eJournals lendemains 33/132

lendemains
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Narr Verlag Tübingen
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2008
33132

A. Gide & J. Schiffrin: Correspondance/J. van Tuyl: André Gide and the 2nd World War

2008
Stephen Steele
ldm331320174
174 Comptes rendus particulièrement actif d’un point de vue sémiotique. C’est là où ont lieu des ‘hybridisations’: elle est un système culturel hybride. Après ces quatre chapitres très théoriques, Ruhe nous invite à une réflexion esthétique. Son but étant de dévoiler le réseau transculturel du genre beur, elle présente les références filmiques du cinéma beur et ainsi une partie de l’intertextualité marquant le genre beur. Tout d’abord, elle constate que les réalisateurs puisent dans une tradition de l’immigration et des immigrants qui n’est pas uniquement européenne. Les modèles américains jouent un rôle prépondérant dans ce système transculturel. S’appuyer sur des genres reconnus permet aux régisseurs de légitimer leur travail et de s’inscrire dans une ligne traditionnelle dépassant de loin celle du cinéma français. Afin de mieux expliquer le contexte dans lequel le cinéma beur thématise le problèmes de l’immigration et de l’intégration, Ruhe expose rapidement ce qui s’est passé dans le même domaine en Angleterre, avec des films de Hanif Kureishi et Gurinder Chadha; en Allemagne, avec des films de Rainer Werner Fassbinder, Tevfik Ba ş er, Jan Schütte, Doris Dörrie, Fatih Akin, Thomas Arslan et Lars Becker et aux USA, avec des films de Martin Scorsese, John Singleton, Matty Rich, Mario Van Peeble et Spike Lee, lui permettant de comparer le cinéma de banlieue aux Hood films, films américains de ghetto. Dans la 2 nde partie de son livre, Ruhe dément catégoriquement toute définition d’un film beur disant que l’origine ethnique du réalisateur détermine non seulement les thèmes du film mais son public et son horizon d’attente (Christian Bosséno, Dina Sherzer, CarrieTarr). Elle retrace l’évolution d’un genre mal compris depuis Le thé à la menthe de Abdelkrim Bahloul (1984) tout en introduisant les six films dont il est question dans la 3 ème partie. Son livre s’ouvre alors sur six analyses de films représentatifs du genre beur. Chaque film est traité séparément, mais Ruhe se permet des renvois, tissant ainsi le réseau générique intertextuel du genre beur. Elle présente brièvement chaque réalisateur et chaque synopsis pour ensuite étudier des points-clés traitant de la problématique du genre beur, tels que périphérie/ centre, racisme/ violences, banlieue/ cités, dialogues/ symboles, clichés/ réalité et surtout intertextualité/ métissage qui lui permettent de mettre en exergue des références cinématographiques, musicales et littéraires, d’illustrer le discours transculturel du genre beur et de montrer son évolution allant des prototypes vers l’autoréflexion et la parodie. Emilie Notard (Leipzig) ANDRE GIDE ET JACQUES SCHIFFRIN: CORRESPONDANCE - 1922-1950. ED. ALBAN CERISIER. PARIS: GALLIMARD, 2005, 364 P. ISBN 2-07-077360-4. 29,50 € JOCELYN VAN TUYL: ANDRE GIDE AND THE SECOND WORLD WAR - A NOVELIST’S OCCUPATION. ALBANY: STATE UNIVERSITY OF NEW YORK PRESS, 2006, XII + 268 P. ISBN 0-7914-6713-9. 65,00 $ Une lecture conjointe de ces deux ouvrages s’impose, si ce n’est qu’en raison de leurs dates de parution très rapprochées. La correspondance des années de guerre, soit environ un tiers des lettres échangées entre Gide et Schiffrin, apporte une source directe d’informations qui peut être intégrée aux analyses de Van Tuyl. Ce contact épis- 175 Comptes rendus tolaire ainsi que les rapports entre Gide et l’un de ses éditeurs privilégiés, duquel il est séparé par la guerre, ne semblent pas avoir été trop pris en compte dans André Gide and the Second World War, sans doute du fait du statut encore inédit des lettres au moment de la recherche de Van Tuyl, dont l’ouvrage a pour source nombre de documents d’archives. Le livre mentionne brièvement Schiffrin, co-fondateur et éditeur de la Pléiade, qui, avec sa famille, a pu recevoir l’aide de Gide pour quitter la France, comme d’autres amis de Gide dans la même situation dramatique, dont Jean Malaquais, juif comme Schiffrin, polonais de naissance mais donné pour yougoslave par Van Tuyl (24).2 Le détail du départ en exil de Jacques Schiffrin avec sa femme et son fils André (celui-ci écrit le touchant Avant-propos à la correspondance et figure luimême souvent dans les lettres) est fourni par la lettre du 2 mai 1941 de Jacques Schiffrin à Gide et la lettre suivante de Gide, le 27 juin 1941 (164-169). Le fils est accueilli l’été 1949 par Gide lors d’un séjour en France. Il effectue la traversée seul, son père, qui vit avec un grave emphysème depuis plusieurs années, étant bloqué à New York. L’idée de retour pour les Schiffrin, néanmoins, n’est pas abandonnée tout au long de l’après-guerre et est liée au désir de Jacques Schiffrin de retrouver un poste dans l’édition en France (243), d’être „repr[is] à la NRF-Pléiade“ (324), ou même d’établir une librairie à Nice, tous projets qui restent en suspens jusqu’à sa mort en 1950, dans le plus fort sentiment d’exil. Alban Cerisier, qui a établi l’édition de la correspondance, donne à lire en note une lettre déjà publiée de Roger Martin du Gard à Gide discutant des faibles possibilités ouvertes à Schiffrin pour recommencer une activité en France, les frères Gallimard ne souhaitant pas le reprendre, contre l’avis de Gide (327), et le monde de la librairie traversant une mauvaise passe (325). A New York, Schiffrin poursuit, non sans difficulté, une partie du travail d’éditeur qu’il avait entrepris à Paris avant la guerre, et qu’on peut suivre dès 1922 dans les lettres échangées avec Gide, où il est d’abord question, dans les années vingt, d’une traduction de Pouchkine, puis de l’édition de Numquid et tu...? et de la parution de l’Essai sur Montaigne. Les relations entre les deux hommes demeurent quelque peu distantes pour Schiffrin, qui continue de s’adresser à Gide d’un „Cher maître“, jusqu’au lendemain du voyage en U.R.S.S. de 1936, auquel participe aussi Schiffrin, en dépit du fait qu’il y soit persona non grata, expatrié né à Bakou. La mort d’Eugène Dabit durant le voyage, qui fait l’objet de deux lettres de Gide, l’une d’une véritable tendresse (79-80), l’autre présentant une image piquante d’Aragon (81), et sans doute le voyage lui-même, semblent avoir rapproché Schiffrin et Gide, Schiffrin recourant désormais à l’appellation „Cher ami“ à l’endroit de Gide. La voix de Schiffrin s’ajoute au cercle intime de Gide avec un appel à la prudence dans sa rédaction du Retour de l’URSS (82-84). Jusqu’à l’Armistice de 1940, c’est l’édition du Journal de Gide qui occupe beaucoup les lettres. Rendu à New York, Schiffrin publie, pour Pantheon Books, les Interviews imaginaires de Gide, ses Pages de Journal 1939-1942 et la traduction d’Hamlet, qui leur tenait à cœur à tous les deux. Après-guerre paraissent encore Thésée puis l’Anthologie de la poésie française, que Gide a longtemps souhaité pouvoir concevoir avec Schiffrin, mais que Schiffrin, éloigné, devra se contenter de publier. 2 Le nom de Malaquais flotte un peu dans l’imprécis ces dernières années, comme on peut le voir aussi avec son identification en tant que „poète“ uniquement, dans l’édition de la Correspondance - 1942-1975 entre Alain Bosquet et Saint-John Perse, ed. Michèle Aquien et Roger Little. Paris: Gallimard, 2004, 34. La poésie représente une petite partie, parmi la moins connue aujourd’hui d’ailleurs, de l’œuvre de Malaquais qui a écrit dans différents genres, le roman, la nouvelle, le journal de guerre, l’essai, le scénario, le pamphlet, la thèse universitaire. 176 Comptes rendus A trois reprises dans la correspondance, en 1944 et 1945, il est fait allusion par Gide à sa volonté d’expurger son Journal de quelques passages rédigés en 1940, soigneusement repérés dans la lettre du 13 février 1944 (212-213), jugés inopportuns et compromettants à la fin de la guerre. Venus s’ajouter à sa participation à la Nouvelle Revue Française de Drieu La Rochelle, ces passages et d’autres n’épargnent pas à Gide les attaques à partir de 1944 à Paris, comme le rappelle Van Tuyl, en revenant nettement sur chaque contexte, montrant même certains parallélismes dans l’égarement des idées de Gide au moment de la Première et de la Deuxième Guerres (9-11, par exemple). Le soin apporté, a posteriori, par Gide à l’image que ses écrits et ses engagements peuvent projeter, perceptible dans quelques lettres de Gide à Schiffrin, est abondamment décrit dans l’ouvrage de Van Tuyl. Ce travail d’auto-reconstruction chez Gide, ou „Repositionings“, selon le titre du chapitre cinq, est présent, indique Van Tuyl, sous différentes formes dans Interviews imaginaires et Thésée, et prend toute sa force avec Ainsi soit-il (1952), où Gide réinvente son personnage comme résistant et comme premier intermédiaire entre Boris Vildé et le Réseau du Musée de l’Homme (145). Se basant sur l’orthographe inusuelle que Gide donne au nom russe de Vildé, „Wilde“, Van Tuyl rapproche de manière intéressante l’initiation de Gide à la Résistance (la guerre), grâce à une visite de Vildé à Cabris, de la rencontre avec Oscar Wilde en 1895 à Alger (la sexualité), où Wilde procure à Gide un jeune musicien (146-147). La même opération est faite par Van Tuyl, en plus de détails, sur le Journal de novembre 1942 à mai 1943, avec cette fois la guerre lisible dans la sexualité, l’agresseur étant Gide et le résistant, Victor, personnage du jeune François Reymond, avec qui Gide vit un „conflit domestique“ (88) à Tunis. L’Envers du Journal de Gide, de François Reymond, publié après la mort de Gide, en 1951, souvent rejeté d’un haussement d’épaules par les critiques de Gide (93), est examiné ici avec un peu plus d’attention que d’ordinaire. Les deux ouvrages de 2005 et 2006 offrent aussi l’occasion une nouvelle fois de revisiter l’antisémitisme de Gide auquel l’Epilogue de Van Tuyl donne un large contexte, qui reste beaucoup en surface, en plaçant Gide auprès de Sartre et Paul de Man, dont certaines remarques auraient mis Gide „into relative oblivion“ (149), deux personnalités qui, avec Simone de Beauvoir aussi, auraient des similarités avec Gide dans leurs écrits et leurs comportements durant la Guerre. Ailleurs dans l’ouvrage, et alors qu’elle discute le retour un peu différé de Gide à Paris début mai 1945, Van Tuyl note avec précision l’affaiblissement des propos antisémites chez Gide quand il s’agit pour lui de se refaire un visage inattaquable, mais, dès qu’il retrouve une position plus sûre, les vieilles formules réapparaissent, notamment en 1948, en réponse différée aux Réflexions de 1946 de Sartre (136-137). Dans une lettre de 1949, Jacques Schiffrin revient sur le passage très connu du Journal de Gide de 1931 sur la „littérature juive“ „avilissante“ (340), interpellant Gide en lui écrivant: „votre déclaration ne me paraît ni très juste ni très sérieuse“ (340). Quelques jours plus tard, sans les délais et pertes de courrier occasionnés par la guerre, Gide répond à Schiffrin par l’envoi de „quelques pages de [son] Journal“, dont il se dit „loin d[‘être] satisfai[t]“ (342). Il est possible, indique la note, que ces pages, qui n’ont pas été conservées avec la lettre, datent du 8 janvier 1948, avec le portrait de Schiffrin mêlé à la croyance persistante de Gide, à travers Schiffrin et contre Sartre, aux stéréotypes antisémites (342). Sur ce point et sur d’autres, la correspondance Gide-Schiffrin et l’étude de Van Tuyl s’enrichissent d’une lecture en commun. Stephen Steele (Burnaby-Vancouver)