluralisme et le problème de la cohérence“, in: Adolf Portmann / Rudolf Ritsemap (ed.), The Variety of Worlds, Leiden, Brill, 1977, 267-344, 326).