eJournals lendemains 33/132

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2008
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„Ce qui nous rabaisse, c’est la violence du discours sur l’Afrique“

2008
Aïssatou Bouba
Natascha Ueckmann
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143 Entretien „Ce qui nous rabaisse, c’est la violence du discours sur l’Afrique“ Entretien avec Abdourahman A. Waberi Propos recueillis par Aïssatou Bouba et Natascha Ueckmann 1 Nous avons rencontré Abdourahman A. Waberi au mois de janvier 2007, lors d’une conférence sur la littérature contemporaine donnée à l’université de Brême et d’une lecture publique à l’Institut Français de Brême. Waberi, né 1965 à Djibouti, est nouvelliste, romancier, poète, essayiste et journaliste. Il est devenu l’un des écrivains les plus prometteurs d’une nouvelle génération d’écrivains africains, et occupe une place importante dans la littérature francophone. Bouba: Vous avez actuellement beaucoup de succès avec votre dernier et troisième roman Aux Etats-Unis d’Afrique (2006) qui est en train d’être traduit dans plusieurs langues. Nous aimerions commencer notre entrevue par un rappel du commencement de votre écriture. Dans vos ouvrages précédents appartenant à d’autres genres littéraires comme la poésie, la nouvelle, la chronique, vous mêlez également au conte, à la parole poétique une charge politique. Quelle dimension donnez-vous à ce mélange? Est-ce là une volonté de votre part de rendre hommage - à l’instar de vos aînés - à la civilisation de l’oralité propre à diverses régions d’Afrique et de participer à l’écriture de l’engagement? Ou bien faut-il y voir une tendance à renouveler l’écriture qui commande d’autres stratégies d’écriture dont l’une des caractéristiques principales est le croisement non seulement de genres, mais aussi de formes littéraires africaines traditionnelles et celles dites expérimentales? Waberi: Je suis très heureux d’être à Bremen et d’être en votre compagnie. C’est une question à trois volets dont chacun mériterait un développement assez long. Alors essayons de répondre à la première question, charge politique et forme esthétique qui vont ensemble. Quelle dimension je donne à ce mélange? Voyez, dans la vie réelle évidemment la dimension politique et la dimension esthétique vont souvent ensemble. C’est une vue de l’esprit que de vouloir toujours décomposer - ce qu’on nous apprenait à l’école - le fond et la forme. On n’a jamais vu de fond qui se promène tout seul et des formes vides qui se promènent toutes seules. Par exemple, un griot qui veut exprimer une question politique précise qui concerne la communauté, il ne dit pas: écoutez, on va faire des élections. Il prend une forme. Il va rappeler les ancêtres, il va chanter les louanges de celui-ci ou de celui-là et après, il revient à la question. Tout le monde a bien compris que les premiers développements, l’introduction ou le prologue ne sont qu’une manière d’en venir à la question politique. Donc, il mêle déjà fond et forme. Le mélange est tout à fait naturel. Cependant un chercheur, un critique qui dissèque l’œuvre construite 144 Entretien nous parle de fond et de forme. Ça serait d’ailleurs une violence esthétique si on donnait que du fond sans forme. Quand j’écris des œuvres, c’est une espèce de cadeau que je fais au lecteur. […] J’essaie toujours d’avoir une espèce de vue esthétique qui n’est pas séparée du fond; pour moi la forme esthétique est ce qu’on appellera une langue élevée, poétique, un peu soutenue qui me parait en tout cas d’un intérêt esthétique; c’est un peu le cadeau que je fais au lecteur. Alors, hommage à la tradition africaine, c’est une évidence. La création ne vient jamais ex nihilo. L’école africaine de la tradition, elle apprend aussi. Le griot qui a l’honneur de chanter une louange a dû passer un apprentissage très long. En rendant hommage je le fais très explicitement dans Cahier nomade et Pays sans ombre. Quand j’étais encore plus jeune, il y avait une volonté à chaque fois de mettre une épigraphe. On peut trouver très vite Rachid Mimouni, Kateb Yacine, Nuruddin Farah, Tchicaya U’Tamsi. Pour moi, je m’inscris dans une espèce de „Weltliteratur“ 2 à la Goethe. Je ne me réfère même pas à l’origine de l’auteur ou à la période à laquelle il appartient. Bouba: Est-ce que ce mélange marque une certaine innovation dans votre écriture? Waberi: Ce serait aussi difficile que pour un créateur qui dirait j’innove. En tout cas, il tente. Je distingue ce que j’appellerais deux instances qui sont à la fois l’intention et le résultat. Un artiste peut avoir des intentions, des ambitions formelles, esthétiques, techniques, mais il ne peut pas dire que j’innove, j’ai réussi. […] Après le résultat, la cible c’est le public, les critiques. Il y a des instances de légitimation qui le jugent. […] Bouba: Et ce croisement de genres, de formes littéraires africaines et traditionnelles qui caractérisent votre œuvre, pouvez-vous nous en parler? Waberi: […] Qu’il y ait des formes africaines qui caractérisent mon œuvre, ça me parait une évidence, je suis écrivain et je suis africain. […] A la limite, je dirais mon africanité m’est déjà donnée, elle est d’avance. […] Bouba: Pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez opté pour la nouvelle comme genre littéraire pour faire votre entrée dans le monde des lettres? Comme prélude aux romans que vous avez écrits par la suite? Par souci du vrai, du mimétisme - entre autres - du réel? Waberi: Vous avez bien remarqué que j’ai fréquenté tous les genres et la nouvelle est un genre que j’appellerais le chantier de l’écriture. En fait, au départ les démarcations ne m’intéressent pas et ce n’est qu’après avoir expérimenté d’autres formes que je donne finalement une forme finale, que je sais bien que le lecteur, l’éditeur va après mettre en roman ou en nouvelle. A la limite, c’est presque factuel. Ueckmann: C’était plutôt par hasard que vous avez commencé par la nouvelle? 145 Entretien Waberi: Mais non, ce n’est pas par hasard. Il y avait des avantages très techniques. Quand on est jeune écrivain, la nouvelle me paraît être un exercice très facile parce qu’on peut expérimenter sur des choses. […] le roman c’est fastidieux. Si je rate une nouvelle, je peux la jeter à la poubelle, ça fait dix pages. Alors que si je rate un roman, ça fait trois cents pages à détruire. Ueckmann: Donc c’était une question pragmatique? Waberi: Oui. Et puis les premières nouvelles que j’ai écrites - ce n’était même pas de vraies nouvelles à la Maupassant, avec une chute - c’était presque des instantanées photographiques, politiques et elles avaient les avantages d’être publiées en revue, d’être dans des anthologies. C’est très consciemment que j’ai utilisé cette forme, par pragmatisme. J’étais à une conférence il y a quelques années et Werewere Liking, une femme bassa 3 forte, parlait de l’esthétique de la nécessité. Elle avait tout à fait raison. […] Il n’y a qu’une seule esthétique que je respecte c’est l’esthétique de la nécessité, ce que j’appelle le pragmatisme qui me pousse à faire tantôt une nouvelle, tantôt un roman. […] Donc la nouvelle me permettait de publier, de faire des essais et de le faire à la main. Ueckmann: Ce qui frappe par ailleurs, c’est l’importance de la chronique dans votre œuvre. Votre livre L’Œil nomade. Voyage à travers le pays Djibouti (1997) qui conjugue photos et texte, révèle des côtés inédits de Djibouti, des images au-delà de la douleur et du désespoir. Par contre dans Moisson de crânes (2000) vous témoignez des atrocités du génocide rwandais. Pourquoi vous êtes-vous plusieurs fois décidé pour le genre de témoignage, des chroniques? Waberi: J’ai un intérêt pour la forme courte, ça me plaît. Si je vais prendre un exemple terre à terre, dans l’athlétisme: il y a des gens qui sont meilleurs pour les courses à pieds, de longue durée et de longue distance. […] Et je me demande si je ne suis pas plutôt dans la forme courte, plutôt explosif et le roman long il m’intéresse toujours moins. Ueckmann: Vous avez aussi un côté journaliste. Waberi: Oui. Quoique je n’aie jamais été journaliste, je n’ai jamais appartenu à une rédaction, donc je collabore avec des journaux. Je fais des chroniques notamment littéraires pour Le Monde diplomatique et pour la Lettre internationale à Berlin et bien d’autres. En fait, ce sont des aptitudes différentes selon l’ambition qu’on a et le public qu’on peut toucher. Si je vous donne un exemple, Mongo Béti romancier n’a rien à voir avec le Mongo Béti essayiste. […] La chronique m’intéresse. Pour revenir concrètement à L’Œil nomade, c’était une commande du Centre culturel français qui avait donné une carte blanche à huit photographes non-djiboutiens qui m’avaient demandé si ça m’intéressait. Je voulais aussi travailler avec d’autres artistes. Je crois à l’interdisciplinarité, donc j’ai fait un accompagnement. Je voyais comment ils travaillaient et j’ai essayé de faire un lien. Donc, j’ai inventé un personnage qui est l’œil de la caméra et qui fait une 146 Entretien espèce de visite […]. Pour le Rwanda, c’est différent. J’ai fait des chroniques ponctuelles. Pour moi, c’est un geste politique. Je suis le seul - avec peut-être Véronique Tadjo - à vouloir pas seulement venir sur scène, mais dire d’où je parlais: je l’ai dit dans la chronique, qui j’ai vu, même si j’ai un peu masqué les choses, mais dans les trois récits de nouvelles qui s’appellent Coulin, Non Kigali n’est pas triste, Bujumbura plage j’ai fait un vrai récit de travel writer en disant que je suis un visiteur. Alors que par exemple - ce n’est pas pour m’opposer - Boris Boubacar Diop et Thierno Monénembo ont fait des romans. Il n’y a en aucun moment l’instance Diop, l’instance Monénembo qui n’apparaît dans le roman. Ils peuvent le signaler par des avant-textes, mais on ne voit en aucun moment le pourquoi du comment. C’est un autre choix esthétique. Il me semblait très important de dire d’où je parlais. Bouba: Vous avez utilisé le terme générique „enfants de la postcolonie“ 4 pour définir la nouvelle génération transcontinentale d’écrivains francophones d’Afrique noire née - comme vous d’ailleurs - après les années 60. Les caractéristiques principales des „enfants de la postcolonie“, telles que vous les avez définies dans votre article de 1998, restent-elles encore valables? Forment-ils un mouvement littéraire? Si oui, a-t-il développé une nouvelle esthétique et une autre façon de négocier l’imaginaire? Waberi: C’est un article que j’avais écrit en 1998 comme vous l’avez dit. Au départ, c’était une conférence que j’avais donnée à l’institut néerlandais de Paris et qui a été publié plusieurs fois. C’est un article qui a eu beaucoup de fortune au départ. Mon propos était assez modeste et c’était un constat d’écrivain, d’ancien étudiant de l’académie, d’enseignant. C’était un article qui n’avait pas une grande ambition au départ mais c’était simplement un constat. J’avais noté qu’il y avait quelque chose qui se dessinait et qu’on pouvait rattacher à d’autres aires culturelles. Je pensais très clairement à ce qu’on appelle l’anglophonie, les „enfants de la postcolonie“ et à Salman Rushdie: Les enfants de minuit. On connaît très bien ce roman Les enfants de minuit, qui sont tous nés la nuit des indépendances de 47. J’ai pris comme frontière la naissance de l’auteur et post 60. Je pense que c’était juste une intuition. Puisque aujourd’hui on peut dire que les „enfants de la postcolonie“ sont non seulement de plus en plus nombreux mais ils sont devenus, ils ont atteint éclat puisqu’ils sont en pleine maturité et les institutions littéraires en ont pris conscience. Je donnerai juste un exemple, cette année, Alain Mabanckou ou Léonara Miano ont eu l’un et l’autre un grand prix littéraire en France, Renaudot et Goncourt. Je pense que Miano et Mabanckou sont pour moi ce que j’appellerai cette quatrième génération. […] D’ailleurs j’ai pris la précaution de signaler que les „enfants de la postcolonie“, ce n’est pas seulement la date de naissance, c’est juste une indication. Mais cela ne signifie pas que si on est né en 58 ou en 56 on n’appartient plus à cette génération. Je pense que Tierno Monénembo tout en étant né en 47, tout en vivant en exil, dialogue autant avec sa génération, il est à cheval entre Mabanckou et Mongo Béti. Il fait cette transition parce qu’il s’est 147 Entretien donné les moyens d’aller au-delà de ses frontières. Ce que j’entendais par les „enfants de la postcolonie“: j’ai signalé ce qu’on appelle maintenant la diasporisation. La situation s’est aggravée et ce que j’entendais aussi c’était cette rupture avec une certaine esthétique qui était ce qu’on a appelé l’esthétique du désenchantement national tel que Jacques Chevrier l’a signalé. Il signalait dans les années 70 qu’après les mouvements de la négritude qui se sont eux battus contre les colons, après les indépendances, il y a eu des ‘manuels scolaires’ qui sont toujours aussi reproducteurs. En 1968 a commencé la crise de l’état national et on prend les exemples de Le soleil des indépendances, d’une part et d’autre part de Yambo Ouologuem. Pour continuer ce genre de débat, on peut dire que les anglophones l’ont fait avant, chez Armah, The Beautiful Ones are not yet born. C’est normal que très vite dix, douze, quatorze ans après les indépendances, il y eut déjà la critique des indépendances. On peut compliquer en disant que Soyinka (La danse de la forêt) qui était une commande pour les fêtes nationales de l’indépendance en 1960 était déjà dans la critique. C’est une pièce très compliquée qui était à la fois une critique sociale et politique mais aussi une espèce de plongée à la fois dans les mythes Yoruba mais aussi dans les mythes grecs. On pourrait reprocher aux gens qui affirment que la critique commence au milieu des années 60, en disant que Soyinka a fait ce geste tout à fait exceptionnel qui est un geste inaugural, puisque c’est une pièce qui a été choisie pour la célébration de la fête nationale. Si on en revient à mes découpages tout à fait scolaires, 68 c’est la crise pour les lettres francophones. Moi, j’ai signalé que dès les années 80 et je pense que je n’ai pas tort on était déjà à un dépassement de cet espace-là parce que l’écrivain Kourouma critiquait en 68 avec Le soleil des indépendances. Aujourd’hui Véronique Tadjo n’a même plus cette critique-là parce qu’il y a eu beaucoup d’eau qui a déjà coulé sous le pont, parce que d’autres gens l’ont fait avant. Un écrivain de 90 qui écrirait comme en 68, il serait stupide. On est déjà dans une autre problématique, notamment la diasporisation, l’exil et aussi une espèce de rupture, disons d’une distanciation des problèmes nationaux que j’ai noté dans cet article. Bouba: Comment voyez-vous la question de l’engagement des „enfants de la postcolonie“? Est-ce qu’ils le pratiquent ou le repoussent-ils? Waberi: Evidemment, ils sont engagés. Si j’ai dit distanciation avec le pays cela ne signifie pas reniement. L’engagement a des formes diverses. […] Un écrivain ne peut plus jouer l’espèce d’engagement des face-à-face. Le pouvoir d’un Sékou Touré, d’un Ahidjo, d’un Houphouët-Boigny, à la limite c’était encore des gens honorables à qui on pouvait s’opposer, avoir une espèce de face-à-face. Par exemple Ahidjo contre Mongo Béti. Aujourd’hui, Biya, il est invisible, qui va s’opposer? Les pouvoirs sont atomisés. Si on prend l’image des chevaleresques, la nature de pouvoir a changé, l’engagement est plus diffus, il prend des formes tout à fait différentes. Cela ne signifie aucunement que parce qu’ils sont éloignés, ce sont des postmodernes. Mongo Béti a vécu en exil depuis 59 et il était le meilleur opposant. 148 Entretien La littérature africaine a toujours été pour l’essentiel produite à l’étranger. Cela n’empêchait pas qu’elle soit reprise par le lecteur, l’engagement existe toujours. On sortira de l’engagement le jour où un écrivain écrira un livre à la Christine Angot en parlant de ses histoires de fesses. Mais est-ce que vous connaissez un roman africain qui ne parle que d’histoires de fesses? Ueckmann: Evidemment, on en connaît: par exemple Cola Cola Jazz du togolais Kangni Alem, un roman où la sexualité et l’obscénité fonctionnent également comme provocation. Waberi: Cola Cola Jazz, non. La protagoniste retourne au pays, c’est déjà symbolique. Cette enfant a une mission, d’aller ramener les cendres de son père. Donc, elle a une relation avec le pays. Je parlais d’un roman à la Christine Angot où le personnage doit choisir entre ses maîtresses. Il y a une évocation de ce que j’appellerais le destin collectif. A ma connaissance, il n’ y a aucun écrivain qui l’ait fait, cette rupture. Ueckmann: Que pensez-vous du néologisme migritude, 5 terme qui, contrairement à la négritude remplace apparemment l’importance de la couleur par le fait de la migration, du déplacement, du mouvement? Waberi: En gros, je dirai que les critiques, ils inventent les concepts qui ont plus de fortune mais celui-là, de mon point de vue, n’a pas de fortune. Ueckmann: Vous avez utilisé le terme „migrance littéraire“… Waberi: … qui vient d’Emile Olivier, un auteur haïtien. Chaque écrivain, chaque critique invente des termes. En gros ils parlent de ces mouvements […] qui sont aujourd’hui une évidence en tout cas. Il y a beaucoup d’écrivains africains qui vivent en France et parlent de l’immigration et je ne trouve pas que ce soit d’ailleurs un terme très beau et je pense que ce soit un concept qui ait plus de fortune que ça. Bouba: Qu’est-ce qui diffère les „enfants de la postcolonie“ des écrivains restés en Afrique par exemple? Waberi: Je ne fais pas de distinction entre les écrivains de l’intérieur et les écrivains de l’extérieur. […] Si on veut faire une analyse concrète, on verrait que les situations sont beaucoup plus contrastées parce qu’il y a des pays comme le Bénin, le Sénégal, le Mali, où on peut bien travailler et vivre à l’extérieur. Mes camarades Boubacar Boris Diop, Ken Bugul ou Florent Couao-Zotti habitent à Porto Novo ou à Dakar mais ils sont tout le temps en mouvement. Est-ce que Boris vit à Dakar ou à Paris? Puis, il y a d’autres pays dans des situations d’autoritarisme politique, voir même de chaos, où les écrivains ne peuvent pas passer six mois chez eux, passer six mois à l’étranger comme l’exigent leur métier. Si un écrivain comme Florent Couao-Zotti ne peut pas rentrer, c’est pas lui qui l’a choisi, c’est que la situation togolaise le permet moins alors qu’elle le permet au Bénin. Pourtant les deux pays sont collés. […] Donc, ce n’est pas le lieu de naissance qui les 149 Entretien définit. On peut très bien vivre à Cotonou et à Bamako. […] Le meilleur exemple de l’engagement esthétique et politique est Mongo Béti, lui, il vivait en France. […] Bouba: Revenons à la littérature d’immigration en général: Vous êtes angliciste de formation. Pourriez-vous nous dire si l’imaginaire postcolonial anglophone diffère de celui des écrivains francophones? Waberi: Il diffère sans doute, […] parce qu’il y a des problématiques différentes, parce que, évidemment, d’une part la langue française, elle est en France et la langue anglaise d’autre part, elle est au Royaume Uni. Pour les écrivains anglophones ces histoires de langues sont tout à fait réglées. La langue anglaise n’appartient plus aux seuls anglais. C’est pourquoi un jeune écrivain kenyan n’a pas toutes nos histoires schizophréniques avec la francophonie. La France est presque une exception alors qu’elle se croit être la règle. La France a cette exemplarité en tant qu’exception d’avoir une langue, un territoire et une nation qui coïncident. […] La France est exceptionnelle parce qu’elle a une continuité historique, linguistique et nationale qui est différente. C’est la France qui est monolingue. Alors qu’en Espagne, il y a plusieurs langues, en Italie, il y a plusieurs variétés de langues, en Allemagne, il y a plusieurs fédérations, il y a plusieurs régions. Bouba: Et les Basques, les Bretons, les Occitans? Waberi: Ils sont à la périphérie. Il n’y a qu’une langue, une nation, un drapeau, et un destin presque politique. Alors par exemple quand on dit les Français n’ont pas permis l’expression des langues africaines à Bamako, ailleurs ou à Djibouti, c’est un évidence. Elle n’a pas permit ça aux Basques, aux Bretons qui sont dans les territoires français puisque si elle renonçait à ça, la France ne serait plus la France. Ils ont fait ça déjà à leurs périphéries, comment voulez-vous qu’ils le concèdent aux Algériens et aux Guinéens? Bouba: Vous vivez hors d’Afrique, - on pourrait dire en exil - et cela depuis votre vingt-deuxième année. Et pourtant elle, et surtout votre pays d’origine, Djibouti, sont très présents dans votre œuvre. Pourquoi cette préoccupation constante? Quelle image de Djibouti - et partant de l’Afrique - désirez vous ainsi esquisser? Ou envisagez-vous plutôt de dévoiler l’interaction spécifique entre l’Afrique et l’Europe, le croisement des différences culturelles? Quels genres de questionnements sous-tendent ces représentations? Waberi: Je vis un exil accepté, plus ou moins douloureux, mais ça n’a jamais empêché que je sois Djiboutien. Je dirais qu’enfin Mongo Béti avec un exil beaucoup plus violent, beaucoup plus politique n’a jamais cessé de parler du Cameroun. C’est bien compliqué les gens. Si demain je vais faire un roman breton, on va dire „Ah! il n’est plus djiboutien.“ Ueckmann: Voulez-vous dire que vous n’avez pas le droit d’écrire un roman sur l’Italie? 150 Entretien Waberi: Voilà! Le roman que je suis en train d’écrire il est en partie allemand parce que je m’intéresse au destin de Walter Benjamin. Si vous faites autre chose, on dit mais pourquoi vous n’êtes plus djiboutien et quand vous le faites, on dit mais pourquoi vous êtes restés djiboutien puisque vous n’êtes plus à Djibouti. Au contraire, moi je dirais que l’exil vous rend plus africain que vous ne l’étiez. Pour m’en sortir je pourrais prendre d’autres exemples: Tchicaya U’ Tamsi disait à un jeune congolais, vous habitez à Paris, vous êtes jeune homme, vous, vous habitez le Congo, moi, c’est le Congo qui m’habite. […] C’est pas parce qu’il est exilé, il peut réinventer son Congo. En tant qu’écrivain, on invente un espace autre et on a tendance à le ramener au réel. Nuruddin Farah disait qu’ il habite dans le pays de son imaginaire. Je déteste inventer des pays qui n’existent pas. […] Ce n’est pas forcément du Djibouti réel dont je parle, c’est un territoire imaginaire […]. Je fais une œuvre de fiction. Est-ce que le Dublin de Joyce c’est le Dublin de 2007? Ueckmann: Vous êtes né en 1965 à Djibouti ville, alors sous l’autorité de la France. Vous naissiez français, mais à peine votre enfance achevée vous deveniez, après l’accès de votre pays à l’indépendance en 1977, Djiboutien. Depuis 1985 vous vivez en France, pour l’instant vous séjournez à Berlin en tant que boursier du DAAD. Pourrait-on considérer ce genre de vie comme expérience de transit, de passage comparable à celle de la protagoniste de votre roman Aux Etats- Unis d’Afrique qui se transforme de Maya à Malaïka et se retransforme en Marianne? Waberi: Malaïka, je le voyais comme un diminutif de Maya comme si on s’appelait Timothée et on devient Tim. Malaïka c’est un prénom d’origine arabe qui est devenu musulman et qui est devenu swahili. Donc, Malaïka, Malac en arabe, c’est l’ange. Donc, il y a plein de jeux. Et Malaïka ça renvoie aussi à la chanson très célèbre de Myriam Makeba. Tout africain sait. Et Marianne, elle dit à un moment qu’elle s’appelle Marianne. Le fait que je sois transnational, que j’ai vécu dans beaucoup de pays, ce n’est pas exceptionnel à moi. Ça renvoie même dans le négatif, puisque j’ai inventé un autre espace qui est aux Etats-Unis d’Afrique. Ce sont des créations, ce sont des espaces de fiction qui empruntent à la réalité. Je ne photocopie pas la réalité bien évidemment. Ce qui m’intéressait dans ce cas précis c’était d’inventer un espace qui était continental, qui était hégémonique, aussi pour critiquer la situation actuelle. Donc, c’est une espèce de critique en miroir mais c’était aussi très intéressant du point de vue littéraire parce qu’on décrit Asmara comme si c’était Manhattan. J’ai pris partie de la réalité en jouant sur le mimétisme même géographique avec les Etats-Unis d’Amérique que tout le monde connaît. Donc le triangle Boston, New York, Chicago renvoie par symétrie à mon triangle Djibouti, Asmara, Addis-Abeba dont je parle, puisque je viens de l’Afrique de l’est. Je vais pas pousser le bouchon jusqu’à dire que Djibouti était la capitale de ce monde nouveau sinon on risque de m’accuser d’être trop nationaliste djiboutien. Donc, je dérive dans les pays voisins, que je ne connais pas d’ailleurs. Un créateur invente de nouvelles manières de nommer le monde, de nouvelles carto- 151 Entretien graphies, donc c’est un roman cartographique. Ça m’intéressait comment décrire Asmara comme Manhattan. Et par mes symétries toujours, Dakar joue le rôle de Los Angeles puisqu’elle est la côte ouest. Bouba: Quelle relation entretenez-vous avec le français qui semble être votre langue de prédilection? Ce qui nous amène en même temps à poser la question de la réception de votre œuvre réputée par ailleurs être profonde aussi bien du point de vue réflexion thématique que formel. Pour qui écrivez-vous, vu le nombre très restreint de francophones, voire de „francisants“ en Afrique en générale? Waberi: Quel rapport j’ai avec la langue française. J’ai un rapport tout à fait apaisé, c’est un outil de travail. Je sais bien que c’est un signe colonial. Une des caractéristiques de cette nouvelle génération c’est que les questions conflictuelles ont été réglées, ce qui n’était pas le cas pour les anciens. Kateb Yacine par exemple a dit des choses très intéressantes sur la relation difficile qu’il avait avec la langue française. Pour moi aujourd’hui la langue française, j’ai ni fierté à la maîtriser, ni orgueil. Ça me paraît tout à fait normal. C’est ma première langue de travail mais il n’empêche que j’ai une langue maternelle que j’adore qui est le Somali. J’écris aussi certaines choses théoriques en anglais. Si j’avais les moyens d’écrire en italien, en turc ou en russe, je le ferai. Ueckmann: Pour revenir encore une fois à la deuxième question: pour qui ces livres en français? Waberi: Et dans les huit langues où je suis traduit? Un écrivain s’adresse à tout le monde. C’est une œuvre de création. Est-ce qu’on va empêcher les jamaïcains d’écouter une sonate de Chopin. Ueckmann: Alors, vous faites une littérature sans résidence fixe? Waberi: C’est totalement faux, je n’écris que sur Djibouti. En fait, je suis tout le temps dans les contradictions et dans les résolutions de contradiction. Mais ça ne veut rien dire; c’est parce que quand on est critique, on a des espèces d’oppositions systématiques c’est pas parce que je vis à l’étranger. Je dis Mongo Béti n’a fait que ça. C’est parce que les livres sont publiés à Paris que ce n’est pas opérant. La négritude n’a fait que ça. La négritude c’était les meilleurs représentants. Vous voyez les espèces d’opposition qu’on a entre intérieur et extérieur […]. Ueckmann: Et comment sont perçus vos livres à Djibouti, en Afrique? Waberi: Je suis un écrivain classique à l’âge de 26 ans à Djibouti. Tous mes premiers ouvrages sont au programme depuis toujours. Par contre à partir de Balbala et Transit la situation est plus compliquée. On fait comme si je n’étais pas l’auteur de Balbala, ça c’est le champ politique qui a décidé. Je suis à la fois un écrivain classique et un écrivain honni d’une certaine manière. Hormis Le Pays sans ombre et Cahier nomade, la presse nationale a sanctionné par exemple Balbala et Transit. 152 Entretien Bouba: Je voudrais revenir au problème de lectorat en général, d’édition en Afrique. Est-ce que ça a changé, ça s’améliore ou bien ça s’empire? Waberi: On peut dire que les champs sont contrastés. Les éditions qui existaient dans les années 70, 80, ENEA, NEI, ENEAS, d’ailleurs qui n’existaient pas partout étaient déjà disparates. Il y avait des éditions à Lomé, à Dakar, en Côte d’Ivoire et au Cameroun par exemple et il y avait déjà des pays qui étaient dépourvus de ça, par exemple des écrivains béninois ou du Niger étaient obligés de se faire publier dans les pays à côté. Ces maisons d’éditions qui étaient à la fois des espèces de maisons bicéphales puisque le fond était souvent allié à des groupes français comme Hachette et la gestion était pour certaines africaine. Par exemple NEI à Abidjan. […] Voyez-vous, on a l’impression qu’un livre publié chez NEI à Abidjan aurait été plus ivoirien que le même écrivain ivoirien qui le publierait à Paris, mais ce n’est pas vrai. Puisque NEI si on le prend c’est une boîte française, c’est Hachette. Pour l’instant, ces dix dernières années on a plutôt un reflux de l’économie. Ce que je veux dire c’est que la déflation, la dévaluation du FCFA fait que ces maisons d’éditions qui existaient sont de moins en moins économiquement viables. Présence africaine, la maison glorieuse, est aussi dans cette situation difficile. Donc, naturellement, les artistes, les écrivains se tournent vers des maisons d’édition à l’extérieur. C’était déjà le cas de Birago Diop qui était déjà publié par des maisons d’éditions françaises. Que ce soit Camara Laye, Mongo Béti. Béti a fait les premiers ouvrages à Présence africaine, après il a été chez d’autres éditeurs. Ueckmann: Votre roman Aux Etats-Unis d’Afrique suit une logique du renversement et dénude le monde établi. Le roman fait penser à la technique des contes philosophiques à la Voltaire et également à la théorie littéraire du carnavalesque de Bakhtine et ses effets révélateurs qui en résultent. Dans un autre entretien vous avez dit: „J’utilise la satire comme carapace, moyen de défense.“ 6 Faut-il toujours donner une dimension grotesque au tragique? Waberi: Carnavalesque de Bakhtine, je vois très clairement ce que vous voulez dire, mais le carnavalesque désigne un renversement temporaire des hiérarchies et des valeurs. Moi, je faisais très clairement référence à Swift, Les voyages de Gulliver et les contes philosophiques de Voltaire. Dans cette tradition, on renverse une situation pour la rendre ridicule, c’est l’art de la pantomime. On sait bien que l’humour, la satire sont les meilleurs outils pour à la fois divertir et faire réfléchir. Ueckmann: S’agit-il également d’un roman didactique? Waberi: Non, je déteste le didactisme puisque le didactisme donne des recettes. Alors moi, je n’ai même pas de message, je fais une œuvre sensible et poétique. Ueckmann: De cette manière - la mise en scène d’un monde renversé - votre roman reste au sein du paradigme d’opposition. L’Afrique dynamique, moderne et prospère, tandis que l’Occident est sous-développé, ravagé par la pauvreté, des 153 Entretien épidémies (comme le SIDA) et par des guerres inter-ethniques. Apparemment vous ne craignez ni stéréotypes ni généralisations. Où inscrire la transculturalité, la théorie culturelle qui prévaut actuellement et qui ne s’accommode pas aux dichotomies? Waberi: Quand vous faites un roman il faut être logique dans l’économie du roman. Dans ce roman là j’ai pris la posture de travailler sur renversement, donc évidemment j’ai choisi de travailler sur des stéréotypes, mais simplement pour déconstruire certaines choses. Par exemple tous les discours à expert sur l’Afrique me fatiguent. On a toujours l’impression derrière le roman mille faits du carnavalesque sont des discours dit scientifiques, ethnologiques anthropologiques sur l’Afrique ou des sciences politiques et dans ce cas-là, moi aussi, je suis un spécialiste, je suis suissologue. Je vous démontre que la Suisse est une poudrière ethnique, la Belgique autant, l’Allemagne autant. Dès que vous ouvrez la radio, vous allez avoir un expert de l’ONU qui va vous expliquer que la crise au Congo, le conflit en Iraq, c’est les chiites et les sunnites qui se battent tout le temps. Ce qui nous rabaisse c’est la violence du discours sur l’Afrique. Il y a des pays qui n’ont pas droit à la parole, et donc ces pays-là subissent les discours des pseudo-experts. Alors qu’en Allemagne, CNN ne peut pas se permettre de cette légèreté puisque les gens vont écrire très vite, il va avoir un courrier des lecteurs. Alors que pour des pays qui sont moins dotés symboliquement sur la scène mondiale, on se permet n’importe quoi parce qu’on sait bien qu’il n’y aura pas de lettres d’opinion. On nous parle toujours des relations Nord-Sud, moi j’aimerais bien qu’on envoie des écrivains en résidence, des Sénégalais à Lausanne ou des Guinéens à Brême et qu’on leur donne une bourse pour qu’ils écrivent localement sur les problèmes linguistiques ou les conflits historiques en Suisse ou à Brême. Ils nous diraient des choses très intéressantes. Ueckmann: N’y a-t-il pas ainsi un paradoxe dans votre roman: alors que vous décrivez le monde à l’envers - l’Afrique domine économiquement et culturellement le monde - vous mentionnez sans cesse des écrivains et intellectuels de la ‘périphérie’? Mais un monde construit et vu de l’autre côté devrait être un tout autre monde que l’univers déjà connu. Alors, quel est votre principal objectif? Waberi: Si je m’inscrivais dans une humanité autre, je basculerais dans le fantastique. Ce qui ne m’intéresse pas du tout. Moi, je suis dans ce monde-ci. Ça ne m’intéresse pas d’inventer, car je serais dans d’autres genres qui ne m’intéressent strictement pas. Je crois qu’on a qu’une humanité, c’est celle-ci. Je ne suis pas non plus un religieux au sens d’une transcendance. Je parle de ce monde-ci et je suis encore un écrivain - contrairement à ce qu’on dirait - polémique et engagé. […] D’ailleurs, il y a une astuce qui est paradoxale. On voit que le roman est écrit en français; mais il est dit à un moment donné que le roman est écrit en somali puisqu’il y a une langue africaine qui nous est donné. [...] J’ai introduit un élément mimétique central qui est presque un dispositif engagé puisqu’à un moment donné on parle d’un dictionnaire éthiopique en français et donc le roman 154 Entretien comme la réalité n’existent pas. Il est écrit dans une pseudo-langue africaine qui est le somali puisque de temps en temps, il y a quelques phrases qui sont dites dans le texte puisque le médecin humanitaire africain parle dans cette langue-là qui est la langue normale qui est un peu la lingua franca de l’humanité et qui est cette langue africaine et de ce point de vue je suis libre. La langue française dans laquelle j’écris n’est pas celle de Molière puisque je la détruis en même temps. Bouba: Pourquoi décrivez-vous le retour au pays natal d’une Normande adoptée par des Africains par un narrateur qui représente une sorte de subconscient de la protagoniste? Waberi: Toute l’astuce du roman repose sur un narrateur inactantiel. Il parle en Maya, par moment il est même amoureux de Maya, il fait des petits clins d’œil et des compliments sur ses très belles mains. A d’autres moments, il a une espèce d’affection, on a l’impression que c’est un grand frère voire un père ou un grandpère. C’est un narrateur inactantiel donc qui n’existe pas. C’est pourquoi je déteste le didactisme, je déteste aussi le narrateur omniscient qui connaît tout sur les personnages et qui dirige, qui est ex cathedra, une espèce de Dieu. Donc, j’ai essayé de trouver un narrateur qui sait tout et en même temps qui est dans une posture affectueuse et par moment amoureuse. Si j’étais dans un roman américain ou un roman populaire, j’aurais pu inventer une petite scénette, trois paragraphes pour justifier l’existence de ce narrateur. Il suffit qu’on le raconte à la fin ou au début, je lui aurait donné un nom, par exemple celui d’un grand-père ou d’un amant. […] J’aurai pu faire un prologue en expliquant, mais ça ne me paraissait pas intéressant. Bouba: Vous n’aimez pas les romans classiques? Waberi: Un écrivain écrit ce que lui-même aimerait lire. Et le roman linéaire, classique en lecteur, […]. Vous savez, une œuvre que ce soit en musique ou en peinture pour quelqu’un qui essaie de créer, il est obnubilé, il a une espèce d’obsession pendant trois à quatre ans sur un projet, donc il faut bien qu’il trouve des champs, des choses qui l’intéressent, alors il va peut-être communiquer ce plaisir au lecteur [….]. Ueckmann: Nous vous remercions chaleureusement de l’intérêt que vous avez apporté à l’entretien. 155 Entretien Bibliographie Romans Aux Etats-Unis d’Afrique (Lattès, 2006) [Die Vereinigten Staaten von Afrika (Nautilus, 2008)] Transit (Gallimard, 2003) Balbala (Serpent à plumes, 1998) Nouvelles Dernières nouvelles de la Françafrique (collectif, Vents d’ailleurs, 2003) Rift, routes, rails (Gallimard, 2001) Moisson des crânes (Serpent à plumes, 2000) Cahier nomade (Serpent à plumes, 1996 - Grand Prix littéraire d’Afrique Noire) Le pays sans ombre (Serpent à plumes, 1994 - Grand Prix de la nouvelle francophone de l’Académie Royale de Langue et Littérature Française de Belgique) [Die Legende von der Nomadensonne, Erzählungen (Marino-Verlag, 1998)] Poésie Les nomades, mes frères vont boire à la Grande Ourse, 1991-1998 (Hachette, 2000) L’œil nomade, voyage à travers le pays Djibouti (L’Harmattan, 1997) Conte Bouh et la vache magique (Edicef/ Hachette Livres, 2002, avec Pascale Bougeault) 1 Nous tenons à remercier Elise Nathalie Ngo Bakonde qui fut une aide précieuse pour la transcription. 2 Waberi et beaucoup d’autres écrivains ont réclamé récemment dans un manifeste et ensuite dans une publication dans l’édition renommée Gallimard la reconnaissance des voix francophones mondiales en tant qu’une partie d’une nouvelle „littérature-monde“. Il s’agit d’une „littérature-monde“ innovatrice portant sur des identités plurielles ou biculturelles, nomades ou diasporiques qui résultent de situations transculturelles. La revendication de l’acceptation de l’existence d’une „littérature-monde“ de la langue française est formulée très consciemment au contexte postcolonial et émancipateur, car on peut lire dans le manifeste: „Le centre, ce point depuis lequel était supposé rayonner une littérature franco-française, n’est plus le centre. Le centre jusqu’ici, même si de moins en moins, avait eu cette capacité d’absorption qui contraignait les auteurs venus d’ailleurs à se dépouiller de leurs bagages avant de se fondre dans le creuset de la langue et de son histoire nationale: le centre […] est désormais partout, aux quatre coins du monde. Et naissance d’une littérature-monde en français“ („Pour une littérature-monde en français: Manifest“, in: Le Monde des Livres, 15.03.2007, http: / / www.lemonde.fr/ web/ article/ 0,1- 0@2-3260,36-883572@51-883; cf. Le Bris, Michel/ Rouaud, Jean (eds.): Pour une littérature-monde, Paris, Gallimard, 2007). 3 Ethnie du Cameroun. 4 Waberi, Abdourahman A. (1998): „Les Enfants de la postcolonie. Esquisse d’une nouvelle génération d’écrivains francophones d’Afrique noire“, in: Notre Librairie. Revue des littératures du Sud, no. 135, 8-15. 5 Chevrier, Jacques (2004): „Afriques(s)-sur-Seine: autour de la notion de migritude, in: Notre Librairie. Revue des littératures du Sud, no. 155-156, 96-100. 6 Mbougou, Vitraulle/ Waberi, Abdourahman A. (2006): „Aux Etats-Unis d’Afrique. Abdourahman Waberi revisite notre monde (entretien)“, dans: Afrik.com, 31 mars, http: / / www.afrik.com/ article9677.html.