eJournals lendemains 35/138-139

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Narr Verlag Tübingen
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2010
35138-139

Téléphonie mobile et médias en Afrique. L’avènement des reporters mobiphotographes au Cameroun

2010
Norbert N Ouendji
ldm35138-1390046
46 Dossier Norbert N. Ouendji Téléphonie mobile et médias en Afrique. L’avènement des reporters mobiphotographes au Cameroun La téléphonie mobile fait partie des secteurs les plus florissants de l’activité économique en Afrique depuis quelques années. 1 Le nombre d’utilisateurs évolue à un rythme considérable. L’Union internationale des télécommunications (UIT) parle d’une „croissance sans précédant“, indiquant que début 2008, on recensait plus de 250 millions d’abonnés mobiles sur le continent. 2 Cette institution spécialisée des Nations Unies explique que ce succès est „dû en grande partie à l’ouverture à la concurrence“. Le Cameroun, où la libéralisation des télécommunications a eu lieu en 1998, est un cas qui illustre assez bien cette position. Cinq ans après la reprise de Camtel Mobile en février 2000, le groupe sud-africain M-Cell (devenu MTN International) revendiquait déjà plus d’un million d’abonnés „actifs“ 3 et une présence dans les dix régions du pays, soit un taux de couverture territoriale de 65% de la population. 4 Pour la même période, la situation était presque similaire chez son concurrent Orange Cameroun (filiale de France Télécom/ Orange), dont les activités ont été également lancées en février 2000. 5 Ces chiffres évoluent au fil des ans, 6 dévoilant ainsi le dynamisme d’un secteur qui contribue à faire oublier, petit à petit, les faiblesses de Camtel, 7 opérateur historique détenant le monopole sur le fixe. 8 MTN et Orange multiplient des investissements 9 pour accroitre leurs offres et répondre aux besoins des populations de plus en plus dépendantes d’un produit désormais incontournable dans certains métiers. Au-delà de la „mobilemania“ ambiante, on est frappés par les usages divers qu’inspire le GSM. 10 On ne l’acquiert plus simplement par snobisme ou pour montrer à quel point on est important dans la société, mais parce qu’il favorise la production des biens et des richesses. „Les Africains s’approprient le téléphone portable pour en faire un facteur de progrès“, constatait un reportage du quotidien français Le Monde au Togo et au Burkina Faso en octobre 2005. 11 Ils en font usage selon leurs „propres désirs“ et leurs „propres objectifs“. 12 Dans cette logique, les journalistes font partie des catégories socioprofessionnelles qui ont su saisir les atouts qu’offre le mobile par rapport à l’exercice de leur métier. Le GSM est dorénavant intégré parmi les outils de travail du reporter contemporain. Il est utile aussi bien dans la collecte que dans le traitement et la transmission rapide ou en temps réel de l’information. Un autre aspect, peu vulgarisé, est relatif à ses usages photographiques. La présente étude tente de montrer comment le téléphone mobile a en quelque sorte contribué à la réhabilitation ou à la valorisation de la photographie de presse, grâce notamment à ce que nous considérons comme l’avènement des reporters mobiphotographes. Nous désignons 47 Dossier ainsi des journalistes qui, pour diverses raisons, ont recours à leur portable pour capter des images devant servir à illustrer leurs articles. Autrement dit, il s’agit d’examiner les enjeux qui entourent leur appropriation des technologies de l’information et de la communication (TIC), c’est-à-dire l’acte par lequel ils se constituent un „soi“ 13 autour de l’objet nomade qu’est le GSM. On verra qu’on est dans un processus qui „ouvre des possibilités de détournements, de contournements, de réinventions ou même de participation directe des usagers à la conception des innovations“. 14 Ce travail est fondé sur des observations de terrain (2004-2007) ainsi que sur des entretiens avec des journalistes camerounais. Une analyse qualificative permet de les mettre en perspective. Cette analyse s’appuie également sur des questionnements inspirés par l’expérience française, notamment l’appréciation des membres de la rédaction de Sud Ouest, quotidien paraissant à Bordeaux. 15 1 - Rapide état des lieux En dehors du quotidien gouvernemental Cameroon tribune, il n’existe aucun service photo véritablement organisé dans les journaux 16 paraissant au Cameroun. 17 Dans la presse privée, où on a tendance à privilégier les textes au détriment des images, l’acquisition d’appareils photos numériques est loin de satisfaire les attentes. A La Nouvelle Expression, le journaliste David Atemkeng ne se souvient pas avoir vu un appareil photo depuis qu’il a intégré la rédaction en 2003. 18 En 2005, il y en avait deux pour les 32 journalistes déclarés par Mutations 19 lors de nos enquêtes. Leurs six collègues de Situations, magazine (hebdomadaire) également édité par la South media corporation (SMC), en avaient trois. „Le principe chez nous est que chaque journaliste apporte les photos illustrant son article. S’il doit les acheter, il le fait avec ses frais de reportage“, explique Emmanuel Gustave Samnick, directeur de publication de Situations. 20 Pour plus d’autonomie et d’efficacité, il précise que l’entreprise a lancé un programme d’acquisition d’appareils numériques en faveur des journalistes. „La SMC supporte le prix à concurrence de 50%. L’employé garde le matériel par devers lui. C’est sa propriété“. 21 Au Messager, le rédacteur en chef justifie l’absence d’un service photo par un manque de „moyens financiers 22 [consécutifs] à la faiblesse structurelle et organisationnelle“. 23 Trois appareils numériques étaient à la disposition d’une vingtaine journalistes. A l’agence de Yaoundé, une dizaine de reporters se partageaient un appareil photo. Ce matériel de travail, qui fonctionnait avec des disquettes (et non avec une carte mémoire) a été dérobé en 2004, mais n’a été remplacé que deux ans plus tard - avant d’être à nouveau volé. „La bataille était parfois rude et difficile à arbitrer, quand il s’agissait d’aller en reportage avec l’appareil. Des fois, ce sont les disquettes qui manquaient. Face à toutes ces péripéties, je me suis dit qu’il fallait briser le mur de glace“, témoigne Souley Onoholio, chef de service Culture du Messager, par ailleurs grand reporter. 24 Mais le déclic est né en 2007, précisément le jour où, rendu à la cérémonie de présentation au public de Jean-Claude Laurent, nouveau directeur général de la Cameroon music corporation (CMC), il a 48 Dossier constaté qu’il n’y avait pas de photographes dans la salle de l’hôtel Mont Fébé de Yaoundé qui accueillait l’événement. Car, en fait, il arrive qu’en fonction de l’actualité, des journalistes commandent une photo à des professionnels ou à des amateurs présents - les tarifs varient entre 500 et 1000 FCFA l’unité. Le chef de service Culture du Messager évoque son embarras avec beaucoup de peine, expliquant qu’il aurait été inintelligent de parler du responsable d’une société de droit d’auteur, de surcroît de nationalité française, sans présenter son visage aux lecteurs. „Notre salut est venu d’un collègue, David Atemkeng. A l’aide de son portable, il avait fait des photos. Il en avait envoyé quelques-unes dans nos boîtes e-mail. Voilà comment je me suis tiré d’affaire“. 25 Voilà aussi pourquoi et comment ce journaliste est devenu mobiphotographe - terme que nous proposons pour désigner un reporter faisant des photos de presse avec son mobile. Il ne veut plus être un journaliste informant simplement avec les mots rédigés grâce à un ordinateur, mais aussi avec les images „écrites“ avec un portable. „J’ai compris que pour être indépendant et faire aisément mon travail, il fallait que je me fasse violence, en économisant de l’argent pour pouvoir acheter un téléphone portable ayant plusieurs fonctions, dont la photo“, avoue Souley Onoholio. 26 2 - Se faire plaisir et rendre service Malgré la précarité ambiante et les fins de mois élastiques, il a ainsi acquis un Nokia 6680 en déboursant une „faramineuse“ somme de 275 000 FCFA. „Depuis le début de l’année 2007, je n’ai plus fait recours à un photographe pour illustrer mes articles. Mon portable me permet désormais de régler ce problème“, affirme le journaliste du Messager, précisant: „j’ai une importante archive photographique rangée dans un ordinateur où les images sont transférées grâce à un câble USB. Toute la rédaction s’en sert en cas de besoin“. 27 Passionné des portraits, le chef de la rubrique Culture du Messager dit être satisfait, vantant la capacité du capteur de résolution (1,23 méga pixel) et réfutant toute critique sur la qualité des photos réalisées. „Il n’y a rien à redire, surtout quand elles sont faites en journée“, souligne-t-il, suggérant que les prises de vue nocturnes sont déconseillées, en l’absence d’infrarouge. Le reporter de La Nouvelle Expression qui l’a inspiré dispose d’un appareil plus modeste, mais qui permet de „faire des photos avec une bonne résolution“. Un Nokia 3032, livré avec un logiciel (Nokia PC Suit) facilitant la connexion à un ordinateur à l’aide d’une fiche USB ou de la technologie bluetooth. 28 L’appareil a été acheté en 2005 à 125 000 FCFA, dont 10 000 FCFA de frais d’installation de nouveaux logiciels (antivirus, télécommande, MP3 stylé, etc.). Il en est arrivé là à cause d’un concours de circonstances: Au début, je m’en servais pour faire de jolies images aux amies et les leur envoyais dans leur téléphone portable. Après, je me suis interrogé sur la possibilité de réaliser des photos qu’on pouvait utiliser dans la presse. Les renseignements m’ont conduit à l’achat d’un terminal USB bluetooth, une sorte de flash disk qui fait en sorte qu’un ordinateur, qui n’a pas un système bluetooth incorporé, arrive à détecter d’autres appareils 49 Dossier qui en disposent. La passion des téléphones de troisième génération a fait le reste. Quand j’envoie un papier de reportage à La Nouvelle Expression, il est généralement accompagné d’une photo faite à partir de mon portable. J’avoue qu’il me rend service mieux que mon appareil photo numérique.29 Un sentiment positif qui fait penser au succès commercial de ce „produit“ au plan mondial. Nous ne disposons d’aucune statistique sur l’Afrique. Mais, on sait qu’en 2007, près de 160 millions de photophones ont été vendus en Europe et que, d’après le cabinet américain Gartner, 70% de téléphones portables écoulés en 2008 incluaient un appareil photo numérique. 30 Sans donner de chiffres, Jean- Noël Tronc estimait déjà qu’en 2005, il s’est vendu plus d’appareils photos sur téléphone portable que d’appareils photo. 31 Il prédisait que „le mobile bénéficiera inévitablement de la contrainte d’encombrement que fait peser la multiplication des terminaux numériques“. 32 Car, explique-t-il, „on ne peut pas avoir dans ses poches à la fois un téléphone, un appareil photo, une console de jeux, un assistant personnel et un baladeur MP3 éventuellement vidéo. Pourtant ces usages en mobilité intéressent des millions de gens“. 33 En condensant tous ces services dans un seul espace, le téléphone portable fait rêver. Les deux journalistes camerounais que nous venons de citer y ont succombé. Pour combattre le stress ou se détendre afin de retrouver la concentration nécessaire à l’exercice de sa profession, le mobiphotographe de La Nouvelle Expression écoute la musique que distille son portable. „J’ai enregistré 250 titres que j’aime dans mon téléphone mobile“, confie-t-il, reconnaissant toutefois que la photo est la fonction la plus sollicitée. Comme son confrère du Messager, il ne se souvient pas du nombre de photos déjà prises avec un GSM depuis le début de cette activité annexe. 34 Cela ne le préoccupe pas. Le plus important pour ces deux journalistes, est de profiter des prouesses d’une technologie à la mode pour se faire plaisir et rendre service, au-delà des usages traditionnels. 3 - Des images anonymes, des auteurs frustrés Mais ils ne récoltent toujours pas les fruits attendus d’un tel travail. Ils partagent les mêmes frustrations: toutes les photos qu’ils réalisent ne sont pas utilisées par leurs rédactions. Non pas parce qu’elles ne sont pas publiables, mais parce que la culture de l’image tarde à prendre corps dans le métier. La photographie de presse ne fait pas partie des priorités des patrons, même s’ils en reconnaissent la valeur. Bien plus, le personnel en charge de la gestion artistique du journal n’est pas très exigeant. Peu motivé et mal formé, il ne se soucie pas assez de la qualité du travail. „J’ai l’impression que ceux qui assurent le bouclage et le secrétariat de rédaction 35 n’accordent pas une place de choix à l’illustration, alors que nous savons tous qu’elle est importante dans l’équilibre et la beauté des pages d’un journal“, déplore David Atemkeng de La Nouvelle Expression. 50 Dossier „La place de la photo dans un article reste encore subsidiaire dans certains cas. Le documentaliste, par ailleurs chargé de sa gestion, n’en a pas encore fait une religion, quand bien même le rédacteur en chef lui rappelle qu’une photo parlante vaut mille mots“, renchérit Souley Onoholio 36 du Messager, regrettant par ailleurs des manquements graves qui accompagnent la publication de certaines de ses réalisations. Celles-ci ne sont pas systématiquement signées ou ne lui sont pas toujours attribuées en tant qu’auteur. Il en est ainsi de la photo de la mairie de Lobo 37 illustrant l’article de son collègue Jean-François Channon et de plusieurs autres venant en appui de ses propres papiers (voir les figures 5 à 7en annexe). La question des droits moraux et patrimoniaux L’obligation de signature, également bafouée par des journaux comme Repères, 38 fait pourtant partie des droits moraux des producteurs des œuvres photographiques, ainsi que des dessinateurs, des infographistes, etc. Ils sont censés avoir droit au même respect que l’auteur d’un papier paru dans un journal. Armelle Canitrot et Stéphane Lutz-Sorg estiment qu’il „n’y a aucune raison de négliger“ 39 ces aspects fondamentaux du droit de l’image. C’est cette négligence qui suscite la colère du chef de la rubrique culture du Messager. „C’est désolant. Cela pose un problème des redevances du droit d’auteur. Etant donné que les organismes civils de gestion collective se mettent encore doucement en place, peut-être le meilleur est à venir, et que je pourrai enfin jouir des droits relatifs à mes productions photographiques“, commente-t-il. 40 La photo de la figure n° 7 (en annexe), prise comme les autres avec le téléphone portable, est l’une des rares dont la paternité est attribuée à Souley Onoholio (Le Messager). Sa netteté est acceptable, tout comme celle du portrait du délégué provincial de la Culture pour le Centre (Yaoundé) illustrant son interview sur le bilan de la fête de la musique au Cameroun (figure n°5 en annexe). Mais on note que cette image ne porte même pas la mention DR 41 inscrite sur celle de la figure 6. C’est le même „anonymat“ qui est réservé aux photos de Repères (figures 2, 3 et 4 en annexe) „appartenant“ en réalité à Parfait N. Siki. Tout cela dénote un certain amateurisme et un tâtonnement dans la gestion éditoriale des illustrations dans ces journaux en général et du droit d’auteur en particulier. La situation est beaucoup plus préoccupante lorsque l’on constate que le droit patrimonial des auteurs est également bafoué. Souley Onoholio indique par exemple que des journaux autres que Le Messager reprennent parfois ses photos, sans autorisation et sans en mentionner la provenance alors que, selon la loi, il est censé en „tirer un profit pécuniaire“: 42 Un jour, j’ai rencontré le maire de Ma’an, petite bourgade située à la frontière entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale. Après l’entretien qu’il m’avait accordé au sujet d’une affaire dans laquelle il était mis en cause, j’avais utilisé mon téléphone portable pour le filmer. Nous étions seul à avoir la photo; plusieurs confrères, dont La Nouvelle Expression, ont repiqué l’image plus tard. 51 Dossier L’intéressé est en effet victime d’une piraterie courante dans la presse camerounaise. En cas de besoin, certains journaux scannent et exploitent des photos déjà parues ailleurs. Le résultat est généralement approximatif, malgré des retouches effectuées grâce au logiciel „Photoshop“. 43 Internet est aussi devenu une source de ravitaillement à laquelle se réfèrent, dans les mêmes conditions, des secrétaires de rédaction; les plus honnêtes se contentant d’indiquer la mention DR sur les photos concernées. „C’est un problème général au sein de la presse camerounaise“, résume David Atemkeng qui, comme ses confrères du Messager et de Repères, ne perçoit même pas de prime pour les „sacrifices“ qu’ils font pour leurs journaux. 44 4 - Sud Ouest: des „piges photos“ pour motiver les journalistes Pour mieux comprendre ces déceptions, il suffit de faire une incursion dans les réalités des médias hexagonaux même si, il faut le préciser, les environnements sont différents. Au quotidien Sud Ouest - que nous avons choisi comme groupe témoin, afin de croiser les expériences décrites dans ce travail -, les journalistes dont les photos sont publiées perçoivent un forfait compris entre 3,05 et 12,20 €. Il s’agit en effet de ce qu’on appelle ici „piges photos“ - mises en place pour encourager les journalistes et reconnaître la valeur des œuvres réalisées lors de la couverture d’un événement. 45 De plus, les reporters peuvent vendre leurs œuvres à d’autres institutions intéressées. Le coût à l’unité dépasse parfois le salaire mensuel d’un journaliste camerounais. 46 A ce sujet, nous nous permettons d’évoquer un cas vécu en juillet 2007, lors d’une mission d’une semaine à l’agence locale de Sud Ouest à Arcachon, station balnéaire située à une cinquantaine de kilomètres de Bordeaux. La Vie souhaitait reprendre une photo de Pascal Thomas, un sculpteur franco-béninois, dont nous avions fait le portrait. 47 Les responsables de ce magazine basé à Paris avaient pu nous joindre à plusieurs reprises sur notre portable et se proposaient de nous verser 220 € si ladite photo correspondait à leurs goûts, ce montant équivalant à un quart de page. 48 Il faut préciser que, dans certaines circonstances, les revenus sont partagés avec Sud Ouest, employeur et propriétaire des outils de travail. Il en est ainsi notamment lorsque la transaction se fait dans le cadre d’un groupe d’intérêt économique (GIE) animé par une agence photographique dénommée MAXPPP (Maximum de point par pouce). Le GIE a été créé par les patrons de presse pour centraliser et partager les images. Le principe est bien défini: les photographes envoient une sélection de leurs réalisations à MAXPPP, qui dispose des bureaux à Paris et à Nice. Les trente-quatre journaux de la presse quotidienne régionale (PQR) qui en sont membres les reçoivent simultanément, puisqu’ils ont accès au réseau. 49 Ils peuvent les publier à leur guise. Mais les photos doivent être signées du nom de leurs auteurs avec l’indication du journal pour lequel ils travaillent. 52 Dossier Tableau n° 1: Ce que rapporte le service Photo à Sud Ouest et aux photographes (2008) (Source: Réalisé par l’auteur sur la base d’une enquête auprès du chef de service photo, Bordeaux, septembre 2009) Montant perçu HT 01/ 01- 31/ 08/ 2008 Prévision fin déc. 08 Hors Taxe (HT) Provenance ou clients Quote part éditeur Quote part photographes Observations 33 936 € 50 904 € Presse quotidienne régionale (PQR) 50% 50% Chiffre d’affaires stable par rapport à 2007 où 707 photos ont été vendues par le quotidien Sud Ouest. En 2006, ce sont seulement 566 photos qui ont été vendues pour 24 697 €. 58 159 € 77 361,6 € Presse magazine française et étrangère, quotidiens nationaux. 30% 30% Les 40% restant sont versés à MAXPPP. Chiffre d’affaires en hausse: 59960 € en 2006 et 69031 € en 2007. Les photos concernées émanent des magazines publiés par Sud Ouest. Chaque mois, le chef de service photo de Sud Ouest, comme ses collègues d’autres journaux membres de MAXPPP, reçoit un relevé sur les bénéfices réalisés dans ce cadre. Le tableau n° 1 résume la situation entre le 1 er janvier et le 31 août 2008 et donne les prévisions pour la fin de la même année. 50 Le succès de cette initiative est éloquent. D’ailleurs, des agences d’illustration, quotidiens nationaux, mensuels et hebdomadaires sont toujours nombreux à s’adresser à MAXPPP et à publier des images en provenance de cette banque photo de la PQR, même si la concurrence des agences comme l’AFP ou Reuters mérite d’être signalée. Cet exemple traduit, à lui seul, l’intérêt de la photo dans la presse et le souci qu’ont les utilisateurs à préserver les droits des auteurs. L’organisation même du service photo, dans un journal comme Sud Ouest, éclaire davantage ce constat et permet d’apprécier, une fois de plus, le rôle du téléphone portable dans la production journalistique, ainsi que dans la coordination du travail en équipe. Les horaires de travail sont organisés de manière à assurer l’intervention des photographes à tout moment. Une permanence de nuit existe à cet effet. Elle commence en principe après 20 heures. Le „permanencier“ est en état d’alerte chez lui et n’intervient que si on l’appelle pour les besoins de service. Dans cette perspective, l’entreprise a mis à la disposition des personnes concernées un téléphone mobile. Pour le photographe, cette permanence dure jusqu’au lendemain matin, mais 0h30 repré- 53 Dossier sente l’heure limite de transmission des photos. Au-delà de cette heure, elles ne sont plus expédiées vers les services de mise en page. Dans tous les cas, tous ceux qui travaillent après 22h ont droit à une ½ journée de repos le lendemain matin. Le chef de service peut négocier le report de ce temps de récupération s’il est confronté à un volume de travail important. 5 - Le téléphone portable comme moyen de transmission des images Le moins que l’on puisse dire, est que le service photo de Sud Ouest est l’un des plus motivés de l’entreprise, particulièrement depuis que le quotidien régional a changé de maquette pour la première fois (1984) et qu’il „donne à l’image une place privilégiée - tant par sa taille que par sa position sur la page“. 51 La hiérarchie fait confiance à son responsable en lui laissant une grande marge dans l’élaboration et la gestion du budget du service. Ce qui lui permet, entre autres, de maîtriser l’entretien des équipements et de développer de bonnes relations avec les fournisseurs, en rapport avec le service Achat de l’entreprise. Les résultats obtenus font le bonheur de tous: plus de 700 photos sont réalisées par jour. 52 Ici, le téléphone portable n’entre pas encore dans la catégorie des outils conseillés pour la prise des images destinées à un usage professionnel. Jean-Jacques Saubi, chef de service photo de Sud Ouest, estime que „leur qualité est médiocre“. Il fait observer que cette „technologie ne permet pas d’imprimer correctement les photos dans Sud Ouest“, c’est-à-dire sur support papier. 53 Un gain de temps „énorme“ Le quotidien bordelais emploie 21 photographes professionnels permanents (dont 7 au siège et 14 dans les huit bureaux départementaux), tous équipés d’appareils photos numériques. 54 Plus de 1400 correspondants travaillant en dehors des zones dépourvues de bureau en sont aussi nantis. Plus de 600 autres sont équipés d’un appareil photo numérique et d’un ordinateur. Cela facilite l’envoi rapide au siège du journal (par Internet), des papiers illustrés. 55 Ils doivent proposer une légende pour les photos sélectionnées. Dans la plupart de cas, des mesures ont été prises pour la réception des photos en temps réel: la connexion de l’ordinateur portable au téléphone mobile favorise la transmission des images grâce à la technologie bluetooth. Le recours au téléphone portable est le résultat d’une frustration née à la suite d’un incendie déclenché dans les Pyrénées par les éleveurs de moutons, qui mettent le feu dans la montagne afin que l’herbe puisse repousser l’année suivante. Le chef de service photo de Sud Ouest s’en souvient: Des randonneurs ont péri dans cet incendie. On n’a pas pu avoir leurs photos dans le journal le lendemain. A l’époque, le photographe n’avait pas de téléphone portable lui permettant de se connecter et de transmettre les illustrations. C’est ainsi que j’ai demandé et obtenu de la direction les équipements appropriés. Un an plus tard, une reconstitution des faits a eu lieu dans la montagne avec les services de la police et de la justice. A cette occasion, le photographe y est revenu, et a dû simplement faire un ki- 54 Dossier lomètre pour avoir le signal et nous envoyer les photos. Elles ont été publiées dans l’édition du lendemain. Le gain de temps est énorme.56 Jean-Jacques Saubi indique que ce système interne permet aux photographes d’envoyer leurs réalisations de partout (trains, voitures, stades, etc.). „Nous avons reçu les images des buts marqués par Zidane à la coupe du monde, France 98, cinq minutes après. Un de nos photographes les avait immortalisées“, affirme-t-il, se moquant du temps où il fallait faire des développements au laboratoire et se servir d’un bélinographe pour faire parvenir, par voie télégraphique, des photos au journal. „Il fallait alors 16 minutes pour transmettre une photographie noir et blanc et 3 fois plus pour la couleur“, écrit Monique Roussel, 57 appréciant par ailleurs le fait qu’à l’époque, Sud Ouest ait pu (et su) répondre à „l’évolution de la société dominée par les médias visuels“. 58 Le téléphone mobile associé à l’ordinateur portable a inauguré une nouvelle ère au sein de ce groupe de presse où les effets des TIC sont palpables. Dans une étude sur l’informatisation des équipements de production dans les PQR, Denis Ruellan et Daniel Thierry soulignent qu’on est entré dans une phase où „les circuits de diffusion des images et des données textuelles s’interpénètrent tout en se raccourcissant“. 59 Avec l’évolution des techniques, le téléphone portable a été remplacé par des cartes 3G pour accélérer davantage l’acheminement des documents. „Désormais, le téléphone est en quelque sorte intégré dans l’ordinateur portable. C’est un dispositif grâce auquel on peut envoyer une photo en 30 secondes“, explique le chef de service photo, précisant que ses collaborateurs couvrant l’actualité sportive découvrent tous les jours les bienfaits de cette avancée. 60 6 - Des logiques différentes selon les contextes On observe, à la lumière de ces témoignages, que les usages sont diversifiés. Ils ne sont pas les mêmes à Sud Ouest qu’au Messager ou à La Nouvelle Expression. Dans les journaux privés camerounais en effet, le téléphone portable permet de combler le vide créé par l’absence des reporters photographes ou des photojournalistes dans les rédactions. Ce sont les journalistes qui s’en servent à cette fin. Leur préoccupation première est d’occuper un terrain négligé par les responsables de publication. Ils ont pour souci d’apporter une valeur supplémentaire à un papier, en proposant des illustrations appropriées. Dans ce cadre, le téléphone mobile n’est plus une simple prothèse que l’on a sur soi pour recevoir et passer des coups de fil, mais aussi un objet servant à capter des images dans des situations professionnelles. Il s’agit d’immortaliser les instants présents, d’enregistrer le réel et de le retranscrire dans un support médiatique accessible au grand public. Autrement dit, l’image est utilisée pour témoigner, et la presse, pour transmettre. Le GSM donne une dimension particulière à cette dynamique. Ici aussi, la nature de l’objet constitue un élément important dans l’analyse de la fonction sociale de la photographie. A ce sujet, Carole Anne Rivière affirme: 55 Dossier En prenant appui sur un mode de communication dont les caractéristiques tiennent à la portabilité et à la >joignabilité< permanente du correspondant ainsi qu’à l’instantanéité de l’échange, l’image photographique va acquérir une valeur d’usage au quotidien qui n’est pas sans rappeler la fonction événementielle de la photographie de la presse quotidienne.61 Dans cette perspective, le déploiement des reporters mobiphotographes camerounais va au-delà de ce qu’elle appelle la „rencontre avec l’inattendu, le fortuit, la magie de l’instant présent“. 62 Leurs actions obéissent également à un agenda comprenant une panoplie de faits à couvrir. „Le mobile photographique“ cesse ainsi d’être un simple „instrument de photos prises sur le vif“, comme le souligne Carole-Anne Rivière. 63 Il joue aussi le même rôle qu’un appareil photo classique, dont l’usage, selon cette dernière, „est le plus souvent lié à l’anticipation d’un événement dans la vie quotidienne“. 64 On le voit bien dans la démarche qui a précédé l’achat, par le journaliste du Messager cité précédemment, d’un portable avec appareil photo intégré. On le perçoit également dans son discours sur le traitement qu’il réserve à ses œuvres. Même s’il n’en jouit pas financièrement, il en prend soin, en les archivant dans un ordinateur de bureau. Il faut rappeler que ce journaliste a investi dans ce matériel en raison de la possibilité qu’il lui donnait de faire des photos devant illustrer ses articles. Les vertus de la discrétion Dans le contexte camerounais, plusieurs autres facteurs permettent d’apprécier l’intérêt d’une telle option. Le plus important concerne sans doute la discrétion qui caractérise les prises de vue avec le portable. Pour bien comprendre cette situation, il faut se souvenir des rapports parfois tendus entre les forces de l’ordre et les chasseurs d’images armés d’appareils photos classiques. Lors de certaines manifestations populaires rythmées par des brutalités policières, ces derniers sont en effet la cible des hommes en tenue. Des scènes d’arrestations et de bastonnades sont courantes. Celles-ci s’accompagnent de la confiscation de l’outil de travail (appareil photo) et de la destruction des images. Dans certains pays, la situation est plus tragique. En République démocratique du Congo par exemple, Patrick Kikuku Wilungula, reporter-photographe travaillant pour plusieurs organes dont l’Agence congolaise de presse (ACP) et L’Hebdo de L’Est, paraissant à Kinshasa, a été tué le 9 août 2007, à Goma, chef-lieu de la province du Nord Kivu. La presse nationale et internationale a rapporté qu’il a été abattu d’une balle tirée à bout portant dans la tête par des hommes armés non identifiés, alors qu’il se trouvait à 50 mètres de son domicile. Tous les témoignages recueillis et relayés aussi bien par les médias que par les organisations de défense de la liberté d’expression précisent que les auteurs de ce forfait n’ont emporté que l’appareil photo de marque Canon EOS digital du chasseur d’images. Ils ne se sont intéressés ni à son argent, ni à son téléphone portable! Dans un communiqué de presse daté du 10 août 2007, l’association Journalistes en danger (JED) a demandé au gouvernement congolais de faire la lumière sur „cet énième assassinat, de rechercher leurs au- 56 Dossier teurs et de les déférer devant la justice“. Reporters sans frontières a en plus exigé que ses causes soient déterminées. Au moment d’achever cet article, aucune raison officielle n’était encore avancée. Mais dans les milieux professionnels, on pense qu’il s’agit, généralement, de protéger le régime en effaçant les preuves des violations quotidiennes des droits de l’homme dont les photographes, comme les journalistes, sont les témoins privilégiés. Au Cameroun, cette hypothèse est présentée comme étant la plus plausible dans ce genre de situation. Les témoignages recueillis sont concordants: „les forces de l’ordre n’ont peut-être pas encore intégré cette donnée dans leurs habitudes. Le portable ne les préoccupe que lorsqu’il faut par exemple enquêter sur nos sources d’informations“; „Avec le mobile, on est presque tranquille quand on fait des photos, du moins pour l’instant“; „On ne se rend pas compte qu’on est en train de filmer, parce qu’on identifie le photographe à son appareil photo“; etc. Le téléphone portable permet ainsi de travailler dans l’ombre. Il favorise en quelque sorte „le reportage clandestin“ qui avait rendu célèbre le photographe anglais Paul Martin entre 1890 et 1910. L’histoire du photojournalisme nous enseigne qu’il „travaillait avec un petit appareil, >un camera détective<, pour pouvoir photographier les gens à leur insu“. 65 Mais le portable est plus commode dans la mesure où l’usager n’a pas besoin, comme Paul Martin à l’époque, d’envelopper une partie de l’appareil „dans un papier d’emballage pour ne pas éveiller les soupçons“. 66 On observe, tous les jours, les prouesses de cet objet minuscule, à travers des faits et illustrations diverses. Les étrangers placés au centre de rétention administrative de Bordeaux s’en servaient pour photographier les conditions indécentes de leur détention. Ce qui a amené les autorités à prendre une circulaire interdisant l’usage du portable dans ce cadre généralement réservé aux sans-papiers sous le coup d’une expulsion du territoire français. 67 En guise de conclusion Quel avenir pour le photojournalisme? Au total, on note chez les journalistes camerounais, deux caractéristiques majeures de l’usage du portable dans sa dimension photographique. Elles peuvent être résumées en une phrase: faire des photographies de presse en toute sécurité. Les aspects liés à la vitesse de transmission des images dans les rédactions employant les mobiphotographes sont sans objet. Ces derniers ne disposent d’ailleurs pas d’équipements permettant de le faire en dehors de leur bureau ou d’un cybercafé. Or, à Sud Ouest, l’objectif visé en célébrant le mariage du mobile et de l’ordinateur portable est avant tout de faciliter l’envoi rapide des données de la base vers le siège. Le téléphone portable participe des moyens contribuant à dompter la distance et à atteindre les objectifs de performance souhaités par les professionnels concernés. Ici, le matériel principal utilisé pour la prise des vues est l’appareil photo numérique, qui a remplacé l’argentique. Un outil précieux qui 57 Dossier allège la tâche des uns et des autres, tout en leur donnant la possibilité de „rivaliser avec l’immédiateté de la télévision“. 68 Sur tout un autre plan, le débat qui alimente les chroniques au sujet de l’avenir du photojournalisme à l’ère de la mobiphotographie ne se pose pas en Afrique en général et au Cameroun en particulier. On devine aisément pourquoi, ici, cette préoccupation n’est pas à l’ordre du jour: le métier de photographe n’est pas organisé comme dans la plupart des pays du Nord où la place des professionnels est menacée depuis que „n’importe qui peut […] produire avec son téléphone mobile performant des documents essentiels“. 69 Christian Caujolle, directeur-fondateur de l’agence et de la galerie VU (Paris), estime en effet que l’avènement du téléphone portable a un impact non négligeable dans ce domaine. „C’en est fini de la toutepuissance - voire de l’arrogance - des professionnels. Tout un chacun est susceptible de réaliser, transmettre, donner à voir et à connaître ce qui s’est passé, ce qui est survenu. Ce qui implique a priori qu’aucun événement n’échappera plus à sa mise en image…“, soutient-il. 70 A cet égard, les attentats de Londres (7 juillet 2005) constituent un repère intéressant. Des chaînes de télévision, des sites internet, des journaux et autres magazines du monde entier ont pu diffuser les images de l’événement, grâce au concours des passants et des témoins, qui s’étaient servis de leur téléphone portable pour les „capter“. Les ruines de l’autobus - dont les 13 passagers avaient trouvé la mort - ont ainsi fait le tour de la planète, tout comme les vidéos et les photos du tunnel enfumé par l’explosion du métro londonien. La directrice des informations de la BBC a affirmé sur le site internet de la chaîne avoir reçu plus de cinquante photos moins d’une heure après le drame, précisant que, dans le journal télévisé de 10 heures du matin, sa chaîne avait diffusé deux vidéos. La même année, la photo d’un ministre autrichien embrassant une femme assise sur ses genoux à l’aéroport de Paris avait également fait la couverture du News, hebdomadaire paraissant à Vienne. Elle avait été prise par un étudiant se trouvant sur les lieux, et qui savait pertinemment que la femme en question n’était pas Natalia Corralez-Diez, la fiancée qu’il avait annoncé vouloir épouser avant l’été 2005. 71 De même, le corps sans vie du producteur cinématographique Theo Van Gogh tué en Hollande en novembre 2004 par un extrémiste islamique, avait fait la une du journal De Telegraaf, grâce à un piéton qui passait par là et qui avait pu l’immortaliser à l’aide de son „photophone“, avant que la police ne le couvre avec un drap. Les citoyens ordinaires se substituent en quelque sorte aux professionnels, créant ou renforçant en même temps une relation de confiance avec les médias auxquels ils proposent leurs réalisations. Les responsables de médias concernés ne tiennent pas compte de leur statut d’amateurs. Ce qui importe, avant tout, c’est le produit du scoop, c’est-à-dire les images prises sur le vif par ceux ayant „couvert“ un fait imprévisible. C’est dans ce contexte que s’est développée Scooplive, une agence de photos amateurs en ligne où le mot d’ordre est révélateur de la banalisation de toute une profession: „nous sommes tous reporters“. Scooplive com- 58 Dossier mercialise, contre 25% de commission, „les photos d’anonymes étant au bon endroit au bon moment“, résume L’Humanité. 72 Ce quotidien français précise qu’après deux mois d’activité, le site lancé en 2006 revendiquait „2000 citoyens reporters“ dans une quarantaine de pays, „1500 photos disponibles“ et une soixantaine de médias en guise de clients. „On a pris conscience que les amateurs allaient devenir la première source d’information, qui plus est avec la généralisation des outils numériques comme les portables“, explique Philippe Checinski, co-gérant de Scooplive. 73 La confusion est mal vécue par les professionnels. „Comment croire que pour être photographe, il suffit de savoir appuyer sur un bouton? ! Alors que, derrière, il y a un véritable travail d’investigation, d’approche. Même le flair, ça s’apprend…“, s’indigne Gille Codina, secrétaire général de l’Association nationale des journalistes photographes et cinéastes (ANJRPC-FreeLens). 74 Cette préoccupation - partagée par des photojournalistes camerounais comme Jean-Pierre Kepseu, 75 pose un problème éthique qui n’échappe à personne. Mais une question demeure: doiton, aujourd’hui, refuser d’exploiter des images provenant des amateurs quand il n’y a pas de solution alternative proposée par les professionnels? Dans certains cas, les médias n’hésitent pas à en faire ouvertement la demande, comme on l’a vu avec les attentats de Londres. Dans „le journal du Net“ de l’émission dominicale Téléfoot (TF1), le présentateur invite les téléspectateurs à envoyer à la chaîne privée française leurs films. Cette rubrique est essentiellement basée sur ce type de matériau, à l’instar de „Vidéo-gag“, programme de divertissement de la même chaîne. La généralisation du téléphone portable avec option caméra accroît les possibilités de cette offre médiatique, dont seuls les détenteurs d’un caméoscope pouvaient autrefois assurer le succès. Les chaînes de télévision camerounaise n’en tirent pas encore grand profit; mais elles s’appuient souvent sur les cameramen amateurs dotés d’autres appareils numériques importés d’Europe, pour remplir leur mission d’information et d’éducation. Cela s’explique par le fait qu’à présent, les téléphones mobiles servent généralement à filmer des scènes familiales ou intimes et non des événements intéressant le grand public. Quoi qu’il en soit, le GSM comble un vide important dans les rédactions dépourvues d’équipements adéquats. Les journalistes ne considèrent pas le portable comme un simple objet nomade personnel, mais aussi comme un outil professionnel. Ils s’en servent pour atteindre des objectifs éditoriaux précis, alors qu’il ne s’agit pas toujours d’un bien faisant partie du patrimoine de l’entreprise. Au Cameroun et ailleurs, l’avènement des reporters mobiphotographes illustre assez bien cette situation même si, en réalité, ils sont encore à l’état de balbutiements. La mise au point des terminaux de plus en plus sophistiqués offrant des possibilités de prise vue rivalisant avec celles des caméras numériques performants pourrait leur permettre de proposer des clichés de qualité. Il en est ainsi, par exemple, du C905 de Sony Ericsson, qui ne dispose pas d’un zoom optique, mais est équipé d’un capteur photo de 8,1 millions de mégapixels avec auto-focus, reconnaissance des visages, stabilisateur d’image et flash xénon, etc. Rares sont cependant les 59 Dossier journalistes africains ou camerounais capables d’acheter ce matériel prometteur qui coûtait quelque 600 euros à sa sortie en 2008. Précarisés et généralement démotivés, ils tirent le diable par la queue du fait d’une rémunération ridicule qui les expose au journalisme alimentaire ou à la recherche débridée du „gombo“. 76 Références bibliographiques Almasy Paul, „L’histoire du photojournalisme“, In: Almasy Paul et al, Le photojournalisme - Informer en écrivant des photos, Editions du CFPJ, Paris, 1990, 43-48. Amar Pierre-Jean: Le photojournalisme, Nathan, Paris, 2000. Atenga Thomas Hirenée: Cameroun, Gabon: la presse en sursis, Editions Muntu, Paris, 2007. Breton Philippe et Proulx Serge: L’Explosion de la communication à l’aube du XXI e siècle, La Découverte, Paris, 2002. Canitrot Armelle et Lutz-Sorg Stéphane: Publier une illustration: mode d’emploi, Editions du CFPJ, Paris, 1995. Darbon Dominique (Sous la direction de): La politique des modèles en Afrique - Simulation, dépolitisation et appropriation, Karthala, Paris, août 2009. 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Ouendji, „Téléphonie mobile et débrouille en Afrique: Réflexions sur le statut des ‘call box’ au Cameroun“, in: Dominique Darbon (Dir.): La politique des modèles en Afrique - Simulation, dépolitisation et appropriation, Karthala, Paris, août 2009, 213-229. Walter Gam Nkwi „From the elitist to the commonality of voice communication: The history of the telephone in Buea, Cameroon“,in: Mirjam de Bruijn, Francis Nyamnjoh & Inge Brinkman: Mobile phones: The news talking drums of everyday Africa, Langaa (Mankon, Cameroun) and African studies centre (Leiden, Hollande), 2009, 50-68. 2 D’après les statistiques récentes. Cf.: http: / / www.itu.int/ newsroom/ press_releases/ 2008/ 10fr.html (21/ 08/ 09). 3 Un abonné actif est celui qui, au cours des 90 jours précédents, a pu émettre ou recevoir un appel. 4 Avant sa privatisation, Camtel Mobile n’avait qu’une capacité de 5000 lignes mises en service uniquement dans trois villes du pays, notamment Bafoussam, Douala et Yaoundé. 5 Elle avait obtenu la licence d’exploitation du réseau de téléphonie cellulaire en juin 1999 sous le label SCM (Société camerounaise de mobiles). Devenue Orange Cameroun en 2002. 6 D’après l’Agence de régulation des télécommunications du Cameroun (ART), les deux opérateurs totalisaient près de 5 millions d’abonnés au 31 mars 2008, dont 2 854 852 pour MTN et 2 030 800 pour Orange. 7 Cameroon Telecommunications est une entreprise publique au capital de 50 milliards FCFA (1 euro = 655,957 FCFA) détenu à 100% par l’Etat. Elle a été créée par un décret présidentiel du 8 septembre 1998 dans le cadre de la restructuration de ce secteur. Elle a hérité des activités de téléphonie fixe de la défunte Direction des télécommunications du ministère des Postes et Télécommunications, ainsi que celles liées aux télécommunications internationales, à l’Internet et à la communication d’entreprise de l’ex-INTELCAM (Société internationale des télécommunications). 8 Au 31 mars 2008, Camtel comptait 191 842 abonnés; 118 165 pour le CT-phone contre 73 677 pour le réseau traditionnel (Source: www.art.cm, consulté les 4 novembre 2008 et 8 mars 2009). 9 On estime à au moins 300 milliards FCFA la somme investie par chacune de ces deux sociétés en dix ans. 10 Global system for mobile communications (Système global pour les communications mobiles). Il s’agit d’une norme européenne de radiotélécommunication publique numérique dans la bande de fréquences des 900 MHz. Cette norme fonctionne conformément aux exigences de l’Institut européen de normalisation des télécommunications (IENT). Dans cet article, GSM renvoie à téléphone mobile ou à téléphone portable. 11 Edition du 8 octobre 2005, 6. 12 Formule empruntée à Louis Martin Onguene Essono dans une étude sur l’usage de la langue de Molière par les journalistes camerounais. Cf. „Le rôle de la presse dans 61 Dossier l’enrichissement et l’altération du français au Cameroun: un modèle de transfert“, in: Dominique Darbon (Dir.): La politique des modèles en Afrique - Simulation, dépolitisation et appropriation, Karthala, Paris, août 2009,192. 13 Josiane Jouët, „Retour critique sur la sociologie des usages“, in: Réseaux, n° 100, CENT/ Hermès Science Publications, 2000, 502. 14 Cf. Philippe Breton et Serge Proulx, L’Explosion de la communication à l’aube du XXI e siècle, La Découverte, Paris, 2002, 256. 15 Ma collaboration, depuis 2004, avec ce journal a facilité l’accès aux sources mobilisées dans ce papier. 16 Pour en savoir un peu plus sur la presse camerounaise, voir entre autres: Thomas Hirenée Atenga: Cameroun, Gabon: la presse en sursis, Editions Muntu, Paris, 2007; Norbert N. Ouendji: Médias et pouvoir politique au Cameroun - Les journalistes face à la santé présidentielle, Les Belles Pages, Marseille, 2006; Michel Tjade Eone, Démonopolisation, libéralisation et liberté de communication au Cameroun - Avancées et reculades, Paris, L’Harmattan, 2001; Michel Tjade Eone, Radios, publics et pouvoirs au Cameroun - Utilisations officielles et besoins sociaux, Paris, L’Harmattan, 1985, etc. 17 Cette publication compte en effet sept photographes professionnels. Ils utilisent aussi bien le numérique que l’argentique. Source: Echanges électroniques avec un journaliste de Cameroon tribune, 5 décembre 2007. 18 Plusieurs fois sollicité, son rédacteur en chef n’a pas répondu à nos questions. 19 Quotidien privé édité par la South media corporation (SMC). 20 Echanges électroniques, 12-13 septembre 2007. 21 Ibidem. 22 Jean-Pierre Kepseu, photojournaliste, estime à 10 millions FCFA „minimum“ le budget qu’il faut pour mettre en place un service photo dans un journal. 23 Echanges électroniques avec Thierry Ndong, 13 septembre 2007. Ce dernier a été remplacé au poste de rédacteur en chef du Messager en novembre 2007. Muté comme chargé de mission auprès de la direction régionale du Messager à Yaoundé, la capitale, il a quitté le journal en 2008 pour lancer son propre titre, Intégration, édité par Global communication group. 24 Echanges électroniques, 6 août 2007. Souley Onoholio a été promu coordonateur de la rédaction régionale du Messager à Yaoundé. 25 Echanges électroniques, 6 août 2007. 26 Ibidem. 27 Echanges électroniques, 6 août 2007. 28 Il s’agit d’une norme de communication sans fil permettant à des appareils, mobiles ou non, de communiquer entre eux à une distance proche. 29 Echanges électroniques, 25 juillet 2007. 30 Cf. www.photophones.fr consulté le 29 août 2009. 31 Le Monde (3/ 10/ 2007, 28) parle de 45 millions de mobiles avec appareil photo en circulation. 32 Cf. Esprit, n° 324, mai 2006, 139-140. 33 Ibidem, 140. 34 La figure 1 est un exemple parmi tant d’autres. Elle nous a été envoyée par courriel par son auteur. Ce dernier n’a pas pu retrouver les journaux dans lesquels elle a été publiée. Nous la proposons ici pour donner une idée d’une photo à l’état „brut“ prise à l’aide d’un GSM. 35 A propos de ce poste, lire Louis Guéry: Le secrétariat de rédaction - De la copie à la maquette de mise en page, Editions du CFPJ, Paris, 1995. 62 Dossier 36 Son propos met en lumière les dysfonctionnements dans le management d’une rédaction ou la confusion des rôles qui y règne. En réalité, imputer les limites liées à l’absence des photos dans les pages d’un journal à un documentaliste est difficilement soutenable lorsque l’on connaît les missions de ce dernier. Il ne décide pas du contenu d’un journal, mais travaille en collaboration avec les journalistes en mettant à leur disposition les documents nécessaires à la rédaction de leur papier et le cas échéant, à leur illustration. Il est donc un intermédiaire qui contribue, à sa façon, au travail de collecte de l’information grâce aux archives constituées à cet effet. 37 Commune située dans la région camerounaise du Centre. 38 Cet hebdomadaire privé (quadrichromie) a été lancé le 3 janvier 2007 par Richard Touna, un ancien du Messager diplômé du Centre universitaire d’enseignement du journalisme (CUEJ) de Strasbourg - décédé en janvier 2009. L’ours du journal indique la présence d’un photographe. Mais celui-ci ne fait pas partie des employés permanents, puisqu’il est payé à la pige. Malgré son expérience internationale et continentale (Coupes du monde de football, Coupes d’Afrique des nations, etc.), il doit - comme la plupart des professionnels de la photo exerçant au Cameroun - couvrir les mariages, baptêmes et autres funérailles pour joindre les deux bouts. Ses œuvres ne sont pas signées, tout comme celles de Parfait N. Siki, secrétaire général de la rédaction, exclusivement prises avec le téléphone portable. En novembre 2007, ce dernier a mis à notre disposition six éditions de Repères qui permettent de s’en rendre compte. Même s’il n’a pas pu répondre à nos questions sur son expérience, nous publions néanmoins quelques-unes de ses photos, afin de diversifier l’offre proposée dans ce travail. 39 Cf. Publier une illustration: mode d’emploi, Editions du CFPJ, Paris, 1995, 67. 40 Echanges électroniques, 6 août 2007. 41 Droits réservés. Cette mention signifie, en réalité, que le journal ne connaît pas l’origine de la photo, mais qu’il réserve les droits à l’auteur concerné lorsqu’il se fera connaître. 42 Cf. Article 15, alinéa 1 de la loi n° 2000/ 011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins. 43 Adobe, l’éditeur de ce logiciel, a pris conscience des risques que représentent les retouches des photographies. Celle d’Adnan Hajj montrant Beyrouth après un bombardement israélien, diffusée le 5 août 2006 par l’agence Reuters, l’a conduit à mettre en place un outil permettant de détecter toute modification de l’image originale. Grâce à Photoshop, le photographe avait augmenté la quantité de fumée noire au-dessus des immeubles (Cf. Le Monde, dimanche 7 - lundi 8 octobre 2007, p. 18). A propos de cette question de trucage des photos, voir aussi Ignacio Ramonet, La Tyrannie de la communication, Galilée, Paris, 1999, 99-102. 44 Il faut rappeler qu’en vertu de la loi camerounaise mentionnée plus haut, est „auteur celui ou ceux sous le nom ou le pseudonyme desquels l’œuvre est déclarée à l’organisme de gestion collective compétente ou est publiée“ (Article 7, alinéa 4). C’est la Société civile des droits d’auteurs d’arts audiovisuels et photographiques (SCAAP) qui en a la charge. Elle a été créée le 30 juillet 2005 à la suite d’une assemblée générale ayant enterré la Société civile des droits audiovisuels et photographiques (SOCIDRAP) à laquelle le ministre de la Culture avait pourtant accordé un agrément en septembre 2003. D’après la presse, le président du Conseil d’administration de cette structure, un vétéran de la photographie (Clément Tjomb), n’appréciait pas beaucoup les interférences de la tutelle (gouvernementale) dans la gestion des affaires de la société. 45 Globalement, le montant de cette pige est différent de celui versé aux photographes travaillant comme pigistes et qui sont payés par photo (au même titre que le journaliste pi- 63 Dossier giste qui est rémunéré par ligne ou par feuillet). Le barème de l’Association nationale des journalistes reporters photographes et cinéastes (ANJRC) est fixé en fonction de l’espace et du tirage. Par exemple, un quart de page dans un journal d’informations générales tirant entre 200 000 et 400 000 exemplaires est de 241 €. Il est de 301 € si la photo est publiée sur une ½ page; 362 € pour ¾ de page; 421 € pour une page. En couverture, le montant est de 725 €. Cf. www.snj.fr consulté le 30 juin 2007. 46 D’après une enquête menée en 2009 par le Syndicat des journalistes employés du Cameroun (SJEC) auprès de 166 membres de la profession, 58% de journalistes perçoivent un salaire mensuel supérieur à 50 000 FCFA (76 euros) alors que 32% sont payés endeçà de ce montant. Seuls 42% des sondés reçoivent régulièrement cette rétribution. Il s’agit surtout des journalistes du secteur public, certains de leurs collègues du privé étant habitués à des arriérés de salaires dépassant parfois cinq mois. 10% de sondés n’ont pas souhaité révéler leur revenu. 47 Voir Sud Ouest Dimanche, 22 juillet 2007, 15. 48 Dans un premier temps, une mauvaise interprétation de notre contrat nous avait fait croire qu’il était impossible de procéder à une telle transaction. L’insistance de La Vie nous avait conduit à nous renseigner auprès des photographes professionnels de Sud Ouest. Mais, nos réalisations n’étaient pas indiquées pour un magazine. Cet épisode nous a néanmoins permis d’apprécier davantage l’importance du droit d’auteur et la place de la photo dans un journal. 49 A noter que vingt sept agences, dont Panapress (Agence panafricaine de presse), basée à Dakar au Sénégal, sont aussi membres de MAXPPP. 50 Nous n’avons pas pu avoir les chiffres plus récents. 51 Cf. Monique Roussel, La photographie dans la presse quotidienne régionale - „Sud- Ouest“, „La Voix du Nord“ et „Ouest-France“ de 1950 à 1988, Thèse pour le doctorat de l’Université de Bordeaux 3, Institut des sciences de l’information et de la communication (Sous la direction d’André-Jean Tudesq), 1993, p. 109. Sur cette question, lire aussi l’article de Pierre-Marie Cortella rappelant qu’à Sud Ouest, „on ne plaisante pas avec la photo“. Il souligne que l’image est importante non seulement pour „le décor ou l’équilibre d’une mise en page, mais aussi pour aider le texte, l’illustrer, l’enrichir, l’ouvrir, le compléter; elle peut aussi constituer le tout premier élément d’information et parfois même la preuve et le crédit“ (Cf. Sud Ouest, 31 décembre 2007, 1-10/ 1-11). 52 Sud Ouest reprend aussi les photos de plusieurs agences auxquelles il est abonné: Agence France Presse (AFP), Reuters, etc. 53 Il convient de dire que l’appréciation de la qualité de l’image est relative. Elle dépend du contexte social et économique ou des moyens dont dispose un journal. Dans le cas des photos prises avec un téléphone portable, on voit particulièrement que ce qui est bon pour les médias camerounais ne l’est pas forcément pour un confrère hexagonal, en l’occurrence Sud Ouest. Des réalisations de Souley Onoholio (Le Messager) proposées plus haut le prouvent, ainsi que celles de Parfait N. Siki (Repères). Rien n’indique que dans un avenir proche ou lointain, Sud Ouest continuera à évoluer en marge de cette nouvelle donne médiatique. L’initiative prise en fin d’année 2007 de publier les photos des lecteurs pourrait bien inaugurer une telle aventure. Car, que ferait-on face à une belle photo captée par un citoyen à partir de son GSM? Sud Ouest explique en effet que les photos seront choisies en fonction de leur caractère „insolite, original ou informatif“. Elles seront publiées dans le journal et, plus largement, sur le blog des lecteurs: http: / / lecteurs.blogsudouest.com (Source: Sud Ouest, samedi, 29 décembre 2007, p. 1- 6). Jean-Jacques Saubi en est conscient. Il souligne toutefois que dans de telles condi- 64 Dossier tions, „c’est la qualité du témoignage qui prime sur la qualité technique, qui devient secondaire“ (Source: échanges électroniques, 15 septembre 2009). 54 Sud Ouest utilise notamment Canon Mark 3 et Mark 2. 55 Finie donc l’époque où les envois se faisaient par poste, par avion ou par route avec le risque toujours grand de recevoir les colis hors délais. Aujourd’hui, le numérique représente plus de 95% d’équipement du service photo. 56 Entretien, Bordeaux, 15 novembre 2004. 57 Cf. La photographie dans la presse quotidienne régionale - „Sud-Ouest“, „La Voix du Nord“ et „Ouest-France“ de 1950 à 1988, op.cit., 110. 58 Ibidem., 277. 59 Cf. Journal local et réseaux informatiques - Travail coopératif, décentralisation et identité des journalistes, L’Harmattan, Paris, 1998, 20. 60 Entretien, Bordeaux, 15 novembre 2004. 61 Cf. „Téléphone mobile et photographie: les nouvelles formes de sociabilités urbaines au quotidien“, in: Sociétés, n° 91, 2006, 121. 62 Cf. „Téléphone mobile et photographie: les nouvelles formes de sociabilités urbaines au quotidien“, op.cit. 63 Ibidem, 126. 64 Ibid. 65 Cf. Paul Almasy „L’histoire du photojournalisme“, in: Paul Almasy et al., Le photojournalisme - Informer en écrivant des photos, Editions du CFPJ, Paris, 1990, 47. 66 Ibidem. 67 A ce sujet, lire Sud Ouest, jeudi 30 août 2007, 1-9. 68 Cf. Pierre-Jean Amar: Le photojournalisme, Nathan, Paris, 2000, 102. Sur ce sujet, consulter aussi Yan Morvan, Photojournalisme, Victoires Editions, Paris, 2008. Cet ouvrage contient un cahier spécial sur l’image numérique. 69 Lire Christian Caujolle, „Mort et résurrection du photojournalisme“, in: Le Monde diplomatique, mars 2005, version pdf: www.monde-diplomatique.fr/ 2005/ 03/ CAUJOLLE/ 12009 (consulté le 18 janvier 2007). 70 Ibidem. 71 Cf. Bruno Giussani, „Le ministre, sa maîtresse et le photophone“, www.largeur.com consulté le 4 avril 2005. Dans le même registre, le vernissage „Tous photographes: La mutation de la photographie amateur à l’ère du numérique“ organisé du 8 février au 20 mai 2007 au musée de l’Elysée de Lausanne, a permis de découvrir la richesse des productions réalisées grâce à un photophone. Voir aussi l’article de Michel Guerrin, „Nous sommes tous de grands photographes“, Le Monde du 12 février 2005: www.lemonde.fr/ web/ article/ 0,1-0@2-3232,36-397912,0.html - consulté le 26/ 03/ 2007. 72 Cf. Sébastien Homer, „Scooplive: le pavé dans la mare“, in: www.humanité.fr - consulté le 20/ 09/ 2006. 73 Ibidem. Notons que Scooplive (www.scooplive.com), lancée en 2006, a pris une dimension importante en devenant CitizenSide (www.citizenside.com). Cette transformation, qui a eu lieu en septembre 2007, fait suite à une participation au capital, de quelques structures médiatiques, dont l’AFP. Celle-ci pourra ainsi se servir de cette plate-forme technologique pour satisfaire les besoins de ses clients (magazines, quotidiens, etc.) ou vendre directement les photos disponibles sur le site. Les internautes, qui accordent une licence internationale exclusive sur leurs réalisations pendant trois mois, peuvent toucher à présent jusqu’à 85% du prix de vente. Signalons qu’une expérience similaire à Scooplive existait en Ecosse depuis juillet 2005: Scoopt (www.scoopt.com). Elle a été rachetée par 65 Dossier l’agence de photo Getty Images (www.guettyimages.com) basée aux USA. Désormais, l’agence américaine contrôle également iStockphoto (www.istockphoto.com) et PunchStock (www.punchstock.com), tandis que son concurrent Corbis (http: / / pro.corbis.com) a ouvert son propre site, SnapVillage (www.snapvillage.com). 74 Cf. Sébastien Homer, „Scooplive: le pavé dans la mare“, in: www.humanité.fr, op.cit. 75 Responsable du secteur photo au bureau de la PANAPRESS à Yaoundé depuis mai 2002, il s’est d’abord formé sur le tas avant de suivre plusieurs stages, dont un organisé à Grand Bassam (Côte d’Ivoire) en 1999 par l’Académie de Graphisme et de l’Art photographique (AGAP). Nous avons eu des échanges électroniques en août 2007. 76 Le gombo est un légume gluant très présent dans la gastronomie camerounaise. Mais dans le jargon journalistique, l’expression renvoie aux pots-de-vin qui glissent facilement dans les poches des reporters spécialisés dans les règlements de compte, la manipulation et, globalement, la rédaction des articles défiant toutes les considérations éthiques et déontologiques. L’enveloppe concernée récompense un travail dont l’orientation éditoriale est favorable à celui ou celle qui se charge de donner le „gombo“. 66 Dossier Annexe 67 Dossier 68 Dossier